Retraite suisse : les trois piliers, comment ça fonctionne ? AVS et baby boom – Épisode 1

Découvrez comment fonctionne la retraite suisse, les défis à venir et comment vous pouvez tirer votre épingle du jeu !

Peut-on expliquer le système de retraite suisse sans être barbant et en limitant au maximum la quantité de vocabulaire ? C’est ce que j’essaye de faire dans cette série d’articles sur la prévoyance.

Mon but est d’approcher l’histoire de la prévoyance sociale suisse, d’en schématiser les principes, et de vous apporter une plus-value dont vous pourrez tirer profit en utilisant au mieux les trois piliers dans votre situation individuelle.

Avant de commencer, je suis obligé de faire un point sur le vocabulaire. 🙂 Aussi, je prends le parti d’aborder surtout la retraite et de laisser un peu de côté ce que l’on appelle la « garantie du revenu » que sont les couvertures en cas d’invalidité et de décès.

Le premier pilier regroupe les termes : AVS (Assurance-vieillesse et survivants) et AI (Assurance invalidité).

Le deuxième pilier regroupe les termes : LPP (Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité), LAA (Loi fédérale sur l’assurance-accidents), caisse de pension, caisse de retraite, fond de pension.

Le troisième pilier regroupe les termes : troisième pilier A (lié à la retraite et fiscalement déductible) et troisième pilier B (libre et fiscalement déductible dans certains cantons).

Allez, c’est parti. Je vous souhaite une bonne lecture.

Retraite et assurances sociales, un concept récent

La prévoyance vieillesse est un concept qui date d’il y a tout juste cent ans en Suisse.

Inspiré à la fin du XIXe siècle par Otto von Bismarck qui instaura des assurances sociales (maladie, accident, invalidité et vieillesse) en Allemagne, le premier pilier est né constitutionnellement en 1925.

Rejeté par le peuple en 1931, il faudra attendre l’année 1947 pour qu’il soit accepté à 80% (avec un taux de participation de 80% !). Un score digne d’une élection présidentielle algérienne. 😉 Il faut dire qu’à l’époque, la rente maximale accordée par l’état équivalait à une dizaine de pourcent du salaire d’un ouvrier contre près de la moitié aujourd’hui.

Au cours des 70 dernières années, le concept de prévoyance social n’a cessé d’évoluer. Aujourd’hui, le système repose sur trois piliers qui ont chacun un responsable bien défini : l’État pour le premier, l’employeur pour le second et l’individu pour le troisième.

L’état, à travers l’AVS, doit couvrir les besoins vitaux à la retraite. L’employeur via la prévoyance professionnelle doit permettre aux assurés de pouvoir maintenir à leur retraite leur niveau de vie antérieur. Quant à l’individu, qu’il soit salarié ou indépendant, il est libre d’épargner un montant déductible de ses impôts sur le revenu au travers du 3e pilier A.

Depuis 1948, la prévoyance aura été révisée une dizaine de fois.

L’AVS entre en vigueur le 1er janvier 1948

Le 1er janvier 1948 entre en vigueur l’AVS. Jusque là, la prise en charge des personnes âgées, incapables de travailler, relevait des familles, des Églises et des organisations caritatives.

Son modèle de construction a pour base les allocations pour perte de gain (APG) attribuées aux soldats mobilisés pendant la seconde guerre mondiale et son inspiration vient de l’ensemble de l’Europe occidentale qui, après la guerre, va faire naître des régimes de retraite de base, financées par des cotisations sociales ou par des impôts.

Le but de l’AVS – inscrit dans la constitution – est de garantir un minimum vital.

Tous les travailleurs ont l’obligation de cotiser. Les étudiants ou les personnes sans emploi ont également la possibilité de cotiser dès l’âge de 18 ans et l’obligation de cotiser dès l’âge de 20 ans.

A l’origine, l’âge de départ en retraite était fixé à 65 ans, tant pour les hommes que pour les femmes. Depuis 2005, la retraite des femmes a été fixée à 64 ans. Il est intéressant de noter que l’âge de départ à la retraite a été fixé à 65 ans il y a… 60 ans et n’a depuis plus bougé. En 1948, l’espérance de vie moyenne en Suisse était de 65 ans pour les hommes et de 67.5 ans pour les femmes. Aujourd’hui elle est de 83.5 ans pour la moyenne homme/femme !

