Acheter ou louer sa résidence principale en 2023 ?

Au cours des derniers mois, le quasi triplement des taux d’emprunts hypothécaires a amenui l’écart entre le coût mensuel de la propriété et celui de la location. Nombreux sont ceux qui ne voient plus d’intérêt financier à devenir propriétaire. D’autant que les prix immobiliers n’ont pas vraiment reflué.

Dans un article précédent, je comparais les coûts annuels de l’achat vis-à-vis de la location puis je rapprochais l’économie réalisée par le propriétaire à la valeur des fonds propres investis afin d’en définir un niveau de rentabilité.

Cette méthode reste recevable, mais il lui manque le rapprochement complet avec la location, c’est à dire en incluant le coût d’opportunité des fonds propres.

En effet, lorsque vous achetez votre résidence principale, vous utilisez votre épargne comme apport. En décidant de rester locataire, votre capital demeure investi et continue de porter intérêt. Ces derniers se composant avec le temps (les intérêts s’accumulent et produisent à leur tour des intérêts), nous devons intégrer la croissance de ce capital à la réflexion globale de long terme afin d’arbitrer entre l’acquisition et la location.

Dans un autre article, j’opposais les visions du logement en propriété qu’offre la doxa (via Peter Lynch) à une alternative proposée par Robert Kiyosaki. Pour rappel, Peter Lynch estime que la résidence principale revête le caractère de l’investissement sécuritaire. Robert Kiyosaki prétend quant à lui que c’est un passif coûteux, puisque nous y dépensons de l’argent chaque mois (intérêts hypothécaires, taxes locales, charges…).

L’approche complémentaire que je vous propose aujourd’hui vise donc à comparer les coûts irrécupérables des deux solutions (achat VS location).

Éléments de réflexion

Avant d’aller plus loin, identifions ces coûts irrécupérables.

Dans une location, ce montant est très simple à définir puisque c’est le loyer comprenant les charges que vous payez chaque mois.

Dans le cas de la propriété, nous trouvons plusieurs composantes que je résume ici :

A. Les coûts d’entretien,

de rénovation, les impôts locaux… pour 1% du prix de l’objet. C’est ce taux que les établissements financiers retiennent dans leurs calculs lors de l’octroi d’un prêt. Notez qu’il apparaît plus élevé dans l’ancien et plus faible dans le neuf.

B. Le coût du capital qui est divisé en deux éléments :
  • Le coût de la dette formé de la somme des intérêts hypothécaires. Retenons 2% (hypothèse début 2023 avec la moitié de l’emprunt fixé sur 10 ans et l’autre moitié en SARON) sur 80% de dette (20% de fonds propres + 80% de dette) soit 1,6% de la valeur du bien.
  • Le coût des fonds propres.Nous détaillerons plus bas ce coûtqui se calcule par la différence de rendements entre l’immobilier et le placement que vous conserveriez si l’achat n’avait pas lieu (rester locataire).Ces fonds propres représentent 25% de la valeur du bien (20% de fonds propres additionnés de 5% de « frais de notaire »).
C. Enfin, la taxe sur la valeur locative.

Ce dernier s’avère plus difficile à estimer puisqu’il dépend de plusieurs facteurs : tels que la localisation géographique de l’objet, vos autres revenus soumis à l’impôt (travail, patrimoine), vos charges immobilières et les abattements fiscaux que vous êtes en droit d’appliquer.

En vue de simplification, disons que la valeur locative s’élève à 3,5% du prix d’achat, de laquelle vous soustrayez les coûts d’entretien et les intérêts hypothécaires. En déduisant respectivement les chiffres cités plus haut soit 1% pour l’entretien et 1,6% pour la dette, nous nous retrouvons avec une valeur locative nette de 1% du prix du bien. Ce pour-cent s’ajoute à vos revenus imposables (c.-à-d. l’achat d’une résidence principale d’un million de francs augmentent vos revenus imposables de 10’000.- par année). Considérant un taux marginal de 30%, le coût annuel se monte donc à 0,3% de l’objet acheté (arrondi). Pour plus d’informations sur la valeur locative, vous pouvez lire un article ici.

