Quel est le prix à payer pour une retraite anticipée ?

J’ai cinquante-trois ans aujourd’hui. Dans douze ans, je serai à la retraite et je pourrai enfin profiter de mon temps libre ! Réaliser tous mes projets sans cesse remis aux calendes grecques, découvrir le monde et profiter de mes petits enfants ! Tout cela sera réalisable. Mais douze ans, cela me paraît long ! En plus, ma femme (ou mon mari 😉 ) sera à la retraite deux ans avant moi. Est-il possible de financer une retraite anticipée ? Et si oui : à quel prix ?

Si vous vous reconnaissez dans ces quelques lignes et que vous avez la petite ou la grande cinquantaine, il vous reste quelques années de travail avant votre retraite. Notez que c’est la dernière période de votre vie où vous pouvez encore planifier votre retraite. C’est aussi le meilleur moment pour financer votre départ anticipé. Car oui, partir plus tôt coûte de l’argent et il vaut mieux le planifier une grosse dizaine d’années en avance.

L’âge « ordinaire » de la retraite est fixé à 65 ans pour les hommes et à 64 ans pour les femmes. Toutefois, le droit de notre pays, fidèle à son esprit libéral, vous permet de partir cinq ans plus tôt ou cinq ans plus tard.

Dans la réalité, ces cinq années ne signifient pas grand-chose. Entendez-les plutôt comme une généralité où chaque pilier s’inscrit avec ses propres règles, ses avantages et ses inconvénients.

Je vous propose de vous fournir, dans les prochains articles, les notions essentielles des trois piliers sur la retraite anticipée au travers d’un cas concret pour mieux saisir les coûts et les points auxquels prêter attention.

Je remercie Patrick pour son coup de main.

Luc et Marie ont la cinquantaine et aimeraient prendre une retraite anticipée.

Nous allons prendre le cas d’un couple marié : Luc et Marie, qui sont respectivement dans leur 53e et 54e année. Du fait du départ à la retraite décalé entre les hommes et les femmes (65 et 64 ans) et de leur différence d’âge, Marie aura 64 ans lorsque Luc en aura 63.

Luc souhaite partir à la retraite la même année que Marie, soit deux ans avant l’âge de 65 ans. C’est dans dix ans.

Étant donné qu’il existe un nombre quasi infini de solutions pour financer ces deux années de retraite anticipée, je me bornerai à n’en présenter qu’une seule : la plus simple à mettre en œuvre. Ce ne sera pas forcément la meilleure dans votre situation.

Sachez également qu’en vous faisant accompagner par un conseiller financier, vous pourrez grandement améliorer le modèle qui va suivre. Vous pourriez améliorer les coûts, les charges fiscales ainsi que le revenu perçu ! Prenez cet exemple comme une base de réflexion pour votre situation. J’évoquerai des pistes alternatives sans rentrer dans les détails tout au long de l’article.

Aidez-vous d’un graphique pour mieux expliquer votre situation.

L’AVS vous fournira le minimum vital.

À l’image de beaucoup de couples, Luc et Marie ont travaillé toute leur vie. Marie a toutefois eu une carrière coupée après la naissance des enfants, suivie de travails à temps partiel.

La rente AVS de Marie s’élèvera probablement (il reste dix années de travail…) à 1’555.- francs par mois, tandis que celle de Luc se monterait au maximum possible de 2’370.- mensuel.

Premier constat ici : s’ils travaillaient jusqu’à l’âge ordinaire, notre couple aurait droit à la rente de couple AVS maximum et plafonnée de 3’555.- par mois, et ce dès les 65 ans de Luc.

En effet et bien que la rente AVS soit versée individuellement : lorsque deux personnes mariées sont à la retraite, les rentes s’additionnent, mais sont plafonnées à ce montant de 3’555.- (chiffres de l’année 2020).

En anticipant sa retraite de deux années, la rente de Luc diminuera de 13,6%, et ce pour le reste de sa vie. Le montant qu’il percevra sera donc de 2’047.- par mois. Vous trouvez plus de détail dans le mémento de l’AVS ici.

