Prévoyance : quitter la Suisse

Vous êtes muté à l’étranger ? Vous souhaitez découvrir de nouveaux horizons ? Ou vous retournez dans votre pays natal, après quelques années de travail en Suisse ?

Quitter la Suisse pour l’une de ces raisons est assez fréquent et pose un grand nombre de questions sur le niveau de votre retraite. Est-ce que mes années de cotisations AVS sont perdues ? Ai-je le droit de récupérer mes 2e et 3e piliers ? Comment limiter les impôts de sortie ? À quoi penser pour l’avenir de ma prévoyance ?

Autant d’interrogations légitimes auxquelles nous allons essayer de répondre.

Cotiser à différents systèmes sociaux

Si au cours de votre carrière, vous êtes amené à travailler dans plusieurs pays, vous participerez à des stratégies de prévoyance très différente.

Prenons par exemple les cas de la France et de la Suisse. Le premier pays ne fonctionne quasiment que sur un système de répartition tandis que le second offre un mix entre répartition et capitalisation.

Dans une approche de répartition, ce sont les montants de vos cotisations actuelles qui déterminent le niveau de votre allocation de retraite futur. Nous cotisons en général une quarantaine d’années dans une telle structure, sans former d’épargne. En Suisse, le premier pilier (AVS) fonctionne ainsi sur 44 ans de contributions pour les hommes et 43 ans pour les femmes.

L’épargne est plus simple à comprendre : au travers des caisses de pensions et du 3e pilier suisses, vous accumulez un avoir qui vous sera rendu sous forme de rentes mensuelles ou de capital à la retraite.

Au fil du temps et de vos déplacements, vous construisez un puzzle de systèmes dont le tableau final ne vous apparaîtra que dans 20 ans, 30 ans ou plus. Vous avez donc tout intérêt à y accorder un minimum d’attention et de suivi afin de vous éviter des montagnes de formalités administratives la retraite venue. Mon premier conseil : gardez les preuves de vos cotisations.

L’AVS

Vous devriez conserver vos certificats de salaires annuels (reçus en début d’année pour l’année précédente). Ce document recense vos revenus perçus ainsi que le montant de vos cotisations AVS et du deuxième pilier.

Avant de quitter le pays, je vous invite également à commander un extrait individuel auprès de l’AVS. Ce dernier vous permettra de vérifier l’exactitude des salaires cotisants en plus de vous servir comme preuve à archiver. Demandez-le avant de quitter le territoire pour pouvoir échanger (et éventuellement réagir) facilement et rapidement avec l’administration ou avec un ancien employeur. Vous pouvez commander votre extrait en cliquant ici.

Vous pourrez exiger vos prestations AVS au plus tôt deux ans avant l’âge légal de la retraite, soit à 65 ans pour les hommes et à 64 ans pour les femmes. Une rente anticipée (avec un impact négatif sur la rente) peut être demandée à respectivement 63 ans et 62 ans.

Notez que, comme tout système de répartition en occident, les choses sont amenées à fortement évoluer dans les prochaines années. Le vieillissement très prononcé de la population pèsera de plus en plus lourdement sur ce dispositif. Je vous renvoie à ma série d’articles sur le sujet.

Étant donné qu’une rente pleine nécessite 43 ans à 44 ans (femmes, hommes) de cotisations, vous bénéficierez très probablement d’un montant inférieur au maximum possible.

Lorsque vous aurez atteint l’âge légal de départ à la retraite, vous devrez « simplement » vous adresser à l’AVS.

Pensez aussi que les grandes sociétés et les organismes publics peuvent proposer une expatriation avec une affiliation au système de retraite suisse. Renseignez-vous auprès de votre employeur.

L’épargne du deuxième pilier

Dans le deuxième pilier, vous capitalisez chaque mois une fraction de votre salaire avec le concours de votre employeur. Cette épargne s’accumule dans votre caisse de pension et vous rapporte des intérêts – souvent ridicules, mais c’est un autre sujet. 