La somme des coûts irrécupérables de la résidence principale (abstraction faite, pour le moment, du point 2.b. sur le coût des fonds propres), s’élève à 2,9% que nous arrondissons à 3% de la valeur de l’objet.

Notez que nous excluons le remboursement (amortissement) de l’emprunt qui constitue de l’épargne et non une perte.

De quoi sont formés nos fonds propres

Définissons maintenant la répartition des fonds propres. En devenant propriétaire, vous choisissez d’investir une partie de votre fortune dans un bien immobilier. Cette somme correspond au minimum aux 25% de fonds propres vus plus haut.

Supposons que ce montant soit composé pour 15/25e de votre portefeuille d’actions et pour les 10/25e restant de votre caisse de pension. Je retiens cette hypothèse puisque vous devez financer les 10 premiers pour cent de fonds propres par une autre source que votre deuxième pilier. Les « frais de notaire » sont également à payer cash.

Notez que si vous n’aviez pas acquis votre résidence principale, vous seriez resté locataire et vous auriez conservé tant vos actions que votre deuxième pilier… qui auraient continué de vous apporter du rendement.

Cette alternative crée ici un coût d’opportunité qui est le coût économique encouru par le propriétaire. Pour aller plus loin et réaliser des calculs adéquats, nous devons collecter des données empiriques sur les rentabilités de l’immobilier, des actions et des fonds de pension.

Quels sont les rendements historiques ?

Je vous propose de retenir les chiffres du « Credit Suisse Global Investment Returns Yearbook 2022 Summary Edition ».

Cette étude nous apprend que sur une cinquantaine d’années (1972-2021), les actions suisses ont rémunéré l’investisseur de 8,1% par an tandis que l’immobilier se limitait à 3,2%. L’inflation moyenne de 2,1% n’est pas déduite de ces rentabilités nominales.

Afin de garder une certaine cohésion dans nos comparaisons, je vous propose de choisir l’indice Credit Suisse des caisses de pension suisse au 31.12.2022 pour le rendement du 2e pilier. Le taux annualisé est de 2,79%.

Ces trois rentabilités sont considérées avant impôts. Faisons, si vous le voulez bien, abstraction de cet élément. Il n’influencerait à mon sens que de manière marginale le résultat final de notre comparatif.

Ajustons toutefois le gain des actions en déduisant les frais de gestion. Comptons 1,5% de frais par année et amenons le rendement actions net à 6,6%.

Calculons le coût de nos fonds propres ?

Nous sommes maintenant à même de calculer le coût de nos fonds propres. La partie provenant du portefeuille action correspond à 2,04% (6,6% – 3,2% X 15/25e des fonds propres) tandis que celle venant du 2e pilier correspond à -0,16% (2,79% – 3,2% X 10/25e des fonds propres).

Dans cette configuration, le coût de nos fonds propres s’élève à 1,90% arrondit (2,04% – 0,16%).

Les coûts irrécupérables de la propriété

Armés de ces chiffres et de ces hypothèses, nous pouvons définir la valeur des coûts irrécupérables de la propriété (exprimés en % de la valeur du bien) :

Rendements historiques actifs bruts et nets de frais
Tableau des coûts irrécupérables immobilier

Dans cette configuration de fonds propres mixtes actions et caisse de pension (respectivement 15/25e et 10/25e), les coûts irrécupérables de la résidence principale s’élèvent à 3,59%.

Vous pouvez évidemment adapter les chiffres à votre situation personnelle. Les variables sont nombreuses. Un portefeuille avec des obligations ou des matières premières, un taux marginal d’impôt ou des rendements plus ou moins élevés apparaissent comme autant d’éléments qui influent sur le résultat. Le même raisonnement s’applique aux coûts d’entretien ou de la dette hypothécaire…

Observations

Vous êtes maintenant à même de comparer le coût de l’achat immobilier au coût de la location.