De plus, il devra cotiser à l’AVS jusqu’à ses 65 ans en tant que personne sans activité lucrative. Le montant de la cotisation sera basé sur l’ensemble des rentes qu’il perçoit (premier pilier, deuxième pilier, revenus divers) ainsi que sur le montant de sa fortune. Admettons pour notre exemple que Luc cotisera environ 3’400.- par année à l’AVS.

La retraite anticipée d’un conjoint impacte la rente de couple.

In fine, et aux 65 ans de Luc, la rente de notre couple sera abaissée à 3’263.- mensuel « ad vitam aeternam » et au plus tard jusqu’au décès de l’un des partenaires. Ce point nécessiterait un autre article… Leurs rentes individuelles seront de 2‘147.- pour Luc et de 1’408.- pour Marie.

Cherchons brièvement à comprendre comment les rentes sont calculées par l’AVS : c’est le simple résultat d’un produit en croix. Pour une retraite non anticipée et comme nous l’avons vu plus haut, Marie aurait le droit à une rente de 1’555.- mensuel tandis que Luc percevrait une rente de 2’370.- par mois. La somme des rentes s’élevant à 3’925.- et étant supérieure à la rente de couple de 3’555.-, l’AVS réalise le calcul suivant pour limiter les rentes individuelles : 2’147.- = 2‘370.- X 3’555.- / 3’925.- pour Luc et 1’408.- = 1’555.- X 3’555.- / 3’925.- pour Marie. En additionnant 2’147.- et 1’408.- vous obtenez 3’555.-. Pour arriver à la rente de couple (anticipée) de 3’263.-, la rente de Luc est minimisée de 13,6% correspondant aux deux années d’anticipation.

Le coût de la retraite anticipée s’élève donc à 292.- par mois (3’504.- par année). Avec une espérance de vie statistiquement estimée à 80 ans, le manque à gagner serait en théorie de 59’568.- hors inflation.

**Astuce**

Vous pouvez « prendre votre retraite » à 63 ans sans anticiper votre rente AVS. Il faudra également payer votre cotisation AVS en tant que personne sans activité lucrative, mais vous n’aurez pas ce trou de 13.6% ad vitam æternam.

Il faudra toutefois anticiper ses deux années pour combler ce manque à gagner de 2’147.- mensuel correspondant à plus de 50’000.- sur deux ans. Dans le cas de Luc, ce n’est pas très pertinent (50’000.- VS deux années à 3’504.- additionnée de la cotisation AVS de 3’400.-), mais pour des revenus AVS plus faibles ou pour une personne seule, le calcul peut valoir la peine !

Comment combler la lacune de la rente AVS anticipée ?

En se souciant de cette question dix ans en avance, Luc et Marie ont le temps de préparer et de combler ce « trou » sans trop impacter leur train de vie. Avec une hypothèse de rendement de 4% par année, ils pourraient épargner et investir 600.- par mois au travers d’un 3e pilier afin de former un capital de 87’000.- pour leur retraite anticipée. Ce capital pourra ensuite être consommé à raison de 3’504.- par année.

Vous trouvez ici la suite de cet article qui traite du deuxième pilier.

L’un de vos collègues réfléchit à une retraite anticipée ? Envoyez-lui cet article et dites-lui de me contacter à raphael.battu@maretraite.ch 😉

Frais de garde : discrimination féminine en terre vaudoise

La fiscalité vaudoise et les frais de garde des enfants entraîne une discrimination à l’encontre des femmes et des familles.

Lors de l’arrivé d’un bébé dans une famille, les mamans sont confrontées à un dilemme bien moderne : choisir entre rester 100% du temps à la maison ou travailler à 100%. Les femmes choisissent souvent un « entre deux » grâce au temps partiel. Ce choix discriminant, qui impacte leur carrière et leur future retraite, est aussi pénalisant à court terme puisque leur revenu est frappé par les frais de garde et par une très forte progression fiscale. In fine, c’est le budget familial qui s’en retrouve amputé.

