Argent liquide, liberté et dystopie : La Servante écarlate

c’est comme repenser aux billets de banque quand ils existaient encore. Ma mère en avait gardé quelques-uns collés dans son album de souvenirs, avec les photos les plus anciennes. Ils n’avaient plus aucune valeur, on ne pouvait rien acheter avec. Des bouts de papier, assez épais, poisseux au toucher, de couleur verte, avec des images des deux côtés, un vieux bonhomme à perruque et, au verso, une pyramide avec un œil au sommet. Ils proclamaient, En Dieu, nous croyons. D’après ma mère, les commerçants plaçaient des panneaux à côté de leur caisse pour proclamer en guise de plaisanterie : En Dieu, nous croyons, tous les autres paient comptant. Aujourd’hui, ce serait un blasphème.

Depuis près de deux ans, nous vivons dans une société singulière où de nouvelles normes se sont mises en place. Des pouvoirs ont émergé ou se sont renforcés tandis que des libertés se sont vues limitées. Au fur et à mesure que la société se transforme, les états, les compagnies et les Hommes changent un grand nombre d’habitudes. Ces changements n’ont pas épargné l’usage de l’argent liquide. Facteur de liberté, nous pouvons nous questionner sur son avenir. La littérature dystopique présente des formes et des usages de l’argent intéressants et différents de nos pratiques actuelles.

La liberté est un droit qui se définit notamment par l’absence de contrainte (Gustave Berger). L’argent liquide – le cash, le flouse, le grisbi, le blé, le fric, l’oseille… – parce qu’anonyme offre la liberté d’agir suivant sa volonté. Si demain vous ne pouviez dépenser votre argent qu’après validation d’une autorité – quelle qu’elle soit – vous auriez une entrave dans vos libertés. La technologie permet à notre époque d’encadrer et de mettre en place une monnaie numérique « de surveillance ». Ce n’est pas de la science-fiction, voyez ici la volonté de la Chine.

L’argent liquide va-t-il disparaître ? Aurons-nous toujours la liberté de payer sans téléphone ou sans carte à l’avenir ? Ces questions me semblent légitimes, tant la pression sur le cash n’a jamais été aussi forte. Depuis mars 2020, vous avez sans doute entendu chez de grands commerçants les haut-parleurs crier « payez en toute sécurité et sans contact ». Cette incitation apparaît pour le moins étrange lorsque l’on sait que ces entreprises vendent des cartes de crédit… La rente financière est évidemment importante pour l’entreprise qui détient le support de paiement grâce aux frais de transaction.

Cette pression date de plus d’une décennie et ne vient pas uniquement du secteur privé. Les états français et italiens ont depuis quelques années limité l’usage du liquide pour des raisons fiscales notamment. La France restreint par exemple l’achat d’une voiture à un professionnel à 1’000 euro cash. Le solde doit être payé par un moyen traçable tel qu’un virement ou un chèque.

Les mêmes restrictions s’appliquent pour acquérir des métaux précieux. Au revoir l’anonymat. Ce rapport entre l’anonymat et les métaux précieux n’est pas anodin. Nous connaissons plusieurs exemples de pression de l’état envers les détenteurs d’or au cours du XXe siècle. Citons par exemple les États-Unis qui ont réquisitionné l’or de leurs concitoyens en 1933 afin de lutter contre l’envolée des taux d’intérêt. En France, le gouvernement du Front populaire a procédé de la même façon en 1936 et le Général de Gaulle a récidivé entre 1944 et 1948.

Dans ce contexte de contrôle, nous trouvons des parallèles intéressants avec l’ensemble de la littérature dystopique et de science-fiction. Nous pensons évidemment à 1984 de Georges Orwell. En 2021, dans notre société de surveillance de masse naissante, Big Brother ressemblerait plutôt à Little Brothers comme l’évoque le chanteur marseillais Akhenaton. Le risque est de mon point de vue que nous ayons les deux : la surveillance du voisin associé au divide et impera (diviser pour mieux régner) de l’administration toute puissante.

