Mariage : au-delà du symbole

« Devrions-nous nous marier ? » Voilà une question qui m’est régulièrement posée. Et pas seulement par des jeunes. Beaucoup de couples restent concubins pendant des années, qu’ils aient des enfants ou non. Au-delà du symbole, le mariage entraîne des effets civils, juridiques et fiscaux à ne pas négliger. Si vous souhaitez protéger au mieux votre famille, cet article devrait vous intéresser.

Je vous propose de jeter un œil sur les avantages et les inconvénients du mariage (et, par analogie, du partenariat enregistré) par rapport au concubinage dans les cas de la retraite et du décès d’un conjoint.

À ce stade, retenez que le système de prévoyance des trois piliers peut servir des rentes et/ou des capitaux aux survivants (conjoint, enfant, parent, frère, sœur…).

À la retraite

Si je commence par cet exemple, c’est que l’effet « négatif » du mariage à la retraite est relativement anecdotique. Non pas que je nie les impacts financiers pour les couples, mais qu’en comparaison aux effets bénéfiques du mariage, il reste mineur.

C’est cependant le cas que la presse évoque le plus fréquemment car, à la retraite, un couple marié verra sa rente AVS (premier pilier) plafonnée à 3’585.- francs par mois (dès 2021), tandis que des concubins au bénéfice de rentes maximales AVS, pourront toucher jusqu’à 4’780.- (2’390.- par personne).

De quoi donner des envies de divorce la soixantaine approchante. 

Pour ce qui est des pensions provenant du deuxième pilier ou des capitaux versés par le troisième pilier, le mariage ou le concubinage n’offrent pas d’avantages l’un sur l’autre. Les montants perçus individuellement resteront inchangés. Seule la fiscalité du couple marié pourrait être différente, selon les cantons.

En cas de décès

C’est dans le cas d’un décès que la balance penche fortement en faveur du mariage. Sans mariage, pas d’union scellée entre deux personnes devant la société civile. La cellule familiale n’est ainsi pas reconnue et ne peut se protéger efficacement contre les coups (et les coûts ! ) du sort.

Deux cas de figure sont à évoquer : les rentes perçues par les survivants (veuf/veuve et orphelin) et la transmission du patrimoine aux héritiers.

Quelles rentes pour les survivants ?

Imaginons que le conjoint d’un couple de concubins décède. Les enfants aux études jusqu’à leur vingt-cinquième anniversaire, percevront des rentes d’orphelins du premier pilier et du deuxième pilier, et ce, indépendamment que leurs parents soient mariés ou non. Le troisième pilier pourrait quant à lui verser un capital aux enfants. Dans un concubinage, le concubin survivant n’a le droit à rien puisqu’il n’est civilement pas lié au défunt.

En résulte ici une perte conséquente de rentrées financières pour la famille. Même si le concubin survivant a généralement la possibilité d’administrer les rentes d’orphelin perçues, il manquera un revenu substantiel à la fin du mois, pouvant aller jusqu’à plus de 80% du dernier salaire (cas où la rente d’orphelin correspondrait à 20% du salaire du défunt).

La veuve ou le veuf d’un mariage avec des enfants aurait le droit à des rentes du premier et du deuxième pilier. L’éventuel capital de troisième pilier lui reviendrait aussi de droit.

Enfin et ceci concerne tant les couples mariés que concubins, si le conjoint décédé s’occupait des enfants à la maison (majoritairement les femmes), et ne percevait pas de salaire à proprement parler, la perte financière relative serait aussi considérable. Ce travail coûte cher en réalité dès lors que le survivant doit engager du personnel pour pallier l’absence d’un parent (aménagement du temps de travail du survivant, crèche, garde parascolaire, temps de transport, repas, aide extérieure…).

Quelle fortune en cas de décès ?

Si notre famille de concubins disposait d’une certaine fortune, nous pourrions imaginer combler les lacunes de rentes par un transfert de richesse du défunt au conjoint survivant, via la succession.