L’onpourrait me rétorquer qu’en changeant les mentalités, l’homme pourrait rester àla maison, mais dans les faits, ce sont bien les mamans qui s’occupent desenfants. En tout état de cause, cette situation ne discrimine pas tant lesfemmes que les familles. En effet, même si les hommes gardaient les enfants, lesméthodes de calcul resteraient ce qu’elles sont… et discrimineraient les hommes.C’est pourquoi je considère que ce sont les familles qui sont discriminées.

Les actifs supportent les jeunes et les retraités

Notresociété semble être devenue schizophrène : les femmes doivent choisirentre le travail et le foyer. Ce choix cornélien est dû à plusieurs facteurs.Il y a évidemment la volonté d’indépendance féminine mais aussi et surtoutl’augmentation inexorable du coût de la vie et du coût du vieillissement de lapopulation (coût de la santé et des retraites).

Notez qu’avec le vieillissement de la population et l’allongement de la durée de vie, les actifs, en diminution démographique vis à vis des passifs, doivent non seulement pourvoir à l’éducation de leurs enfants mais aussi contribuer pour une large part aux revenus des retraités, entre autres via l’AVS. Ce phénomène est appelé à fortement s’accentuer au cours des dix prochaines années.

Noussommes loin de la période où un salaire suffisait, comme il y a une quarantained’années, à faire vivre un foyer entier. Les impôts et les charges sociales onttellement progressé en 40 ans que les couples doivent trouver le soi-disant « équilibreentre vie professionnelle et vie familiale ».

Jevous propose de calculer ci-dessous le coût de garde réel d’un enfant et de lemettre en vis à vis du salaire de l’épouse.

Trois exemples de situations familiales sur le canton de Vaud

Nousallons passer en revue trois situations familiales.

Leschiffres sont basés sur des exemples de couples vivant en ville de Nyon, dansle canton de Vaud. Pour l’exemple, les charges sociales (permettant de passerdu revenu brut au revenu net) sont de 12%, le loyer est de 2’000.- francs parmois et les couples ont un enfant à charge.

Lesallocations familiales perçues s’élèvent au montant ridicule (mais loué par lespolitiques) de 3’600.- par année. Aucune déduction sur le salaire n’est priseen compte, hormis la déduction fiscale pour se nourrir, la déduction socialesur le loyer lorsqu’elle peut s’appliquer et les frais de garde. Cesderniers sont très malheureusement plafonnés et très loin de la réalité pourbeaucoup de famille. Les familles n’ont pas de fortune imposable.

Pour chacun des trois exemples, nous considérerons les deux situations extrêmes : Madame travaille au foyer et Madame travaille à 100%. Le temps partiel, qui représente un entre-deux, ne sera pas exposé à proprement parler puisque les deux cas étudiés sont respectivement le moins et le plus coûteux en termes de frais de garde et d’impôts.

Un premier couple qui perçoit moins que le salaire moyen suisse

Notrecouple perçoit un salaire brut de 5’000.- par mois et par personne sur 12 moissoit 60’000.- par an par personne. Ce salaire est inférieur à lamoyenne suisse.

Madame travaille au foyer. Un seul revenu pour la famille.

  • Frais de garde : 0.-
  • Impôts : 1’618.- paran
  • Reste dans le porte-monnaiede la famille (net, après impôts et charges sociales) : 54’782.- annuelssoit 4’665.-/mois

Madame travaille à 100% et l’enfant est gardé cinq jours par semaine.

  • Frais de garde :19’111.- ; maximum déductible des impôts, seulement :7’100.- !
  • Impôts : 11’290.-
  • Reste dans le porte-monnaiede la famille après impôts, charges sociales et frais de garde : 78’799.-annuels soit 6’567.-/mois

Restez assis 🙂 : Faire garder son enfant coûte à cette famille 28’783.- par année (19’111 + 11’290 – 1’618).

Letaux de ponction sur le salaire net de Madame (ou de Monsieur, comme vousvoulez) est de 48% ! Comment choisir entre n’avoir pas assez de quoi vivre(sur les 4’665.- restants, il faut payer le loyer, les caisses maladie etc.) etse faire taxer près de 50% de son revenu…

Pourêtre complet, il faudrait ajouter le reste de la facture sociale. Cette famillepayera dans le premier cas 5’220.- d’AVS par an soit 37% du revenu d’unretraité au bénéfice d’une rente AVS minimum et 73% dans le second cas.