Vous devez simplement multiplier la valeur du bien immobilier que vous aimeriez acheter par 3,59%.

En divisant le résultat par 12 mois, vous obtenez l’équivalent du loyer mensuel.

Si vous pouvez louer pour moins que le résultat, alors privilégier la location est d’un point de vue financier plus intéressant.

Prenons l’exemple d’une maison affichée à la vente un million de francs. La somme des coûts irrécupérables s’élèverait selon la configuration présentée ici à CHF 35’900.- par an ou 3’000.- par mois arrondi.

Ce coût est le point d’équilibre auquel nous n’attribuons pas de préférence à l’achat ou à la location.

Du point de vue du locataire, louer un objet pour 3’000.- francs par mois, charges comprises, est à privilégier si le bien vaut plus d’un million de francs.

En bref, payer 3’000.- par mois en location est financièrement équivalent, en termes de coûts irrécupérables, à acheter une maison d’un million de francs.

Nous aborderons dans un prochain article l’optimisation du financement de sa résidence principale.

Krach immobilier et hausse des taux, comment faire face ?

Cet article aurait pu s’intituler sobrement : « hausse des taux hypothécaires : quelles implications pour vous ? ». Je n’ai toutefois pas choisi mon titre au hasard : un krach immobilier apparaît comme la suite logique d’une trop forte hausse des taux d’emprunt hypothécaires.

À l’heure où j’écris ces lignes (été 2022), le coût des hypothèques ne semble pas remettre en question le niveau des prix du foncier. Même si le journal Le Temps relate dans son article du 10 août que « les mises en vente de logements explosent », les prix ne paraissent pas encore fléchir. Nous assistons sans doute à un effet d’inertie sur les prix, et la rareté des biens disponibles sur le marché observée les dernières années était telle, qu’il faudra peut-être un peu de temps avant de voir un ralentissement de la demande.

Notons également, que le niveau des taux actuels et peu ou prou le même qu’il y a 10 ans. Cela signifie qu’en renouvelant votre dette aujourd’hui, vous obtiendrez un tarif proche de ce que vous aviez au début des années 2010. Avec les hypothèses évanouies d’emprunt à 1%, ce sont les nouveaux acquéreurs qui remettent en question la pertinence d’un achat. En effet, au vu des prix encore enlevés de l’immobilier, la location redevient compétitive.

Si, à très court terme, une chute des prix ne semble pas d’actualité, vous devriez rester attentif aux hausses de taux à venir. La Banque Nationale Suisse doit combattre l’inflation latente et la majorité des analystes s’attendent à une ou deux hausses du taux directeur d’ici la fin de l’année. Une trop forte progression des coûts d’emprunts pourrait à moyen terme entraîner une baisse de valeur du marché et, in fine, inciter les prêteurs (banques, assurances, fonds de pension) à exiger des remboursements partiels de crédit.

Je vous propose d’étudier aujourd’hui quelques stratégies afin de faire face aux hausses de taux ou à un remboursement anticipé de votre prêt hypothécaire

Krach immobilier et histoire récente

« La pierre est une valeur refuge »

Demandez aux personnes qui ont dû brader leur maison à moins 40% par rapport à leur prix d’achat ce qu’ils pensent de cette phrase !

Dans les années 90, les taux s’étaient emballés jusqu’à atteindre plus de 8%. Certains emprunteurs ne disposaient pas des revenus suffisants pour payer ce loyer élevé et n’ont eu d’autres choix que de se séparer de leur bien. Ils accusaient ainsi la perte de leurs fonds propres (les traditionnels 20%) et se retrouvaient parfois avec une facture à régler au prêteur. Cette facture correspondait à la différence entre le prix de vente, et le montant de la dette additionné des intérêts dus et des pénalités de rupture anticipée. Lourde addition à rembourser une vie durant.