Le problème ici est fiscal. L’absence de reconnaissance du concubinat entraîne une taxation lourde. Sur le canton de Vaud, des époux ou des partenaires enregistrés n’auraient pas à payer d’impôt de succession tandis que l’impôt frapperait à hauteur de 50% le montant transféré entre deux concubins « sans lien de parenté ».

Si la seule fortune de la famille est la résidence principale, l’absence de liquidités pour payer l’impôt est un problème à ne pas négliger.

Avec des parents concubins, les enfants récupéreraient légalement 100% du patrimoine du défunt. Cela peut s’avérer très vite handicapant, surtout lorsque la justice nomme un administrateur pour régler la succession dans le but de protéger les intérêts des enfants.

Le mariage échappe à cette situation en instituant le partenaire bénéficiaire à 50% des avoirs du conjoint décédé.

Vous pouvez même aller plus loin en aménageant votre contrat de mariage et en rédigeant un testament. La part légale des enfants peut être réduite au strict minimum appelé « part réservataire ». Ainsi, la succession pour les enfants peut être diminuée de 1/2 à 3/8e, au profit des autres héritiers et notamment le mari ou la femme de la personne décédée.

Concubins : quelles solutions pour protéger sa famille ?

Vous pouvez vous rendre compte que le mariage règle de façon simple la protection financière de la famille en cas de disparition d’un parent. Nous observons également que le concubinage peut être un piège pour le conjoint restant avec des enfants.

Si vous êtes concubins, vous pouvez cependant améliorer partiellement la situation sans recourir à une union civile (mariage ou partenariat).

Si le premier pilier ne verse pas de rente de survivant à des concubins, ce n’est pas obligatoirement le cas des caisses de pension (deuxième pilier) qui, et bien qu’elles n’en aient pas l’obligation, peuvent reconnaître le concubinage sous certaines conditions. Ces dernières sont notamment le fait de vivre ensemble depuis plus de cinq ans ou d’avoir des enfants en commun. Dans ce cas, la caisse fait mieux que la loi en versant des rentes ou des capitaux. Astuce : renseignez-vous auprès de votre caisse et annoncez votre conjoint. Si vous souhaitez approfondir ce sujet, cliquez-ici.

Le troisième pilier peut également pallier ces lacunes. En l’absence de descendant, vous pouvez instituer comme bénéficiaire du capital décès qui bon vous semble. D’ailleurs, l’impôt sera identique, indépendamment de l’ayant droit : entre 7% et 12% selon la situation. Mais attention, dès la naissance des enfants, ceux-ci deviendront automatiquement les héritiers.

Le décès à la retraite ?

Pour conclure sur ce thème, relevons le cas particulier du décès d’un conjoint marié à la retraite.

Lorsqu’un homme à la retraite laisse sa femme veuve, cette dernière touchera sa propre allocation AVS ou le 80% de la rente AVS de son compagnon disparu. Pas de cumul ici.

Petit exemple : Monsieur marié a le droit à une rente AVS de 2’350.- par mois et son épouse à 1’700.- mensuel. Leur pension de couple est cependant plafonnée à 3’585.-. En cas de décès de Monsieur : Madame percevrait les 80% de la rente de Monsieur soit 1’880.-, supérieurs à sa propre rente de 1’700.-.

Dans le cas contraire : si la femme est la première à partir et que les enfants adultes travaillent, l’homme n’a le droit à rien. Le principe d’égalité absent ici est de plus en plus contesté.

Un mot sur le partenariat enregistré : Le Pacs à la française qui permet l’union des couples hétérosexuels et homosexuels n’existe pas et n’est pas reconnu en Suisse. Les couples de même sexe devront y annoncer un partenariat enregistré. Ce dernier reprend les caractérisques du mariage sous le régime de la séparation des biens. Particularité des cantons de Neuchâtel et de Genève qui reconnaissent l’union hors mariage des couples hétérosexuels. L’AVS assimile les personnes au bénéfice d’un partenariat enregistré à des veufs. Ils ne peuvent pas bénéficier de rente de survivant.