Ilest intéressant de noter ici que dans le premier cas (Madame travaille aufoyer) les retraités retirent beaucoup plus que le reste de la collectivité (1’618.-d’impôt contre 5’220.- d’AVS soit 3,2 fois plus !).

Étudions la situation d’un deuxième couple gagnant le salaire moyen suisse

Notrecouple perçoit ici le salaire moyen (référence 2016) de 6’500.- brut mensuel parpersonne sur 12 mois soit 78’000.- par an.

Madame travaille au foyer. Un seul revenu pour la famille.

  • Frais de garde : 0.-
  • Impôts : 5’414.-
  • Reste dans le porte-monnaiede la famille : 66’826.- annuels soit 5’569.-/mois

Madame travaille à 100% et l’enfant est gardé cinq jours par semaine.

  • Frais de garde : 25’473.-
  • Impôts : 18’470.-
  • Reste dans le porte-monnaiede la famille : 97’087.- annuels soit 8’090.-/mois

Pourcette famille, faire garder son enfant lui coûte 38’529.- (j’ai faillim’étrangler).

Letaux de ponction sur le salaire net de Madame est donc de 56% ! Sij’ajoute les charges sociales, ce sont près de 62% du revenu brut quidisparaissent.

Cettefamille payera dans le premier cas 6’778.- d’AVS (encore une fois plus auxretraités qu’à la collectivité) soit 48% du revenu d’un retraité au bénéficed’une rente AVS minimum et 95% dans le second cas.

Prenons pour finir l’exemple d’un couple de cadres supérieurs

Notrecouple de cadres perçoit un salaire d’environ 12’500.- brut mensuel parpersonne sur 12 mois soit un total de 150’000.- annuels par personne.

Madame travaille au foyer. Un seul revenu pour la famille.

  • Frais de garde : 0.-
  • Impôts : 20’905.-
  • Reste dans le porte-monnaiede la famille : 114’695.- annuels soit 9’558.-/mois

Madame travaille à 100% et l’enfant est gardé cinq jours par semaine.

  • Frais de garde : 31’200.-
  • Impôts : 61’923.-
  • Reste dans le porte-monnaiede la famille : 174’477.- annuels soit 14’540.-/mois

Pourcette famille, faire garder son enfant revient à 72’218.- !

Letaux de ponction sur le salaire net de Madame est donc de 55%. Ajoutez à celales charges sociales et vous obtenez 60% du revenu brut qui passent à latrappe.

Cettefamille payera dans le premier cas 13’050.- d’AVS soit 92% du revenu d’unretraité au bénéfice d’une rente AVS minimum et 183% dans le second cas.

Ai-je besoin de conclure ?

Ilexiste en Suisse une absence totale de politique familiale. Les chargessociales sont en faveur des retraités et au détriment des enfants et desfamilles.

Il est grand temps d’offrir un avenir à notre pays et de se consacrer à une politique familiale digne de ce nom, seule garante des générations anciennes et futures.

Pourne pas conclure négativement, je propose quelques pistes de réflexionci-dessous. A moindre mal :

  • Augmenter au coût réel ladéduction des frais de garde dans les impôts cantonaux et communaux (c’est entrain de se faire au niveau fédéral).
  • Faire payer les frais degarde par la collectivité via les impôts ou les charges sociales. Cela auraitpour effet d’augmenter les impôts perçus puisque moins de personnes seposeraient la question du choix entre le travail et le foyer.
  • Une allocation naissancebien plus conséquente,
  • Des allocations familialesplus conséquentes.

Uneidée un peu plus « progressiste » :

  • Fournir un revenu minimum journalier aux mamans (ou papa) qui restent à la maison. Ce revenu serait imposable et éventuellement soumis à l’AVS. Ce revenu pourrait payer des frais de garde. Cela impliquerait d’avoir un tarif fixe de garde.