Lors d’un départ définitif de Suisse, vous pourriez récupérer tout ou partie de votre avoir selon l’endroit où vous élisez domicile.

Tentons de faire simple. Si vous vous installez en dehors de l’Union européenne, vous avez le droit de mettre la main sur 100% de votre capital.  À contrario, en vous établissant en UE, vous aurez l’obligation de laisser en Suisse une portion de votre deuxième pilier jusqu’à votre retraite. Cette partie forme ce que l’on appelle l’avoir minimum selon la Loi sur la Prévoyance Professionnelle (LPP). Vous trouvez ce chiffre sur votre certificat annuel. Ce montant correspond au minimum des cotisations légales que vous avez épargnées. La part excédentaire peut se libérer sans condition d’utilisation. Vous êtes par exemple au bénéfice d’un capital de 100’000.- francs dont 20’000.- dépendant de la LPP, doivent rester en Suisse.

Retenez que ce n’est pas parce que la loi vous permet de prendre tout ou partie de votre deuxième pilier que vous devez le faire… Si vous quittez la Suisse avec 100’000.-, 200’000.- ou 1’000’000.- de francs, vous devriez vous assurer que votre nouveau pays offre les mêmes niveaux de sécurité politique et financière que la Suisse. Avant de retirer votre capital, demandez-vous pourquoi des épargnants du monde entier placent leur fortune en Suisse… Vous pourriez continuer de bénéficier des structures existantes.

Gardez en mémoire qu’indépendamment du lieu où vous emménagez, les conditions de libération valables en Suisse le sont également à l’étranger. Nous trouvons par exemple l’achat de sa résidence principale ou la retraite anticipée de cinq ans avant l’âge légal (65 ans ou 64 ans).

Que faire de mon deuxième pilier ?

Si vous décidez de laisser votre argent en Suisse, vous devrez ouvrir un compte de libre passage auprès d’une banque ou une police de libre passage dans une assurance.

Choisissez un plan qui vous offrira des rendements dans la durée. Réaliser 2% à 5% « bon an, mal an » est raisonnable si vous avez du temps devant vous. Prenez cette thématique au sérieux : 200’000.- placé à 3% entre vos 40 ans et vos 65 ans vaudront 418’000.- à la retraite. Tandis que 200’000.- juste « stockés » à 0% vaudront… 200’000.-. Traduit en termes de rente, c’est un manque à gagner d’environ 10’000.- par année !

Le troisième pilier

Que vous épargniez votre troisième pilier dans une police d’assurance ou sur un compte bancaire, les réflexions qui s’offrent à vous s’apparentent à celles du deuxième pilier. La principale différence est que vous êtes totalement libre de récupérer vos avoirs et ce, peu importe l’endroit où vous vous installerez.

Faites toutefois attention à une utilisation réfléchie de vos contrats d’assurance. Ils devraient être adaptés à votre nouvelle situation. Les rentes et la libération du paiement des primes en cas d’incapacité de gain ne pourront pas toujours être conservées et vous devrez transformer votre contrat de 3A (lié à la retraite) à 3B (libre) puisque vous ne pourrez plus bénéficier des avantages fiscaux suisses.

Un contrat d’assurance conclu récemment (une dizaine d’années) pourrait par exemple être libéré du paiement des primes (vous arrêtez de cotiser et l’argent épargné continue de porter intérêt jusqu’au retrait, généralement la retraite) ou aligné avec votre nouvelle situation. Vous devriez évaluer avant de partir vos besoins nouveaux en termes de prévoyance et de protection familiale afin d’ajuster en conséquence le niveau des cotisations et des prestations.

Pour ce qui est du troisième pilier bancaire, c’est un peu plus simple. Si vous disposez d’une dizaine d’années devant vous, vous devriez l’investir – même dans un plan conservateur – afin de maintenir au minimum la valeur de votre argent dans le temps (combattre l’inflation).