English Socialism dans 1984

Pour revenir à la littérature dystopique et au-delà de 1984, nous apercevons des similitudes avec de nombreux ouvrages tels que Le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley, Fahrenheit 451 de Ray Bradbury, Globalia de Jean-Christophe Rufin… ou encore La Servante écarlate de la canadienne Margaret Atwood.

Le Meilleur des Mondes de Aldous Huxley

C’est un passage de ce superbe roman que j’aimerai vous partager ici. Dans ce « roman d’anticipation », sorti en 1985, et maintes fois distingué, les personnes vivent dans un régime totalitaire et se voient attribuer des rôles très spécifiques. En quelques mots, le taux de natalité s’effondre et les humains font évoluer leur société pour éviter de disparaître. Fait marrant, la république se nomme « Gilead »… toute ressemblance avec l’actualité…

Je vous propose donc un passage qui explique une partie de la transition entre « notre monde » et le monde de l’héroïne Defred. Cet extrait nous montre le rôle important que joue l’argent liquide dans notre liberté quotidienne et qu’il faut une certaine volonté et combativité pour ne pas le perdre.

Vous jetterez peut-être un œil à cet initiative populaire réclamant de passer par le peuple et les cantons au cas où la Confédération souhaiterai remplacer le franc suisse par une autre monnaie.

Bonne lecture.

La Servante écarlate de Margaret Atwood

« Toutes ces femmes qui avaient un job : difficile à imaginer à présent, mais elles étaient des milliers, des millions à en avoir un. C’était normal. Aujourd’hui, c’est comme repenser aux billets de banque quand ils existaient encore. Ma mère en avait gardé quelques-uns collés dans son album de souvenirs, avec les photos les plus anciennes. Ils n’avaient plus aucune valeur, on ne pouvait rien acheter avec. Des bouts de papier, assez épais, poisseux au toucher, de couleur verte, avec des images des deux côtés, un vieux bonhomme à perruque et, au verso, une pyramide avec un œil au sommet. Ils proclamaient, En Dieu, nous croyons. D’après ma mère, les commerçants plaçaient des panneaux à côté de leur caisse pour proclamer en guise de plaisanterie : En Dieu, nous croyons, tous les autres paient comptant. Aujourd’hui, ce serait un blasphème.

Il fallait se munir de ces bouts de papier pour faire les courses, encore que la plupart des gens se soient mis aux cartes en plastique, à l’époque de mes neuf ou dix ans. Pas pour l’épicerie, cependant, ça, c’est venu après. Ça paraît très primitif, totémique même, de l’ordre des coquilles de cauris. Néanmoins, j’ai dû utiliser ce genre d’argent, pas longtemps, avant que tout soit transféré sur l’Ordinabanque.

J’imagine que c’est ce qui leur a permis de réussir leur coup, comme ils l’ont fait, brutalement, sans que personne ait vu venir quoi que ce soit. Si on en avait encore été au stade de l’argent liquide, ç’aurait été au stade de l’argent liquide, ç’aurait été plus compliqué.

C’est arrivé après la catastrophe, quand ils ont abattu le président, mitraillé le Congrès et que l’armée a instauré l’état d’urgence. Sur le moment, ils ont accusé les islamistes fanatiques.

« Restez calmes, ont-ils demandé à la télévision. Tout est sous contrôle. »

J’étais sidérée. Tout le monde l’était, je le sais. C’était difficile à croire. Le gouvernement au grand complet, anéanti d’un coup. Comment avaient-ils pu entrer ? Comment ça s’était passé ?

C’est là qu’ils ont suspendu la Constitution. Ils ont dit que ce serait temporaire. Il n’y a même pas eu d’émeutes dans les rues. Le soir, les gens restaient chez eux à regarder la télévision, à essayer de comprendre où on allait. Il n’y avait même pas moyen d’identifier un ennemi.

« Attention, m’a dit Moira un soir au téléphone. Ça se précise.