Le conseil fédéral devrait très prochainement revoir la taxation des couples. Affaire à suivre…

Vous avez des enfants ? Faites tourner cet article ! Et proposer vos idées en commentaire 😉

Retraite suisse – Un troisième pilier intelligent – Épisode 6

Vous souhaitez vous constituer un troisième pilier ? Vous ne savez pas par où commencer ? Lisez ceci, ce n’est pas très compliqué !

Lors des derniers épisodes, nous avons vu le fonctionnement du premier et du deuxième pilier. Je vous propose ici de résumer les lacunes du système des trois piliers puis de voir les points importants à considérer pour vous construire un troisième pilier intelligent.

AVS : le système est mort, vive le système !

L’AVS est un système de répartition dont les jours sont probablement comptés.

La cause majeure en est la démographie. La génération du baby boom a construit sa retraite sur le fait que leurs enfants la payeront. Ils n’ont toutefois pas fait suffisamment de bébés pour pérenniser ce système…

Aujourd’hui, baby est devenu papy et d’ici à 2030, le dernier d’entre eux sera passé à la retraite.

Les graphiques ci-dessous sont sans équivoque. L’idée de la solidarité retraite entre les générations, idée qui a émergé au début du XXe siècle (belle pyramide) ne fonctionnera bientôt plus (pyramide inversée en 2045).

Vous trouvez plus de détails dans l’article sur l’AVS en cliquant ici.

Deuxième pilier : Taux négatifs et allongement de la durée de vie, ça vous parle ?

Nous avons vu dans les articles précédents sur le deuxième pilier que chaque travailleur épargne pour lui-même et récupère à la retraite ses avoirs sous forme du capital ou sous forme de rente mensuelle à vie. Enfin ça, c’est « sur le papier ». En effet, le deuxième pilier fait face à deux facteurs dommageables.

Les intérêts négatifs, ou quand la notion de sécurité disparaît

Les intérêts négatifs, persistants depuis près de dix ans, forment le facteur d’actualité le plus néfaste à la pérennisation de nos caisses de pension. Le capital de votre caisse est majoritairement placé en obligations, en actions et en immobilier. Lorsque vous entendez parler de taux nuls ou négatifs, comprenez que c’est la part historiquement la plus sécuritaire qui est impactée : les obligations.

Afin de maintenir un rendement positif, les caisses de retraite se sont massivement rapatriées sur l’immobilier suisse, l’avantage étant d’encaisser un revenu régulier via les loyers. Le hic est que, répondant au jeu de l’offre et de la demande, les prix de l’immobilier se sont envolés, faisant proportionnellement s’effondrer les rendements (loyers).

Les obligations et l’immobilier représentent, selon les caisses, de 50% à 80% de leur fortune ! Vous comprenez ici leur difficulté à générer du rendement… pour vous.

Dans la même veine, l’absence de rendement « oblige » certaines caisses à prélever du capital aux travailleurs actuels afin de verser des rentes aux retraités. En toute transparence, et à la rédaction de cette série d’articles, je ne vous cache pas que ma surprise a été grande. Effectivement, c’est le but même du deuxième pilier qui est remis en cause ici ! Une épargne individuelle qui se transforme en épargne collective.

Que font les autorités pour remédier a cela ? Peut-on parler de vol intergénérationnel ? La limite est de mon point de vue franchie. Vous trouvez un très bon article du magazine Bilan, sur le sujet, en cliquant ici.

une partie de la génération du baby boom va percevoir plus de rente à la retraite que ce qu’elle a cotisé pendant sa vie de travail

Une histoire de taux de conversion

Le second facteur préjudiciable est l’allongement de la durée de la vie. Bonne nouvelle, nous vivons plus longtemps en bonne santé. Et plus nous vivons longtemps, plus nous avons des chances de vivre… encore plus longtemps. 🙂

Lors de la création du deuxième pilier, dans les années 1970, l’espérance de vie à la naissance était inférieure à 79 ans pour les femmes et à 72 ans pour les hommes. Aujourd’hui, elle est de 85.4 ans pour les femmes et de 81.7 ans pour les hommes.

les rentes étant servies à vie, une partie de la génération du baby boom va percevoir plus de rente à la retraite que ce qu’elle a cotisé pendant sa vie de travail.