Le deuxième pilier, quant à lui, verserait au conjoint restant 60% de la rente de retraite précédemment touchée. Sous certaines conditions, le cumul de rentes du deuxième pilier est donc possible.

En discussion au parlement

Enfin, une discussion aux deux Conseils a actuellement lieu pour modifier le droit des successions. Certains parlementaires souhaitent diminuer la part d’héritage légal pour les enfants et mieux prendre en considération le divorce dans la transmission du patrimoine. Affaires à suivre.

Pour aller plus loin, je vous invite à lire ces deux articles : comment faire face au décès du conjoint et éviter l’expulsion de la maison familiale lors d’un décès.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.

Retraite : comment faire face au décès de son conjoint ?

Voilà un sujet qui s’il n’est pas planifié correctement peut ajouter de la complication à une situation douloureuse. Lors de la planification de la retraite, le décès du conjoint peut être problématique et la protection du partenaire survivant devrait systématiquement être étudiée. Savoir qu’un plan existe « au cas où » permettrait d’alléger la charge émotionnelle et d’éliminer l’insupportable inconnue.

Nous verrons dans un premier temps le montant des rentes versées par le premier et par le deuxième pilier, puis nous aborderons les éléments auxquels rester attentifs notamment vis-à-vis de la dette hypothécaire et de la succession.

Le premier pilier et le décès du conjoint

L’Assurance Vieillesse et Survivants (AVS) distingue la veuve du veuf et peut attribuer sous certaines conditions une « rente de survivant » au conjoint restant. Les femmes sont mieux loties que les hommes dans ce cas.

Un homme a le droit à une rente de veuf uniquement dans le cas où il aurait à charge un ou des enfants de moins de 18 ans.

Une femme a le droit quant à elle à une rente de veuve si elle a au moins un enfant (peu importe l’âge de l’enfant) ou dès lors qu’elle a plus de 45 ans au moment du décès du conjoint et lorsque leur mariage a duré plus de 5 ans.

Je vous rappelle que ce système date de 1948 et qu’à l’époque, l’épouse travaillait souvent à la maison, aux champs ou encore partiellement au magasin de monsieur. Bref, les femmes étaient très dépendantes des hommes. Il semblerait que beaucoup de votants pensent que nous sommes bloqués en 1948. 🙂

Une femme divorcée peut également prétendre à une rente de veuve jusqu’à ce qu’elle se remarie. Plusieurs conditions existent pour obtenir cette rente notamment celle d’avoir été mariée au moins 10 ans et d’avoir plus de 45 ans au moment du divorce.

Les conjoints au bénéfice d’un partenariat enregistré sont considérés sous le régime du « veuf » tandis qu’un couple non marié ne jouit d’aucune reconnaissance au niveau de l’AVS.

À combien s’élève la rente de veuve à la retraite ?

Je passerai outre la rente de veuf qui est très rarement versée, et me concentrerai sur la rente de veuve.

À la retraite, un couple marié perçoit sa rente de couple AVS. Dans le cas ou monsieur viendrait à décéder, madame pourrait percevoir une rente de veuve.

Mais attention, deux rentes ne peuvent être versées simultanément (la rente AVS de l’épouse plus la rente de veuve). Seule la rente la plus élevée entre la rente de retraite de madame et la rente de veuve serait payée.

Notez également que la rente de veuve est dans tous les cas limitée au 80% de la rente de monsieur.

Quelques exemples pour y voir plus clair.

Supposons que madame perçoive 1’408.- francs par mois de l’AVS et monsieur 2’147.-. Dans ce cas, 80% est appliqués aux 2’147.- afin d’obtenir la rente de veuve potentielle qui se monterait à 1’718.-. Ce montant étant supérieur à la rente de madame, cette dernière recevrait la rente de veuve.