  • Qu’est-ce qui se précise ?
  • Tu vas voir. Ça fait un moment qu’ils mitonnent leur affaire. Ça sent le roussi, chérie. »

Elle avait repris une expression de ma mère, mais sans chercher à être drôle.

Malgré quelques événements notables, les choses ont tourné au ralenti pendant deux semaines. La presse a été censurée et plusieurs journaux ont été fermés, pour des raisons de sécurité, ont-ils déclaré. Les barrages routiers ont commencé à apparaître, ainsi que les Passidentitaires. Personne n’a protesté, forcément, on n’est jamais trop prudent. Ils ont dit qu’il y aurait de nouvelles élections, mais qu’il fallait le temps de les organiser. Ce qu’il fallait faire, ont-ils dit, c’était ne rien changer à notre routine.

Ils ont néanmoins fermé les Pornoshops, et les Foutre Trucks et les Pop-O-Teint qui ratissaient le Square ont disparu. Je n’ai pas pleuré. On savait tous que c’était de sacrées calamités.

« Il était grand temps qu’on réagisse », a grommelé la femme à la caisse du kiosque où j’avais l’habitude d’acheter mes cigarettes.

C’était une chaîne, située au coin de la rue : journaux, bonbons, cigarettes. La femme avait un certain âge, des cheveux gris ; elle était de la génération de ma mère.

« Ils les ont fermés ou quoi ? », j’ai demandé. Elle a haussé les épaules.

« On n’en sait rien, et on s’en fiche, a-t-elle répondu. Peut-être qu’ils les ont juste délocalisés. Les éliminer radicalement ou éradiquer des souris, c’est pareil, non ? »

Elle a tapé mon Ordinuméro sur sa caisse sans le regarder ou presque ; j’étais une habituée.

« Les gens se plaignaient », a-t-elle ajouté.

Le lendemain, en allant bosser à la bibliothèque, je me suis arrêtée au même kiosque pour m’acheter un nouveau paquet, parce que j’étais en panne. Je fumais davantage ces derniers temps, c’était la tension, on la percevait, elle avait tout d’un bourdonnement sous-jacent, alors qu’en surface tout paraissait très calme. Je buvais davantage de café aussi, et j’avais du mal à dormir. Tout le monde était un peu nerveux. À la radio, il y avait beaucoup plus de musique que d’habitude, et moins de discussions.

C’était après notre mariage, lequel semblait remonter à des années ; elle avait trois ou quatre ans, et allait à la garderie.

On s’était tous levés comme d’habitude, on avait pris notre petit déjeuner, du muesli, je me rappelle, et Luke l’avait emmenée en voiture, vêtue du petit ensemble que je lui avais déniché quelques semaines plus tôt, une salopette à rayures et un T-shirt bleu. C’était quel mois ? On devait être en septembre. En principe, un car de ramassage scolaire les récupérait, mais, va savoir pourquoi, j’avais tenu à ce que Luke la dépose, même les cars scolaires commençaient à m’inquiéter. Plus un seul gamin n’allait à pied à l’école, il y avait eu trop de disparitions.

Lorsque je suis arrivé au kiosque, la vendeuse n’y était pas. Un homme, un jeune qui n’avait manifestement pas plus de vingt ans, la remplaçait.

« Elle est malade ? lui ai-je demandé en lui tendant ma carte.

  • Qui ça ? m’a-t-il répondu sur un ton qui m’a paru agressif.
  • La dame qui est là d’habitude.
  • Comment je le saurais ? »

Il a entré mon numéro en vérifiant chaque chiffre un à un avant de le taper d’un doigt. Il était évident qu’il n’avait encore jamais fait ça. Impatiente d’avoir ma cigarette, j’ai tambouriné sur le comptoir en me demandant si quelqu’un lui avait déjà dit que ça se soignait, ces fichus boutons qu’il avait sur le cou. Je me souviens très bien de son physique : grand, un peu voûté, les cheveux bruns et courts, des yeux marrons qui semblaient se focaliser sur un point à cinq centimètres derrière le pont de mon nez et une fichue acné. Je pense que je me souviens très bien de lui, à cause de ce qu’il m’a dit ensuite :

« Désolé. Ce numéro n’est pas valide.