De mon point de vue, le plus déconcertant fut la vitesse à laquelle les taux hypothécaires ont augmenté. Deux ans auront suffi pour les voir se multiplier par 4. L’effet de surprise digéré, il était trop tard pour faire face à la situation et s’y préparer tranquillement.

C’est entre autres pour éviter ce genre d’événements tragiques que j’accompagne mes clients dans la construction de leur patrimoine. La sérénité pour affronter de tels aléas financiers passe par la recherche de liberté financière.

Plus récemment, par suite de la crise des subprimes de 2008, le marché immobilier suisse aurait dû subir le même sort que celui des États-Unis, de l’Espagne ou de certaines campagnes françaises si la BNS n’avait pas abaissé son taux directeur.

Vous pouvez vous en rendre compte sur le présent graphique, emprunté au Crédit Suisse, une pause significative dans la hausse des prix en 2009. Certaines régions ont vu leurs prix décroître d’une dizaine de pour cent pendant quelques années, mais nous sommes restés loin des chutes de prix observés dans les pays mentionnés plus haut.

Prix de l’immobilier en Suisse entre 2000 et 2019

Oui, mais aujourd’hui c’est différent

En finance, la phrase « oui, mais aujourd’hui c’est différent » est bien connue tant elle sonne faux. Les événements semblent désespérément se répéter.

À vrai dire, je ne sais pas si nous allons au-devant d’un krach. Mais ce n’est pas ça qui est important. L’essentiel est que vous puissiez dormir sur vos deux oreilles, en sachant que pourriez faire face à un tel événement.

Je dois renouveler ma dette et je n’ai rien préparé contre la hausse des taux hypothécaires

Votre hypothèque arrive bientôt à échéance et le taux que vous convoitiez depuis quelques années (le fameux 1% sur 15 ans) vient de disparaître. Vous n’y aurez pas accès et vous vous demandez comment apprivoiser cette nouvelle donne supérieure à 2% sur 10 ans.

Si vous êtes comme la majorité des propriétaires, votre patrimoine est composé d’un peu de liquidités, de vos deuxièmes et troisièmes piliers et de votre résidence principale. La somme de ces éléments forme votre fortune brute de laquelle vous déduisez les emprunts, notamment hypothécaires, afin d’obtenir votre fortune nette.

Dans cette situation, vous ne disposez pas de marge de manœuvre pour diminuer votre dette sauf à entamer votre retraite. Pour réduire votre charge d’intérêt et donc votre hypothèque, vous devriez en rembourser une partie en piochant dans vos avoirs de retraite. Vous auriez pu vous offrir de la souplesse dans la gestion de votre patrimoine sur le long terme en construisant un capital liquide tel qu’un portefeuille d’investissement.

Disclaimer

Ne voyez pas de conseils propres à votre situation dans les lignes ci-dessous. Approchez-vous d’un consultant spécialisé pour vous donner une solution sur mesure. Votre âge, votre contexte familial, et votre aptitude à épargner détermineront grandement la réponse à apporter. Vous devriez idéalement maintenir élevé votre capacité d’épargne mensuelle.

Il n’est pas trop tard pour commencer à capitaliser dans un portefeuille d’investissement, mais ça ne résoudra pas la question du moment. Ici vos deuxièmes et troisièmes piliers devraient vous aider à garder le coût de la dette à des niveaux acceptables. Mais attention, vous devrez les reconstituer d’ici la retraite.

Un exemple

Retenons l’exemple qui suit. Âgés de 50 ans et dans le but de diminuer votre loyer, ou de vous conformer à la volonté de votre banque, vous vous voyez obligé de réduire votre dette hypothécaire. Admettons que cette dernière s’élève actuellement à CHF 800’000.- et que vous devez la baisser de 200’000.- afin de la ramener à 600’000.-. Ne disposant pas d’une épargne libre, votre seule alternative consiste à « piocher » ces 200’000.- dans vos caisses de pensions ou dans vos 3e piliers. En prenant le postulat que ce capital vous aurait rapporté 2% en moyenne par an dans votre caisse de pension, il aurait valu 270’000.- au moment de la retraite, soit à vos 65 ans.