Dans un autre cas, si madame empoche une rente AVS plus élevée que celle de son conjoint, elle continuera de recevoir sa propre rente AVS.

Enfin, si monsieur perçoit la rente maximale AVS de 2’370.- mensuel alors la rente de veuve se monterait à 1’896.- (80% de 2’370.-).

Le deuxième pilier et le décès du conjoint

Les règles pour obtenir une rente de veuve ou de veuf du deuxième pilier sont identiques à celles de l’AVS.

Toutefois, nous sommes juridiquement dans les années 1970 lors de la création de la Loi sur la Prévoyance Professionnelle (LPP) et une plus grande liberté règne…

En effet, certaines caisses incluent dans leur règlement des prestations plus généreuses que ce que prévoit la loi. Renseignez-vous sur la pratique de votre caisse de pension et adaptez votre situation en conséquence !

Deuxième pilier : ce que dit la loi.

La LPP prévoit de verser, si les conditions sont remplies, une rente de veuve à hauteur de 60% de la pension de retraite que percevait le conjoint.

Ici, les allocations se cumulent contrairement à l’AVS : madame peut conserver son revenu LPP et percevoir en plus la rente de veuve LPP de monsieur.

Il faut évidemment que le choix de la rente eût été fait par monsieur lors du début de sa retraite. À défaut, le capital perçu lors de la prise de retraite aurait rejoint la fortune familiale et aucun droit ne pourrait plus découler de cet avoir LPP.

Si les conditions d’octroi, abordées au début de l’article, ne devaient être remplies, l’épouse pourrait recevoir une allocation unique égale à trois rentes annuelles.

LPP : Un exemple du droit à la rente de veuve.

Monsieur perçoit 3’500.- par mois de sa caisse de pension En cas de décès, son épouse, avec laquelle il a eu des enfants, toucherait une rente de veuve LPP de 2’100.- mensuel (60% de 3’500.-).

La caisse de pension de monsieur est aussi plus généreuse que la loi et permet le versement unique d’un capital de 100’000.-.

Des caisses de pension plus fortes que la loi.

Certaines institutions peuvent fournir des prestations plus larges que le minimum légal. C’est le règlement de la caisse qui donne des informations sur ce point.

Par exemple, votre deuxième pilier pourrait reconnaître votre concubin (en l’absence de mariage) et verser également une rente en cas de décès ou encore un capital.

Dans ce cas, un minimum de conditions est généralement exigé tel qu’une communauté de vie de cinq ans ou la présence d’enfant en commun. Certaines caisses peuvent même accepter d’autres bénéficiaires. Vérifiez ce point !

Le troisième pilier et le reste de votre fortune en cas de décès du conjoint.

Si vous avez franchi le seuil de la retraite, le 3e pilier n’existe plus sous cette forme. En effet, le capital que vous aurez épargné aura rejoint votre fortune personnelle. Ce serait également le cas de votre capital de 2e pilier si vous l’aviez privilégié à la rente.

Pour ce qui est du reste de votre patrimoine, il sera partagé entre les héritiers qui sont généralement formés de votre conjoint et de vos enfants.

La rédaction d’un testament ou d’un pacte successoral peut vous aider à la retraite à protéger d’un décès votre conjoint pour l’avenir, surtout si une bonne part de votre patrimoine est constitué par votre résidence principale, difficilement liquidable.

Une bonne planification retraite, réalisée avec l’aide d’un conseiller financier, doit vous permettre de protéger votre famille et vous assurer un avenir serein face aux différents aléas de la vie.

Si vous êtes actuellement confronté à une situation du décès du conjoint et que vous vous posez des questions sur la succession, vous pouvez m’écrire à :

raphael.battu@maretraite.ch

Vous pouvez également m’écrire si vous souhaitez mettre en place une protection du conjoint.

Je meurs demain ? Planifier sa succession

Avez-vous pensé à régler votre succession ? Vous trouvez ici des pistes de réflexion pour la planifier correctement.