C’est l’espérance de vie qui a permis de fixer le taux de conversion actuel de 6.8%. Appliqué sur le capital, il fixe le montant de la rente. Révisé pour la dernière fois en 2005, il permet de distribuer le capital pendant 14.7 ans dès le départ en retraite, amenant les femmes à 78.7 ans et les hommes à 79.7 ans. Dans la réalité actuelle, le versement de la rente continue après 14.7 ans… au même taux et ce même si vous vivez 85 ans, 90 ans, 100 ans ou plus.

En toute « logique mathématique », il devrait être proche des 6%.

Les différentes réformes portant sur la baisse de ce taux ont été refusées par le peuple. Notez qu’il est uniquement appliqué sur la partie légale définissant le minimum LPP, le taux sur la partie sur-obligatoire étant à la libre appréciation de la caisse. Vous trouvez ici plus de détail sur le deuxième pilier.

L’espérance de vie à la naissance était inférieure à 79 ans pour les femmes et à 72 ans pour les hommes. Aujourd’hui, elle est de 85.4 ans pour les femmes et de 81.7 ans pour les hommes.
À 65 ans, votre espérance de vie grimpe à 87.5 ans si vous êtes une femme et à 85 ans si vous êtes un homme. Plus vous vivez vieux, plus vous vivez… vieux ! 🙂

Exemples concrets du taux de conversion et des taux négatifs

En ce qui concerne les taux négatifs : prenons un salarié qui arrive aujourd’hui à la retraite avec un million de franc de capital. Ce million est globalement composé de 50% d’épargne et de 50% de rendement. A carrière et revenu égaux, son fils ou sa fille arrivera à la retraite avec seulement 500’000.- francs, montant composé majoritairement d’épargne (rendement très faible). Sa retraite sera donc deux fois plus petite.

Pour le taux de conversion : mettons que vous arrivez à la retraite avec 500’000.- de capital. Multipliez 6.8% de prélèvement par ce capital et vous trouvez votre rente annuelle de 34’000.-. En ponctionnant ce montant chaque année, votre capital serait théoriquement éteint après 14.7 ans. Dans les faits, et pour le moment, vous continuez de le percevoir.

Pourquoi faire un troisième pilier ?

Nous l’avons vu, l’AVS est « mort » et le deuxième pilier se fait attaquer par les intérêts négatifs et l’allongement de la durée de vie.

Autant de problèmes qui incitent à se constituer une épargne supplémentaire. Afin d’augmenter votre épargne retraite, vous êtes libre de constituer un troisième pilier « lié à la retraite » et déductible de vos impôts. C’est ce qu’on appelle le troisième pilier A.

Si vous êtes salarié cotisant à un deuxième pilier, vous pouvez épargner au maximum le montant de 6’826.- francs tandis que si vous êtes indépendant sans caisse de pension, le maximum est de 34’128.- (chiffres de 2019).

Au vu de la situation, se constituer ou non un troisième pilier n’est pas tellement une question à se poser. Les questions à se poser sont plutôt de savoir combien je dois épargner, comment je le constitue de manière intelligente, comment je peux l’adapter à mes besoins et à mes objectifs de vie. C’est à l’ensemble de ces questions que nous allons tenter de répondre.

Oui mais le troisième pilier, ce n’est pas pour moi !

J’entends souvent : « de toute façon, je ne vivrai pas jusqu’à la retraite alors autant vivre et tout dépenser maintenant ». Précisons que c’est bien votre moi qui a de grandes chances de vivre de 65 à 85 ans et plus. Vous pourriez vous poser la question : est-ce que je veux vraiment m’infliger une retraite à 40% ou à 50% de mon train de vie actuel ? Faites les comptes sérieusement : divisez votre revenu par deux et regardez si ça fonctionne avec votre train de vie.

Quel montant épargner dans mon troisième pilier ?