Ce retrait de liquidité affecte évidemment vos niveaux de rentes futures (à la retraite) d’environ 1’300.- par mois. Afin de combler ce manque à gagner, vous n’avez d’autres choix que de reconstituer ce capital d’ici la retraite.

Afin de reconstruire cet avoir, vous pourriez placer de l’argent dans un plan d’épargne en fonds sur les 15 prochaines années. En retenant l’hypothèse d’un rendement annuel moyen de 5%, vous devrez investir un peu plus de 1’000.- par mois pendant 15 ans. Ce faisant, vous reconstituez votre capital de retraite sur le long terme et rien ne vous empêche donc de ponctionner dans vos piliers aujourd’hui.

Vous êtes préparé grâce à une épargne commencée il y a plusieurs années

Si vous disposez d’autres atouts dans votre patrimoine tel qu’un portefeuille d’investissement, vous disposerez d’une plus grande flexibilité.

Rappelons l’avantage de l’effet de levier : épargner un montant qui rapporte bon an mal an plus que le taux d’emprunt hypothécaire.

Ici aussi, vous devriez maintenir votre capacité d’épargne élevée. C’est le bon équilibre à trouver entre le montant et le coût de la dette versus le montant et le rendement de l’épargne libre (investissement).

Prenez en considération vos piliers ! Ils sont parts intégrantes de votre fortune totale. Si vos placements libres offrent par exemple un rendement annuel moyen de 5% et votre deuxième pilier une rentabilité de 1% ou 2%, vous devriez privilégier le retrait de ce dernier. À ce stade, tenez compte des impôts dans vos calculs et avant de procéder.

Dans ces cas de figure, nous avons évoqué « comment réduire la dette ? ». Cela peut être utile si son coût devient prohibitif par rapport à vos revenus ou si l’établissement prêteur le demande. Voyons maintenant vers quels types de taux vous devriez vous orienter.

Quel taux hypothécaire choisir ?

Le choix du taux répond également à la question de l’analyse individuelle. Je resterai donc très général.

Il existe deux critères basiques pour choisir le taux : votre âge (de combien de temps disposez-vous d’ici à la retraite) et le niveau de votre fortune globale (êtes-vous en mesure de faire face à une hausse soudaine des taux). En deuxième ordre, nous retrouvons les questions liées à la fiscalité, à la situation maritale, à la capacité d’épargne et au fait d’avoir ou de vouloir des enfants.

Les prêteurs évaluent votre faisabilité d’emprunt avec le coût historique hypothécaire moyen de 4.5%. Vous devriez également utiliser ce pourcentage dans vos calculs et épargner « sans discuter » l’écart entre le taux réellement payé et cette moyenne.

Si vous ne disposez pas encore d’une fortune suffisante et que la marge de manœuvre dans votre budget est limitée, vous devriez privilégier un taux fixe afin de vous protéger d’une hausse trop violente des taux. Ce loyer constant, sécurisé sur une dizaine d’années par exemple, vous permettra d’épargner au moins la différence avec les 4.5% moyen sur la même période. Vous disposerez ainsi de plus de flexibilité dans dix ans, année à laquelle vous vous reposerez la question de la durée.

Avec un patrimoine plus important, équivalent par exemple à la moitié de la dette, vous pourriez vous décider pour des taux à court terme tel que le SARON, pour tout ou partie de l’emprunt. Un exemple est de choisir un taux fixe à dix ans pour une moitié de la dette et un taux SARON pour l’autre moitié.

Ici, vous devez absolument lier la durée de votre hypothèque et l’horizon de temps de votre épargne. Pensez à la portée de l’effet de levier et au fait que votre fortune a besoin de temps pour croître. Dix ans peuvent vous paraître longs, mais pour un portefeuille d’investissement c’est très court.