Il y a une chose dont je suis certain : un jour, je disparaitrai. Cette affirmation fait naître tout un tas de questions qui, j’en suis sûr, vous taraudent également l’esprit si vous avez des enfants et/ou un partenaire de vie. Alors même si Google a fait du combat contre la mort l’un de ses axes prioritaires de travail, l’absence de résultat probant – pour le moment 🙂 – « m’oblige », en qualité de parent, à planifier ma succession.

Planifier correctement sa succession est un thème vaste. Je vous propose ici d’apporter des lumières sur les cas de décès d’un parent ou de décès simultanés des deux parents. Je ne traiterai donc pas dans cet article des donations ou de la fiscalité.

Pourquoi planifier sa succession ?

Selon un article du journal Le Temps, que vous trouvez ici, 77% des suisses estiment qu’un testament est très important mais ils sont seulement 27% à en rédiger un. Lorsque l’on pense « succession », le testament nous vient tout de suite à l’esprit. Il n’est pourtant qu’un élément d’une succession correctement planifiée.

Une succession réfléchie doit servir plusieurs objectifs. L’idée de faire un plan sur les actions à entreprendre en cas de décès est non seulement d’offrir à sa famille la sécurité et la tranquillité d’esprit sur des questions complexes et rarement abordées, mais également de procurer une suite d’étapes sur l’attitude que doivent adopter les survivants, le reste de la famille et les représentants de la société que sont les juges, les notaires et les curateurs.

L’aspect sécuritaire pour la famille est une notion large et individuelle, pouvant inclure de « garder un toit sur la tête », d’assurer une certaine éducation aux enfants, de répartir équitablement le patrimoine entre tous les membres de la famille ou encore de protéger le conjoint survivant d’une distribution trop précoce du patrimoine.

Après une disparition, un monde nouveau rempli d’inconnues, de contraintes juridiques, administratives et fiscales s’ouvre aux survivants. Les informer sur les actions à entreprendre quant à la répartition du patrimoine ou à la gestion des affaires patrimoniales permettra d’alléger leur charge émotionnelle dans un moment où la douleur risque de prendre le pas sur la rationalité.

Enfin, planifier sa succession doit également permettre d’éviter ce que beaucoup de familles vivent et redoutent au moment de la répartition de l’héritage : les querelles.

La loi sur les successions

Au delà des objectifs propres à chacun, le législateur a prévu des lois. Elles sont probablement justes, mais par mesure d’équité entre les héritiers, la justesse ne répond pas forcément aux objectifs de votre famille cités plus hauts.

L’équité ne répond par exemple pas à cette question : après le décès d’un parent, où irait vivre son conjoint survivant dans le cas où l’un des enfants réclamerait sa part d’héritage, formée en partie de la maison familiale ?

Il faut également noter que pour des enfants mineurs, ce sont les juges et les curateurs qui désigneront les tuteurs et la façon d’utiliser le patrimoine pour les enfants. Vous êtes-vous déjà posé la question de où pourrait « atterrir » vos enfants si vous et votre conjoint disparaissiez ?

Il est pourtant possible d’orienter au maximum ces éléments, sans violer la loi, notamment grâce à un contrat de mariage, un testament, un pacte successoral ou un mix de ces derniers.

Liquidation du régime matrimonial, succession légale, parts réservataires et quotité disponible

Avant d’aller plus loin, je me dois de préciser ce que dit la loi sur la répartition du patrimoine en cas de décès. La succession légale est la règle si aucun acte (un testament ou un pacte successoral par exemple) ne la contredit.

Pour un célibataire avec enfants, ces derniers seront les uniques héritiers. Sans enfant et sans testament, les parents sont les héritiers légaux. Ces derniers ont une part réservataire de 1/2. Cela signifie que notre célibataire pourrait faire don de la moitié de sa fortune.