Minimiser les impôts en cas de retrait de ma prévoyance

En retirant l’un ou l’autre de vos piliers, vous serez confrontés au paiement d’un impôt de sortie sur le versement en capital.

Cet impôt est fonction de votre canton de résidence au moment du retrait du capital. Vous avez ici tout intérêt à faire transférer vos avoirs de prévoyance dans un canton qui offre une fiscalité plus avantageuse. À votre départ, vous déciderez librement du canton où votre deuxième pilier sera investi. Cela ne peut évidemment s’effectuer que lors de votre départ, sauf si vous souhaitez vous installer quelques jours à Zug ou à Schwytz…

Afin de comprendre la différence fiscale, prenons le cas de monsieur Mutation appelé à déménager dans les prochaines semaines. Domicilié à Lausanne, marié et père de deux enfants, son avoir de deuxième pilier se monte à CHF 400’000.-. Le prélèvement fiscal sur le canton de Vaud s’élèverait à 43’039.-, une sacrée somme due à l’un des cantons les plus chers du point de vue de l’impôt. En bon prévoyant, Monsieur Mutation décide d’ouvrir un dépôt de libre passage dans le canton de Schwyz et de retirer son avoir plus tard. Il divisera ainsi son impôt par presque 2 à 23’000.- !

Plus de conseils pour gérer vos avoirs de retraite

Commencez par imaginer où vous passerez votre retraite. Cela vous donnera une feuille de route sur les montants qui apparaîtront nécessaires à ce moment-là. Le coût de la vie apparaîtra comme très différent selon que vous vous installiez en France, en Espagne, aux États-Unis, à Singapour, en Thaïlande ou en Suisse. En 2021, vous viverez confortablement avec 3’000.- par mois en Europe du Sud tandis que la même somme apparaîtra insuffisante pour la Suisse.

Traitez votre capital retraite avec soin sur le long terme. Cette épargne « forcée » offre l’avantage de croître année après année et même les cigales en tireront profit. L’investir est « obligatoire » pour à minima maintenir son pouvoir d’achat. Si vous bénéficiez de suffisamment de temps devant vous, vous devriez chercher à faire mieux que juste battre l’inflation.

Vous pourriez utiliser vos avoirs de prévoyance pour acquérir votre résidence principale à l’étranger. Attention toutefois à bien étudier votre marché avant de procéder. Contrairement à une idée reçue, l’immobilier subit aussi des revers assez violents (-30% à -50% en 1990 et en 2008). Certaines régions comme l’Amérique du Nord sont connues pour être volatiles à moyen terme.

Au-delà du foncier et si vous bénéficiez d’une expérience importante en gestion de patrimoine, vous pourriez gérer vos avoirs vous-même en passant par des actifs liquides. Prêtez toutefois attention à vos émotions. Nous parlons de votre retraite, c’est-à-dire de la période où vous ne disposerez plus de salaire pour payer la vie courante.

Dans ce cas, pourquoi ne pas laisser votre fortune en Suisse ? En gardant un pied à terre patrimoniale en Suisse, votre dépôt sera préservé des banqueroutes bancaires. Peu de pays peuvent en dire autant. Je pense notamment à la France, qui, malgré le discours de François Hollande en 2012 : « mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance », a supprimé le dernier degré de protections des épargnants contre les faillites bancaires. Assez cocasse non ?

Si vous cherchez à placer correctement votre deuxième pilier, contactez-moi. Nous trouverons ensemble une solution qui vous correspond.

Passer sa retraite à l’étranger: les bonnes questions à se poser avant de faire ses valises [#2/2]

Chaque année, un nombre croissant de retraités suisses s’exilent sous le soleil plus clément d’un autre pays. En plus du climat favorable, les jeunes retraités pourront trouver, selon la destination, une fiscalité plus douce et un train de vie souvent plus élevé qu’en Suisse.

Après les considérations d’ordre plus général de la première partie de cet article, nous nous penchons dans cette seconde partie sur des aspects plus particulièrement financiers et administratifs.