Le retour du taux court : le SARON

De 2015 à 2021, les investisseurs en immobilier – habitués à des taux moins chers à court terme – se permettaient de fixer leurs dettes sur des périodes longues à bas prix. En 2022, fini les anomalies de taux : le long terme redevient vraiment plus cher que le court terme.

Au fur et à mesure que les taux longs montent, les taux à court terme reviennent sur le devant de la scène et c’est l’occasion d’évoquer le tout « nouveau » SARON. Ce taux introduit pour les hypothèques au courant de l’année 2021, remplace l’ancien libor. Le Swiss Average Rate Overnight apparaît aujourd’hui comme une alternative intéressante tant pour les investisseurs que pour les particuliers.

Dans les faits, plusieurs méthodes de calculs du SARON existent, mais pour faire simple, vous pouvez retenir qu’il est calculé sur le coût auquel les banques se prêtent l’argent à court terme. Il vous est revendu avec une marge définie par l’établissement prêteur qui est comprise entre 0.50% et 1.50%. Sa durée fluctue généralement de 3 à 12 mois. Selon les contrats, vous pouvez être lié à l’établissement plus longtemps, et ce même si votre taux varie tous les 3 mois (engagement de trois ans avec révision du taux chaque trimestre). Certains établissements vous permettront de le rembourser sans pénalité à l’échéance intermédiaire, et sans dénoncer le contrat.

Faites jouer la concurrence

Toujours par simplification, retenez que le taux de référence du SARON correspond au taux directeur de la BNS. Bien que ce dernier soit aujourd’hui négatif, les prêteurs ajoutent leurs marges sur une base à 0%. Il est appelé à quitter le territoire négatif d’ici la fin d’année 2022 et pourrait s’établir à court terme entre 0.25% et 1%, amenant le taux client entre 0.75% et 2.50% si l’on inclut le revenu du financeur.

Attention donc à ne pas trop vouloir gagner en se trompant de stratégie. Même si le SARON est historiquement moins cher que les taux fixes, l’emprunteur doit connaître sa capacité de résilience aux mouvements de taux.

Pour conclure, vous pouvez vous rendre compte que la hausse des taux fait revivre un marché resté plusieurs années moroses et que la concurrence renaît. Au-delà du prix, les conditions (les petites lignes des contrats…) d’emprunt ET de remboursement sont aussi à considérer, qu’il s’agisse d’une nouvelle acquisition ou d’un renouvellement. Faites-vous accompagner par un conseiller financier, vous gagnerez probablement beaucoup de temps… et d’argent.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur la finance, l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.

Patrimoine : penser global

Construire votre patrimoine du seul point de vue fiscal, en considérant seulement les rabais d’impôts obtenus, n’est de loin pas la meilleure approche.

Dans un article précédent, j’évoquais des solutions pour compléter votre retraite. Nous avions rappelé que l’épargne en 3e pilier, le rachat du 2e pilier et l’acquisition d’une résidence principale constituaient de bonnes réponses, mais restaient partiels. En effet, et bien que ces trois outils diminuent les impôts et les dépenses liées au logement, ils ne suffiront plus à l’avenir à combler 100% des lacunes de pension.

Au-delà de la retraite, ces instruments ne vous permettront pas de financer vos projets de moyen terme. L’utilisation des piliers est réglementée tandis que l’immobilier voit sa liquidité quasi nulle. Vous ne pourrez vendre des briques pour retirer quelques milliers de francs…

Penser global plutôt que fiscal

Je ne saurais que trop vous recommander de construire votre patrimoine d’un point de vue global et non fiscal (considérer l’épargne seulement en fonction des rabais d’impôts obtenus). C’est cet aspect de globalité que nous allons aborder aujourd’hui.