  • C’est ridicule, ai-je protesté. Il l’est forcément, j’ai plusieurs milliers de dollars sur mon compte. J’ai eu mon relevé il y a deux jours. Réessayez.
  • Il n’est pas valide, a-t-il répété d’un ton buté. Vous voyez cette lumière rouge ? Ça veut dire qu’il n’est pas valide.
  • Vous avez dû faire une erreur. Réessayez. »

Il a haussé les épaules et m’a décoché un sourire agacé, mais il s’est exécuté. Cette fois-ci, j’ai regardé ses doigts avec attention en vérifiant chaque chiffre à mesure qu’il s’affichait. C’était bien mon numéro, mais la lumière rouge a réapparu.

« Vous voyez ? », m’a-t-il lancé, sans se départir de son sourire crispé.

On aurait cru qu’il était au courant d’une blague qu’il n’avait pas l’intention de partager avec moi.

« Je les appellerai du bureau alors », ai-je marmonné.

Ce n’était pas la première fois que le système cafouillait, et en général il suffisait de quelques coups de fil pour rétablir les choses. Pourtant, j’étais fâchée, comme si on m’avait injustement accusée de quelque chose dont je n’avais même pas conscience. Comme si c’était moi la fautive.

« C’est ça », a-t-il grommelé.

Il n’en avait rien à faire.

J’ai laissé les cigarettes sur le comptoir, puisque je ne les avais pas payées. Je me suis dit que je pourrais en emprunter au boulot.

J’ai bien téléphoné du bureau, mais je suis tombée sur un message enregistré, et rien de plus. Les lignes sont saturées, disait le message. Est-ce que je pouvais avoir l’amabilité de rappeler ?

Pour autant que j’ai pu en juger, les lignes sont restées saturées toute la matinée. J’ai réitéré mon appel à plusieurs reprises, en vain. Ça non plus, ça n’avait rien d’exceptionnel.

[…] (passage non copié ou l’héroïne subit un licenciement collectif avec pour effet de devoir quitter immédiatement sa place de travail à la bibliothèque. Ndlr)

J’ai essayé de rappeler la banque, en vain, je suis retombée sur le même enregistrement. Je me suis servi un verre de lait – je m’étais dit que j’étais trop énervé pour un autre café -, puis suis allée m’asseoir sur le canapé du salon, j’ai laissé mon verre de lait sur la petite table, et je n’y ai pas touché.

[…]

« J’ai été virée », ai-je annoncé à Moira (une amie, ndlr). […] « Tu as essayé de passer une transaction avec ton Ordinacarte aujourd’hui ?

  • Oui. »

Je lui ai raconté ça aussi.

« Ils les ont bloquées, m’a-t-elle expliqué. La mienne aussi. Celles des comptes collectifs pareil. Tous les comptes avec un F dessus au lieu d’un M. Ils n’ont que quelques boutons à pousser, et c’est réglé. On est coupées du système.

  • Mais j’ai plus de deux mille dollars en banque, ai-je protesté, comme si mon seul cas importait.
  • Les femmes n’ont plus le droit de posséder quoi que ce soit. C’est une nouvelle loi. Tu as allumé la télé aujourd’hui ?
  • Non.
  • Ils en parlent. Sur toutes les chaînes. »

Contrairement à moi, elle n’était pas stupéfaite. Bizarrement, elle jubilait, comme si elle s’y était attendue depuis un moment et que les événements lui donnaient raison. Elle paraissait même plus énergique, plus déterminée.

« Luke peut utiliser ton Ordinacompte à ta place. Ils transféreront ton numéro sur le sien, à ce qu’ils disent, du moins. Mari ou proche partent de sexe masculin.

  • Et toi alors ? »

Elle n’avait personne.

« Je vais passer dans la clandestinité. Certains homosexuels peuvent récupérer notre numéro et nous acheter ce dont on a besoin.