Rappelons que, selon mes parents dont vous avez pu lire les conseils pratiques dans la première partie de cet article, les contraintes administratives demeurent les plus complexes à traiter.

Quelle fiscalité ?

Même si vous souhaitez rester «nomade», retenez que beaucoup de nations vous considéreront comme résident fiscal au-delà d’un certain nombre de jours sur place. Ce nombre, variable selon les endroits, est souvent fixé à 181 jours par an. Au-delà, le pays d’accueil peut vous demander de payer vos impôts sur place.

Ne croyez pas facilement pouvoir échapper aux impôts locaux. La France par exemple, a mis en place à Avignon une brigade spéciale qui contrôle les habitants étrangers dans le sud. Notez également qu’avec les nouvelles règles internationales pour lutter contre l’évasion fiscale, une grande partie des pays échangent de manière systématique des renseignements fiscaux et financiers sur leurs résidents. Vouloir dissimuler des revenus risque de vous coûter cher.

Le choix des possibles apparaît trop large pour effectuer ici une généralisation des conditions d’imposition. Selon la destination, vous pourriez payer un impôt sur l’ensemble de vos revenus globaux ou uniquement sur les revenus entrants dans le pays. Votre taxation pourrait également prendre la forme d’un forfait négocié avec le fisc, tout comme vous pourriez ne rien payer. Ici, vous devriez vérifier le niveau de fiscalité avant de prendre une décision.

Faites-vous accompagner et gardez une porte de sortie financière

Je vous recommande vivement de vous faire accompagner par un avocat-fiscaliste local ou par un comptable spécialisé dans ce type de démarche avant de partir. Vous devriez également établir un bilan patrimonial avec l’aide de votre conseiller financier. Être au clair avec votre fortune et vos revenus vous aidera.

Je vous conseille également de «laisser» votre fortune liquide en Suisse (portefeuille d’investissement). Vous apprécierez, pour votre patrimoine, la neutralité de notre pays, ainsi que ses lois et sa stabilité politique, monétaire et économique.

La progressivité fiscale et «sociale» de l’impôt (modèle équivalent à la Suisse dans beaucoup de pays européens) peut se révéler largement défavorable à partir d’un certain niveau de rentes (France versus Suisse par exemple). A contrario, un taux d’imposition fixe comme il est pratiqué à Malte peut s’avérer intéressant. Ce pays taxe à hauteur de 15% les revenus entrants sur son territoire et délaisse les recettes restantes à l’étranger, à la condition de déclarer 13’500 euros de pension étrangère par année, pour un couple.

Les biens immobiliers et les loyers qui en découlent se déclarent généralement dans le pays de localisation du dit bien. Ainsi, votre bien de rendement ou votre résidence restera taxé en Suisse. Même s’ils ne sont pas imposés deux fois, vous devriez annoncer vos profits immobiliers à l’administration fiscale de votre pays d’accueil afin qu’ils déterminent le montant et le taux de prélèvements.

En vous installant hors de Suisse, vous n’aurez probablement plus à payer l’impôt sur la fortune qui reste une spécificité suisse.

Suis-je le bienvenu (financièrement parlant) ?

Vous devrez généralement prouver que vous avez la possibilité de subvenir à vos besoins. Les pays exigent souvent de gagner plus que le revenu moyen local avec les rentes de retraite. Certains états réclament aux nouveaux résidents de faire entrer un certain capital sur place. La vigilance s’impose sur les sommes que vous introduirez dans le pays d’accueil, car, si l’entrée de fonds est facile, certains pays en limitent par la suite la sortie.

Un autre point, qui peut sembler anecdotique, est la possession d’une voiture sur place et l’obligation éventuelle de vous procurer un permis de conduire international ou local. Au Maroc par exemple, l’entrée d’un véhicule étranger sur le territoire est limitée à six mois dans la même année. Pour les nomades, cela peut suffire. Si vous devenez résident marocain, vous pourrez acheter une voiture locale, mais vous ne pourrez plus conduire un véhicule immatriculé à l’étranger. Et vous pouvez être résident tout en conservant votre résidence fiscale suisse… la logique administrative reste souvent kafkaïenne.