Beaucoup de personnes se contentent d’inscrire leur épargne dans le régime social des piliers et se retrouvent démunies face à des dépenses de moyen terme. Investir ainsi est certainement un bon point de départ pour le très long terme, mais le financement du cœur de la vie n’est pas assuré. Vos projets et ambitions de moyen terme peuvent coûter chers et ils habitent votre quotidien. Il n’y a pas que la retraite…

et éviter les dettes de consommation

Les principaux points à anticiper sont les études supérieures de vos enfants, le rachat de vos véhicules, et d’une façon générale tous vos projets personnels. Inscrivez-y ce que vous voulez ! Vos rêves, vos investissements à venir, vos grandes expériences, vos loisirs, vos mois ou vos années sabbatiques… Vous éviterez ainsi – du moins en partie – de recourir aux crédits à la consommation et aux leasings.

Notez que la scolarité supérieure d’un enfant en Suisse coûte en moyenne une centaine de milliers de francs sur 5 ans (toutes dépenses confondues). Bien développé aux États-Unis, le crédit étudiant prend de l’ampleur en Europe. En économisant suffisamment tôt, vous ne transmettrez pas cette dette à votre fils ou à votre fille.

Je vais aujourd’hui et dans les prochains articles m’attacher à discuter investissement et épargne liquide. Bien que notre point de départ soit « comment compléter votre retraite », vous verrez que ce sont également vos projets et vos objectifs personnels que vous pourrez sponsoriser au long des années grâce à cette épargne.

Se faire accompagner pour vos placements par un conseiller financier est vivement indiqué ici afin d’établir une planification la plus robuste possible en tenant compte de vos contraintes particulières.

La vision globale de votre patrimoine

Revenons à cette « vision globale ». La première étape que je recommande consiste à établir un bilan de votre patrimoine. Et comme « une image vaut mille mots », le dessin suivant pourrait être un bon commencement.

Simplifiez-vous la vie ! Vous ne vous appelez pas Coca-Cola ou Nestlé et n’avez pas besoin de tenir une comptabilité en partie double pour avancer.

L’illiquidité des outils de long terme

La partie de droite, non liquide, est constituée de vos 2e et 3e piliers ainsi que de l’immobilier. Ce dernier peut prendre la forme d’investissements locatifs ou des résidences principales et secondaires. C’est aussi l’endroit où l’on trouve la dette hypothécaire.

Outre le manque de disponibilité, il est généralement difficile de générer une rentabilité supérieure à 3% ou 5% par an sur le long terme. Votre 2e pilier par exemple, est astreint à une série de réglementations sur lesquelles votre employeur et les caisses de pensions ajoutent encore d’autres contraintes. Retenons que depuis 2017, et malgré un rendement honorable de 5,25% annuel, le Conseil fédéral maintient la rémunération minimale à 1%. La pression des lobbies est-elle devenue plus forte que celle du peuple ?

Pour ce qui est de l’immobilier, son manque de liquidité tient plus à sa nature qu’à sa réglementation. Vous pourriez cependant obtenir de l’argent supplémentaire en augmentant votre dette hypothécaire comme je l’explique ici.

La partie liquide du patrimoine

Nous en arrivons au thème majeur de l’article : l’investissement. La partie gauche du dessin représente vos réserves de liquidités à proprement parler ainsi que votre ou vos portefeuilles d’investissements.

Ces derniers sont principalement constitués de fonds de placements, d’actions, d’obligations, de métaux précieux, de fonds immobilier, de hedge funds ou de matières premières (particulièrement utile en ce moment pour compenser l’inflation). Nous approfondirons ce point dans les prochains articles.

Vous pouvez ajouter une troisième catégorie à votre capital (« + » dans le dessin) en intégrant des voitures anciennes, des œuvres d’art, des livres d’exception, une cave bien fournie ou encore une collection d’armes. Ces biens répondent à des marchés propres et sont divisibles, ce qui en fait à mon sens des actifs plus ou moins liquides.

Petit aparté sur les dettes

Les dettes levées sur le patrimoine forment un outil intéressant et mériteraient un article distinct. L’idée de base revient à emprunter de l’argent que l’on va rembourser dans le futur. C’est le cas typique de la résidence principale où vous donnez en garantie votre propriété en échange de la dette. Le second aspect d’ordre financier permet de faire levier sur un actif. C’est-à-dire, et pour faire simple, emprunter de l’argent à un taux inférieur à ce que l’actif va rapporter.