Pour un défunt marié ayant des enfants, il faudrait dans un premier temps procéder à la liquidation du régime matrimonial (dissolution du mariage). Ceci a pour effet d’attribuer à chacun des époux sa part de fortune personnelle. La succession peut avoir lieu dans un second temps. Le patrimoine du défunt est alloué, selon la succession légale, pour moitié au conjoint tandis que l’autre moitié reviendrait aux enfants. Dans un tel cas, la part réservataire du conjoint se monte à ½ et celle des enfants aux ¾ de leurs parts.

La révision prochaine du code civil devrait diminuer les parts réservataires et s’adapter aux situations de familles plus actuelles comme les familles recomposées ou monoparentales.

Vous pouvez tout à fait modifier cette répartition tout en respectant les parts réservataires. Essayons d’y voir plus clair dans l’exemple ci-dessous.

Un cas concret de succession

Monsieur décède et laisse une épouse avec deux enfants. Le couple possède un patrimoine de 200.- francs qu’ils ont constitué ensemble – à force de travail 🙂 – depuis leur mariage (c’est ce qu’on appelle les acquêts).

En cas de décès, le régime matrimonial est dissous. C’est à dire que l’on procède à une liquidation des biens comme pour un divorce. Son épouse récupère sa part de 100.- correspondant à la moitié des acquêts puis intervient la succession, c’est à dire la répartition du patrimoine du défunt.

La part de Monsieur est de 100.-. La succession légale prévoit de verser 50.- à son épouse et 50.- à ses enfants. Monsieur pourrait avoir fait modifier ces points en amenant par exemple son épouse à sa réserve de ½ correspondant à 25.- (la moitié de sa part) et ses enfants à 37.50 (¾ quart de leur part) soit 18.75 pour chacun des enfants.

Vous êtes toujours là ? Un cas plus proche de la réalité et forcément moins facile 😉

Imaginons maintenant que les 200.- de patrimoine de notre couple soit composé de 160.- de maison (résidence principale) et de 40.- de liquidités.

Dans le cas de la succession légale, les enfants pourraient réclamer leurs parts, se montant à 50.-, avec le hic évident qu’il existe un manque de liquidités puisque nous sommes en présence d’immobilier.

Notre couple pourrait prévoir de réduire les enfants à leurs réserves de 37.5, permettant à Madame de conserver la résidence principale et un peu de liquidités, et ce même si les enfants venaient à réclamer leurs parts.

Notons que les enfants ne sont absolument pas déshérités puisque la succession « finale » aurait lieu au décès du second conjoint. Voyons maintenant les dispositions que vous pouvez entreprendre.

Faire un contrat de mariage

Sans contrat, le régime du mariage « par défaut » est celui des acquêts.

Pour faire simple, tout ce qu’un couple épargne pendant son mariage est un pot commun appelé acquêts. En cas de décès, le régime matrimonial est dissous et les acquêts sont répartis par moitiés entre les époux. La part du défunt est ensuite distribuée aux héritiers via la succession.

Les acquêts doivent être distingués des biens propres qui sont les biens acquis avant le mariage ou hérités de la famille. Les biens propres ne sont pas répartis entre les époux et tombent donc directement dans la succession (masse successorale).

Vous pourriez établir un contrat de mariage avec une clause désignant comme seul bénéficiaire – en cas de décès de l’un des conjoints – le conjoint survivant. Le conjoint serait ainsi protégé. Nous verrons plus bas que ce contrat devrait idéalement être complété par un testament.

Les couples mariés sous le régime de la séparation de bien ne forment pas d’acquêts. En cas de dissolution du mariage après un décès, seuls les biens propres du défunt seraient répartis via la succession.

Le régime de la séparation de bien est identique pour les couples au bénéfice d’un partenariat enregistré.

Le testament – idéal avec des enfants mineurs

Si vos enfants sont mineurs, rédiger un testament en complément du contrat de mariage cité plus haut peut être une bonne solution.