La solution est assez simple : il « suffit » de s’habituer à vivre avec 5% de revenu en moins dès son premier travail et ce jusqu’à la retraite. Vous pourriez par exemple enlever 5% de loisirs, 5% de restaurants, 5% d’iPhone et 5% de vacances… et mettre cette épargne sur votre 3e pilier pour pouvoir ainsi, aisément, continuer à consommer 80% de loisirs, 80% de restaurants, 80% de vacances… à la retraite 😉

Cette règle des 5% est une bonne indication si vous commencez tôt votre troisième pilier, c’est à dire dès votre premier emploi. Par exemple, si vous commencez à travailler à 25 ans avec un revenu de 5’000.- brut, vous pourriez mettre 250.- chaque mois en troisième pilier. Si quelques années plus tard, votre revenu augmente à 7’000.-, vous pourriez augmenter votre épargne à 350.- par mois et ainsi de suite.

Si vous attendez vos 45 ans, vous loupez le plus grand atout qui tourne en votre faveur : le temps. En effet, lorsque vous placez un capital, il travaille pour vous. C’est ce qui forme les intérêts composés : les intérêts font des intérêts, qui font à leur tour des intérêts et ce sur de longues années.

Pour illustrer mon propos, prenons le cas de Jean qui épargne 3’000.- par année dès ses 25 ans et comparons-le à Pierre, qui décide tardivement (à ses 45 ans) d’épargner le maximum de 6’826.-. A un taux de rendement moyen annuel de 3%, Jean récupérera 235’990.- et Pierre 195’746.-. C’est pourtant Pierre qui a mis le plus d’argent de sa poche…

Dans tous les cas, et peu importe votre âge, il est encore suffisamment tôt pour se poser la question et commencer à épargner.

Quel rabais d’impôts grâce à mon troisième pilier ?

Ajoutez que vous obtiendrez un rabais d’impôt sur le montant épargné. Il est difficile de vous dire précisément combien puisque qu’il dépendra de votre situation personnelle. Prenons deux exemples :

  1. Un salarié célibataire vivant à Lausanne avec un revenu brut de 5’000.- mensuel économisera environ 710.- d’impôts sur les 3’000.- de troisième pilier qu’il épargne, soit près de 24%. Un beau rendement 🙂
  2. Un couple marié avec deux enfants, vivant à Lausanne et gagnant 17’000.- brut mensuel économisera environ 4879.- d’impôts sur les 13’652.- (2 fois 6’826.-), soit le montant maximal qu’ils sont autorisés à épargner en troisième pilier, ce qui représente près de 36% d’économie fiscale !

D’accord, mais comment je fais un troisième pilier ?

Avant de choisir un troisième pilier, il est vivement recommandé de procéder à une analyse globale de votre situation financière et de réfléchir un minimum à vos objectifs de vie. Cela vous aidera à y voir plus clair et vous permettra de faire le bon choix.

Votre troisième pilier peut prendre la forme d’un dépôt bancaire ou d’une assurance sur la vie.

Bien que le but soit le même (constituer une épargne pour la retraite), le chemin pour y arriver est différent.

Le troisième pilier bancaire

Dans une banque, vous épargnez sur un dépôt, tout en restant dans la limite légale annuelle. Ce dépôt peut être à rendement nul ou investi avec des perspectives de rendements variables. Comptez entre 2% et 5% en moyenne annuelle. Certaines années peuvent être négatives et inférieures à cette moyenne (comme 2008) et d’autres au dessus (comme 2017). C’est la moyenne qui importe. Plus vous aurez du temps devant vous, plus vous pourrez aller chercher du rendement.

Le troisième pilier assurance

Dans une assurance, vous épargnez et profitez également de couvertures d’assurance telles que la libération du paiement des primes, d’un capital en cas de décès ou encore d’une rente invalidité. Évidemment, ces prestations d’assurances ont un coût et une comparaison entre diverses compagnies et différents produits est judicieuse.

Le troisième pilier assurance est, pour simplifier, un copié-collé du fonctionnement du deuxième pilier.

La libération du paiement des primes vous donnerait l’occasion d’arrêter votre cotisation en cas d’invalidité liée à une maladie ou à un accident. L’assureur épargnerait à votre place, vous permettant de toucher votre capital à la retraite.

Le capital décès est assez évident à comprendre et pourrait servir à rembourser votre dette hypothécaire par exemple.