Ce dernier peut être un bien de rendement, un titre (action, obligation…) ou un portefeuille d’investissements. Vous payerez ces crédits dits « lombards » plus chers que votre prêt hypothécaire et moins chers que des crédits à la consommation. Hormis l’aspect gain, vous avez la possibilité de dégager des liquidités supplémentaires pour réaliser un projet annexe sans avoir à vendre votre actif.

La prudence demeure lorsque l’on parle de dette. Outre l’attention à prêter au levier de votre portefeuille et de votre patrimoine, vous devriez vous méfier des taux d’emprunt. Le niveau de levier pourrait devenir problématique si la volatilité de votre portefeuille devenait trop forte. Par exemple, votre portefeuille perd 20% de sa valeur et le créancier vous demande de réduire l’endettement de 20%, ce sont les fameux « appels de marge ». Dans le cas d’une hausse des taux, vous pourriez devoir réduire votre train de vie pour payer les intérêts élevés ou vendre vos actifs. Vous avez sans doute remarqué que les taux d’emprunt grimpent depuis le début de l’année…

Utilité de la vision globale

Une fois vos chiffres posés, vous pouvez commencer à tirer des observations. Vous pouvez maintenant définir le montant de votre fortune brute (montant total de votre patrimoine), puis de votre fortune nette en retranchant les dettes à la fortune totale.

Si votre fortune brute vaut 1 million de francs, et que votre dette hypothécaire se monte à 800’000.-, vous disposez d’une fortune nette de 200’000.-. Ce dernier chiffre correspond – à condition de marché stable – à ce que vous obtiendriez en « cash » si vous vendiez tous vos avoirs.

Vous vous attacherez à noter le niveau de rendement moyen (passé ou attendu) de vos actifs et de votre patrimoine, que vous pourrez comparer aux coûts d’emprunt.

Vous pouvez aller plus loin en définissant le ratio de dette globale (dette / fortune brute) ou le ratio d’endettement (fortune nette / fortune brute). Ce sont de bons indicateurs. Ils vous aideront à établir le degré de dépendance de votre patrimoine aux prêteurs. Autant il est normal d’avoir un pourcentage de dette globale de 80% lors de l’achat de sa résidence principale vers 35-45 ans. Autant conserver ce ratio à long terme – sans épargner – peut se révéler dangereux pour les raisons évoquées plus haut. Ceci est encore plus vrai à l’aune de la retraite lorsque vos revenus baisseront.

Même si je ne peux généraliser, mon conseil pour « Madame et Monsieur tout le monde » serait d’atteindre rapidement un ratio de dette sur fortune brute de moins de 50%, avec comme objectif la capacité d’effacer une très grosse partie de l’emprunt hypothécaire à la retraite. Ceci sera possible soit en remboursant directement la dette, soit en épargnant d’ici là. Notez que le niveau d’emprunt sur la résidence principale ne pourra excéder les 2/3 de son évaluation (66,6%) à la retraite.

Illustrons brièvement le risque du levier :

Si l’ensemble de votre fortune est nantie (donnée en garantie au prêteur) et endettée à hauteur de 80%, vous seriez ruiné avec une perte de 20%. À une échelle plus petite, si votre maison est endettée à 80% et que son prix de marché baisse de 20%, vous devrez piocher dans le reste de votre patrimoine (liquidités, investissements, 3e piliers, 2e piliers, etc.) afin d’amener le crédit dans les clous des 80% de la nouvelle valeur du bien.

Arrivé à ce stade, vous profitez d’une photo globale de votre patrimoine. Vous en connaissez les revenus et les charges. Vous vous serez probablement renseigné sur la valeur de marché de votre maison, et vous savez si vos emprunts méritent d’être diminués ou augmentés. Nous verrons dans le prochain article comment introduire vos objectifs de vie tout en considérant les notions d’horizon de temps.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur la finance, l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.