  • Mais pourquoi ? Pourquoi ils font ça ?
  • Il n’y a pas à s’interroger, m’a répondu Moira. C’était forcé qu’ils fassent ça, les Ordinacomptes et les jobs en même temps. Tu imagines les aéroports sinon ? Ils ne veulent pas qu’on se barre, tu peux en être sûre. »

[…]

Luke s’est agenouillé et a noué les bras autour de moi.

« J’ai écouté la radio dans la voiture en revenant. Ne t’inquiète pas, je suis sûr que c’est provisoire.

  • Ils ont donné des raisons ? »

Il ne m’a pas répondu.

« On va passer ça, a-t-il déclaré en me serrant contre lui.

  • Tu ne sais pas ce que ça fait. J’ai l’impression qu’on m’a coupé les pieds. »

Je ne pleurais pas. Et j’étais incapable de l’enlacer.

« Ce n’est qu’un boulot, a-t-il ajouté pour essayer de m’apaiser.

  • Je présume que tu vas récupérer tout mon argent. Dire que je ne suis même pas morte. »

J’essayais de plaisanter, mais ma remarque avait un côté macabre.

« Chut, a-t-il dit, toujours à genoux. Tu sais que je ne te laisserai jamais tomber. »

J’ai pensé : voilà que je deviens parano.

« Je sais, j’ai répondu. Je t’aime. »

Plus tard, quand elle a été couchée et qu’on a dîné, je me suis sentie moins bouleversée et je lui ai raconté l’après-midi. je lui ai décrit l’irruption du directeur, la manière dont il nous avait annoncé la nouvelle (le licenciement ndlr).

« Ç’aurait été marrant si ça n’avait pas été aussi affreux, j’ai dit. J’ai pensé qu’il était soûl. Peut-être qu’il l’était. L’armée était sur place, et tout et tout. »

Puis je me suis rappelé un truc que j’avais vu, mais pas remarqué sur le coup. Ce n’était pas l’armée. C’était une armée d’un autre genre.

Il y a eu des manifestations, bien sûr, des tas de femmes et quelques hommes. Cependant, il y avait moins de monde qu’on n’aurait pu l’imaginer. Je présume que les gens avaient peur. Et elles ont immédiatement cessé quand on a su que la police, ou l’armée, ou va savoir, ouvrirait le feu, dès le début ou presque de tout rassemblement. Des bureaux de poste, des stations de métro, quelques trucs ont sauté. Mais on ne savait même pas trop qui était derrière. Ça aurait bien pu être l’armée, histoire de justifier les fouilles des ordinateurs et les autres aussi, les perquisitions de domicile.

Je n’ai participé à aucune des manifestations. Luke avait dit que ce serait inutile et qu’il fallait que je pense à eux, ma famille, à lui et à elle. C’est ce que j’ai fait. Vraiment. Je me suis mise à faire plus de ménage, plus de cuisine. J’essayais de ne pas pleurer pendant les repas. J’avais en effet commencé à pleurer, ça m’attrapait sans prévenir, et je m’asseyais à côté de la fenêtre de la chambre, pour regarder attentivement ce qui se passait dehors. Je ne connaissais pas beaucoup de voisins et, quand on se rencontrait dans la rue, on veillait à ne pas aller au-delà des politesses ordinaires. Personne n’avait envie d’être dénoncé pour manque de loyauté.

[…]

Ça ne le dérange pas, ai-je pensé. Ça ne le dérange pas du tout. Peut-être même que ça lui plaît. On ne s’appartient plus, mutuellement. À la place, je lui appartiens. Indigne, injuste, incorrect. C’est pourtant ce qui s’est passé.

Donc, Luke, ce que je veux te demander aujourd’hui, ce que j’ai besoin de savoir, c’est : avais-je raison ? Parce qu’on n’en a jamais parlé. Au moment où j’aurais pu le faire, j’ai eu peur. Je ne pouvais pas me permettre de te perdre. »