Acheter ou louer son logement ?

En passant votre retraite à l’étranger, vous devrez chercher à vous loger. Si l’approche nomade vous fait aisément choisir la location, vous vous poserez probablement la question de l’achat en tant que résident.

Acquérir un bien immobilier en Suisse n’est pas une sinécure. Alors à l’étranger… En plus de devoir maîtriser la langue et le droit local, vous devrez parfois vous accommoder de la corruption ou passer par un «homme de paille» pour acquérir votre propriété. Cela peut vite devenir compliqué.

Beaucoup de retraités vous diront de privilégier la location de votre logement à l’étranger. Entre des impôts fantaisistes sur les plus-values et la restriction de sortie des fonds, il est préférable de réfléchir à deux fois avant de procéder à un achat. En cas de successions, c’est aussi le droit local qui peut s’appliquer ! Se faire ponctionner une taxe de 50% de la valeur du bien peut grandement amputer un patrimoine.

Dans certains pays, louer une résidence n’est «pas possible». Par exemple, si vous souhaitiez profiter du climat de l’Amérique centrale en vous établissant au Panama, vous devriez obligatoirement acquérir une propriété immobilière avant d’obtenir le «visa retraité». Ce dernier vous donnera le droit à une fiscalité allégée.

Là encore, bénéficier des conseils d’un avocat local est préférable.

Aurai-je les moyens de revenir en Suisse ?

Partir à un coût… revenir aussi. C’est l’un des points à intégrer avant de tout quitter.

Si vous choisissez le nomadisme, c’est assez facile. Vous gardez votre logement en Suisse, vos assurances, votre abonnement de téléphone portable, votre voiture, etc. Finalement, vous ne partez qu’en vacances prolongées. Vos dépenses fixes suisses continuent d’exister et vous devrez «simplement» réévaluer votre budget voyages.

Vous devrez aussi trouver un moyen facile et peu onéreux pour payer vos dépenses courantes à l’étranger. Une carte prépayée comme Revolut, par exemple, pourrait vous y aider et vous permettre d’économiser en frais de change de devises. Vous devriez également vérifier que vous êtes au bénéfice d’une assurance voyage complète afin de vous protéger des surprises (avion raté, inondation, Fukushima…) ou de vous permettre d’être rapatrié en cas de maladie ou d’accident.

Pour les résidents, le «retour à la réalité» peut s’avérer plus difficile. En effet, après quelques années à profiter d’un train de vie confortable, revenir en Suisse pour perdre 20%, 30% ou plus de pouvoir d’achat n’est guère réjouissant. Lors de votre retour, vous devrez parfois prouver à l’administration fiscale suisse que vous vous êtes bien acquitté de vos impôts pendant la période passée à l’étranger. Cette question fiscale n’est vraiment pas à prendre à la légère.

Une bonne préparation est donc une étape essentielle d’une retraite réussie à l’étranger.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.

Passer sa retraite à l’étranger : les bonnes questions à se poser avant de faire ses valises [#1/2]

Chaque année, un nombre croissant de retraités suisses s’exilent sous le soleil plus clément d’un autre pays. En plus du climat favorable, les jeunes retraités pourront trouver, selon la destination, une fiscalité plus douce et un train de vie souvent plus élevé qu’en Suisse.

Passer sa retraite à l’étranger n’est toutefois pas un projet à prendre à la légère. Impôts, santé, administration ou vie sociale sont autant de points à comprendre avant de partir. À quoi faut-il faire attention lorsque l’on passe sa retraite à l’étranger ? C’est ce que nous allons tenter d’éclaircir dans cet article. Pour m’aider dans cette tâche, j’ai notamment demandé à mes parents, qui ont résidé une partie de leur retraite dans un autre pays, de me partager leur expérience.