Quant à la rente d’invalidité, elle permettrait de toucher un revenu complémentaire aux deux premiers piliers en cas de maladie ou d’accident à long terme.

Toutes ces prestations ont un intérêt évident pour protéger votre famille et votre patrimoine, notamment immobilier.

Dans la même veine qu’un dépôt bancaire, une assurance peut être investie ou non. Une assurance classique sera rémunérée non pas à 0% mais au taux magnifique et réglementé de 0.25% annuel, alors qu’une assurance investie pourra aller chercher des rendements compris entre 2% et 5% sur du long terme. Enfin, notez que certains assureurs offrent une garantie minimum de capital à la retraite, indépendamment des rendements effectués pendant la durée d’assurance.

Je choisis quoi ?

Il existe autant de réponses que d’individus. Les critères sont nombreux et personnels : style de vie, envie de devenir propriétaire, montant de la dette hypothécaire, enfants et famille à protéger, lacunes existantes dans les premiers et deuxièmes piliers…

C’est un travail de planification financière à proprement parler. Vous pouvez vous faire aider. Si vous souhaitez vous constituer un troisième pilier intelligent, contactez moi 😉 raphael.battu@maretraite.ch

Quelques pistes de réflexion :

Si votre fortune est déjà faite et que vous n’avez pas besoin de couvertures complémentaires pour vous protéger ou protéger votre famille d’une invalidité ou d’un décès, privilégiez le dépôt bancaire.

Par expérience, si votre épargne annuelle est élevée (deux fois ou plus la limite des 6’826.-) et que votre revenu dépasse le salaire couvert par les deux premiers piliers (environ 100’000.- annuels), l’assurance sera souvent judicieuse. Elle vous permettra de vous focaliser sur vos autres épargnes plus flexibles tout en sécurisant votre famille et votre patrimoine.

Un mix banque-assurance peut également offrir des avantages.

Pour ce qui est des rendements, si votre horizon de temps est inférieur à cinq, voir à dix ans, privilégiez un compte rémunéré à …0%. Ce n’est pas joyeux, mais cela aura le mérite de vous protéger d’une mauvaise année type 2008. A contrario, si vous avez du temps devant vous et un minimum de propension à l’investissement, vous pouvez vous orienter vers un compte avec une proportion d’actions importantes.

Je vous invite à vous faire conseiller et assister pour faire le bon choix. Privilégiez du sur-mesure !

J’y vois plus clair, mais la vie n’est pas figée ! Comment je peux adapter mon troisième pilier à mes besoins et à mes objectifs de vie ?

Bonne question 🙂

D’abord, sachez que si l’utilisation première du troisième pilier est la retraite légale, il existe quelques dérogations. Vous pourriez utiliser votre capital de troisième pilier ou votre police d’assurance dans les cas suivants :

  • Vous vous lancez comme indépendant,
  • Une retraite anticipée de cinq ans précédant l’âge légal,
  • Financer l’achat de votre résidence principale,
  • Faire des travaux apportant une plus value à votre résidence principale,
  • Vous en avez marre des montagnes ? Vous souhaitez partir vivre sous les palmiers ? Le départ à l’étranger fait partie des dérogations.
  • Votre banquier vous prête de l’argent pour acheter votre résidence principale mais vous demande une garantie : vous pouvez nantir (mettre en garantie) votre troisième pilier.

Enfin, vous pouvez ouvrir jusqu’à cinq comptes ou assurances de troisièmes piliers. J’y vois plusieurs avantages : flexibiliser l’utilisation de vos troisièmes piliers, diversifier votre épargne et casser la progression fiscale à la retraite lors du retrait du capital.

Pour conclure

Se constituer un troisième pilier intelligent et sur mesure nécessite de faire un bilan de votre patrimoine et demande une réflexion sur vos objectifs de vie. Je vous recommande également de réévaluer et d’adapter régulièrement votre situation afin de garder une cohérence entre votre vie et votre patrimoine.

Si l’un de vos collègues, amis ou membres de votre famille n’a pas encore de troisième pilier, faites-lui suivre cet article, il vous sera certainement reconnaissant.