Un testament peut inclure un certain nombre de volontés qui – du moment qu’elles respectent la loi – peuvent préciser vos « dernières volontés ».

C’est ici que vous pourriez indiquer vouloir réduire vos enfants à leur réserve et attribuer le solde (la quotité disponible) à votre conjoint.

C’est également grâce au testament que vous pouvez désigner un curateur pour vos enfants en cas de prédécès de votre conjoint ou du décès simultané des deux conjoints.

La justice devra tenir compte de vos choix.

Le pacte successoral – préférable avec des enfants majeurs

Si l’entente est au beau fixe avec vos enfants, vous pourriez les inviter à accepter un pacte successoral.

L’avantage principal ici est de façonner la répartition du patrimoine comme bon vous semble. Chacun des époux pourrait s’attribuer 100% du patrimoine en cas de décès de l’un d’eux puis répartir le patrimoine au décès du second. Dans ce cas, votre conjoint serait assuré de passer ses derniers jours sans crainte de devoir se séparer de la maison familiale ou des revenus du patrimoine.

Nous vivons de plus en plus longtemps. Il y a quelques années, les enfants héritaient vers 40 ou 50 ans alors qu’aujourd’hui les successions interviennent bien plus tard. Il est aussi plus fréquent que des enfants disparaissent avant leurs parents. Rien n’empêche le conjoint survivant de faire des dons à ses enfants bien avant son décès !

Faites vous assister par un notaire

Votre situation patrimoniale et maritale est unique. Vos souhaits et vos objectifs le sont également.

C’est pourquoi je vous recommande vivement de vous faire assister par un notaire afin de vous aider à trouver la meilleure solution ou le meilleur compromis pour votre famille.

Il pourra rédiger votre contrat de mariage ou vous indiquer ce qu’il convient d’inscrire dans votre testament.

Il fera aussi office de personne extérieure « neutre » si vous souhaitez rédiger un pacte successoral avec l’avantage de répondre concrètement aux questions de chacun des membres de votre famille.

je n’ai pas de notaire !

Oui, bah vous passez très probablement tous les jours devant une étude notariale. Sonnez, entrez et posez vos questions. 🙂

Vous pouvez également trouver un notaire via internet ou dans les annuaires.

En Suisse romande, vous pouvez trouver un notaire ici : https://www.notaires.ch

Just for fun

Vous avez un amant ou une amante ? Vous aimeriez lui laisser quelque chose ?

Il y a un hic, car même si vous pouvez réduire les membres de votre famille à leurs parts réservataires, l’impôt se rappellera au bon souvenir de l’héritier qui n’a pas de lien civil avec vous. Comptez au moins 50% d’impôts dans le cadre d’une succession à une personne physique sans lien direct avec vous !

Attendez ! Il existe une solution 😉 le 3e pilier assurance dit « B » qui – s’il respecte un certain nombre de clauses – permet de désigner comme bénéficiaire la personne que vous voulez et cela avec une imposition allégée.

Evidemment au delà de la blague, toute personne n’étant pas votre conjoint (mariage ou pacte) et qui est hors parentèle (vos ascendants et leurs enfants ainsi que vos enfants et petits enfants – votre famille au sens large) pourrait bénéficier de cet avantage.

Pour conclure

Alors j’espère que ce fameux jour de disparition soit le plus lointain possible mais il pourrait très bien arriver demain. Pour vous je ne sais pas, mais laisser ma femme et mes enfants sans dernière disposition me laisserait – ou plutôt à eux 🙂 – un goût d’inachevé.

Il peut être intéressant de réfléchir au jour d’après pour vivre plus serein le reste de la vie.

Pensez également à envoyer la facture du notaire à votre protection juridique. Cette dernière peut prendre en charge une partie des frais.

Vous avez aimé cet article ? Dites le moi en commentaire !

Et pour rigoler

Vous trouvez ci-dessous la scène mémorable chez le notaire, extraite du film « Les Trois frères ». Bonne rigolade.