En pratique

Pour débuter cet article, je laisserai mon père partager ses conseils basés sur sa propre expérience.

 » Avant le départ, il faut absolument intégrer toutes les contraintes administratives et fiscales. Car une fois le processus enclenché, il sera difficile de revenir en arrière.

Je pense qu’il ne faut pas prendre la décision de quitter son pays sur un coup de tête et dans la précipitation. Même si l’on connait bien le pays dans lequel on souhaite partir définitivement, il me semble impératif de «tester» son projet.

C’est assez simple. Il suffit de louer un appartement ou une villa dans ce pays, de conserver sa résidence actuelle, et de vivre dans ce pays pendant quelques mois. Il faut y vivre, non pas comme un vacancier, mais comme un résident. Ceci permet de voir comment se déroule «la vie de tous les jours»… Ce que l’on mange, comment on s’approvisionne, quels rapports on entretient avec les autochtones, comment l’on sort, comment on s’insère — ou pas — dans la vie culturelle locale, avec qui et dans quels clubs on peut pratiquer son sport préféré… En bref si l’on est sûr de s’intégrer.

Quand on parle de retraite, on parle de personnes qui ont un certain âge. Il faut donc se faire une idée précise de la qualité des services de santé et si l’on a les moyens de se les offrir.

On peut aussi en profiter pour choisir sa ville ou son quartier de résidence. On peut rencontrer des personnes qui ont déjà une expérience de plusieurs années sur place et comment ils vivent au quotidien…

J’en connais qui ont tout vendu dans leur pays pour partir habiter ailleurs et qui après quelques années, par lassitude ou à cause de la maladie ont subitement eu envie de repartir. Si l’on en a les moyens, ce n’est pas un problème. Sinon ce peut être difficile à gérer, surtout si l’on a une petite pension. Beaucoup pensent que l’on vit mieux dans certains pays où le coût de la vie est bien inférieur. C’est vrai… mais le retour en arrière n’en est que plus difficile.

Il faut donc, quand on a pris la décision de partir, envisager son retour éventuel et prévoir à l’avance comment on le gérera. « 

Où partent les retraités suisses?

Selon l’OFAS, en 2016, près d’un tiers des rentiers au bénéfice de l’AVS vivaient à l’étranger. Les trois destinations favorites des jeunes retraités sont l’Italie, l’Allemagne et l’Espagne. Ces pays accueillent surtout leurs ressortissants qui, après une vie de labeur en Suisse, rentrent au pays. Les pensionnés de nationalité suisse privilégient quant à eux la France et l’Allemagne.

Il existe un fait intéressant ici. Le tiers des retraités au bénéfice d’une pension AVS sont établis hors de Suisse, mais cela ne correspond qu’à 13% des revenus totaux décaissés par l’AVS.

Regardons maintenant les points principaux, et non exhaustifs, à étudier avant de s’établir hors de la Confédération.

Projet nomade ou résident ?

Cette question n’est pas évidente, d’autant qu’elle va définir les prochaines années. La vision nomade peut se résumer à voyager plusieurs mois d’affilée tout en conservant sa résidence fiscale en Suisse. Elle s’oppose à celle du résident qui décide de s’implanter dans une autre contrée et d’y payer ses impôts.

Vous pouvez partir du principe que toute votre vie administrative sera déterminée par votre lieu de résidence fiscale. C’est la fiscalité qui vous attache à un pays et à son système. Bien plus que ses systèmes de santé ou de retraite. Sauf si vous êtes un GAFA… 🙂

Beaucoup de nations vous considèrent comme ressortissant imposable au-delà d’un certain nombre de jours sur place. Par exemple, Malte définit cette période à 90 jours et la France à 183 jours.

Sachant cela, il ne vous reste plus qu’à savoir à partir de combien de jours l’on vous considère comme résident fiscal dans la destination que vous convoitez.

Mon état de santé me permet-il de partir ?

L’une des dépenses qui augmente irrémédiablement avec l’âge est celle de la santé. Évaluer la qualité des structures de santé du pays d’accueil avant de s’y établir semble primordial. Vous devriez également considérer la qualité de la nourriture et la possibilité de faire du sport.

Dans une approche «nomade», et tant que vous n’êtes pas établi durablement dans un pays étranger, vous avez l’obligation de vous assurer auprès de la LAMal. Vous conserveriez également vos complémentaires.

L’assurance obligatoire (LAMal) couvrira vos factures en Union européenne à hauteur de ce qu’une personne locale percevrait. Pour le reste du monde, les frais remboursés ne pourront dépasser le double des coûts de votre canton de résidence. Ce remboursement suffit généralement, sauf en Amérique du Nord, où les contributions de soins peuvent dépasser ceux pratiqués en Suisse.

Vos assurances complémentaires (ambulatoire et hospitalisation) vous couvriront également en dehors de la Suisse. Prenez toutefois garde aux limites en temps ou en argent sur le paiement des prestations. Les traitements sont souvent plafonnés à 180 jours. Je vous invite à bien vous renseigner tant il existe de divergences d’un assureur à un autre.

Si vous souhaitez vous établir comme résident à l’étranger, vous devriez considérer deux éléments avant de choisir un pays d’accueil: l’état de son réseau de santé privé et public ainsi que les assurances maladie nécessaires pour pouvoir y vivre sereinement.

Si vous partez dans certains pays de l’Union européenne, comme la France, vous pourrez choisir une assurance suisse qui vous donnera la possibilité de vous faire soigner en Suisse ou dans votre région d’accueil. A contrario, si vous quittez l’Europe et devenez résident étranger, vous devrez conclure une assurance santé privée ou publique du pays d’accueil. En fonction de votre âge et de votre état de santé, vous courez le risque d’essuyer un refus de couverture partiel ou total.

De nombreuses études internationales reconnaissent le réseau de santé suisse comme l’un des plus efficaces au monde. Vous trouverez probablement un système équivalent en Europe. Pour le reste du monde, vos attentes vis-à-vis du système de soin risquent de différer de celles des locaux. Se laisser une porte de retour ouverte, en cas de besoin, me semble sécuritaire.

Enfin, si vous suivez un traitement médical récurrent, vous devriez vous assurer de pouvoir le continuer sans souci dans votre pays d’accueil. Les frais de santé peuvent vite grever votre train de vie.

Quelle vie sociale ?

L’ONU recense 197 États à travers le monde. De quoi trouver « chaussure à son pied » ! L’Asie du Sud-Est, avec la Thaïlande, les Philippines, ou l’Indonésie, est la région qui enregistre la plus forte progression de retraités suisses ces dernières années.

La gentillesse de la population, les structures efficaces, les avantages fiscaux, le climat, la sécurité, et le coût de la vie paraissent attrayants. Tout semble réuni pour passer des «vacances perpétuelles» de rêve.

Passer sa retraite à l’étranger nécessite aussi de penser à sa vie sociale. Les habitants ne parlent pas partout votre langue (ni vous la leur) et les coutumes diffèrent d’une région du monde à une autre. Cela peut donner un sentiment d’exclusion de la vie locale après seulement quelques mois. Ce qui paraissait comme agréable et exotique après quelques semaines de vacances peut vite devenir insupportable.

Découvrir après votre installation que des infrastructures sont défectueuses, que des niveaux de criminalité et de corruption sont plus forts qu’anticipés, ou encore que la solidarité de vos compatriotes expatriés ou le support fourni par votre ambassade ou consulat n’est pas au niveau de vos attentes, pourrait vous faire regretter votre choix… et vous coûter beaucoup d’argent en déménagement.

Quitter sa famille et ses amis est également une décision à ne pas prendre à la légère. À quelle fréquence les reverrez-vous ? Serez-vous et seront-ils à l’aise avec ces absences ? Prévoyez un budget pour les retours ponctuels.

Dans la seconde partie, nous aborderons certains aspects plus administratifs.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.