Ce qui était donc un système de justice sociale, permettant de vivre les quelques dernières années de vie (survivre vu le niveau des rentes…) s’est peu à peu transformé en revenu sans travail pour de longues années de retraites avec, dans la grande majorité des cas, toutes les capacités physiques et mentales.

Le financement de la retraite par répartition

L’AVS est un système de répartition. C’est à dire que les travailleurs financent directement les retraités. Pour faire simple, les salariés versent dans un « pot commun » – AVS – une cotisation qui est immédiatement consommée par les retraités.

Le premier pilier est principalement financé par les cotisations des actifs qui payent pendant 44 ans (43 ans pour les femmes) et à parts égales avec l’employeur 8.4% du salaire brut. Les indépendants cotisent jusqu’à 7.8% de leur revenu.

Les personnes sans activité lucrative (dont les personnes en retraites anticipées ou les étudiants) ont également l’obligation de cotiser dès leurs 20 ans révolus et jusqu’à leurs 65 ans (64 ans pour les femmes). Il est possible de cotiser dès ses 18 ans, ce qui permet d’ajouter trois années supplémentaires afin d’éviter des trous de cotisations pour l’avenir (année sabbatiques, par exemple).

Dans un couple, si l’un des conjoints ne travaillent pas, il n’a pas l’obligation de cotiser si son partenaire cotise au moins le double de la cotisation minimale soit 964.- par année.

Quant à la majorité des autres personnes, leur cotisation est basée sur leur niveau de fortune et de rentes imposées par leur canton de domicile.

Le « manque à gagner » de l’AVS est complété par la Confédération à hauteur de 19.55% des dépenses. C’est donc l’impôt fédéral qui complète la prévoyance. Comme nous le verrons par la suite, c’est une première anomalie.

 » nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants « 

Alfred Sauvy

Le mur du papy boom

Selon Wikipédia « le papy boom désigne le grand nombre de départs à la retraite qui doivent avoir lieu entre 2006 et 2025 dans les pays développés. Le papy boom est une conséquence prévisible du baby boom de l’après-guerre (génération née entre 1945 et 1964), de l’allongement de l’espérance de vie et de la baisse de natalité qui provoque un vieillissement démographique. Ce phénomène a une influence importante sur l’ensemble de la société, en particulier dans le domaine de l’économie : il participe à la hausse générale des dépenses de santé, il remet en question l’équilibre du financement des retraites et la stabilisation de la population active. »

Ce qu’il faut comprendre avec le système de répartition, c’est qu’il faut un nombre de travailleurs actifs supérieur au nombre de retraités. Or ce n’est absolument plus le cas. Si en 1948, environ 10 travailleurs finançaient un retraité, nous sommes en train de glisser vers 2 travailleurs par retraité !

Tant en Suisse que dans le reste de l’Europe, le développement des systèmes de retraite a accompagné la forte croissance des trente glorieuses et un taux de chômage proche du néant, malgré une main d’œuvre disponible en grand nombre. Tout ceci n’est plus d’actualité sauf, peut être pour le chômage qui – en Suisse – reste faible en comparaison européenne.

Vivre plus longtemps et en bonne santé, même si c’est très positif à l’échelle individuelle, ne fait que renforcer ce problème.

35 ans sans réforme structurelle

Depuis une dizaine d’années, plusieurs projets de modifications de la prévoyance ont émergé pour faire face aux contraintes importantes que le baby boom fait peser sur le système social qu’il a mis en place.

Aucun projet n’a abouti. Depuis 1985 et la mise en place de la Loi sur la Prévoyance Professionnelle (LPP), il n’y a eu aucune réforme majeure et structurelle. Il est vrai que voter pour un paquet de solutions (social, fiscal, intergénérationnel) n’est pas évident. Dans les nombreuses propositions, la seule adoption du relèvement de l’âge de départ à la retraite ou de l’abaissement du taux de conversion dans le 2e pilier auraient sans doute permis d’alléger la situation, sans toutefois la résoudre totalement.

En toute lucidité (toutes les études tant en Suisse qu’en Europe sont unanimes), c’est un mur qu’une génération semble avoir préparé. Un conflit de générations n’est pas à exclure si aucune d’entre elle ne fait un pas vers l’autre (cet article sur le système français fait la lumière sur le premier pilier suisse).

Une partie des baby-boomers va percevoir plus de revenus à la retraite que ce qu’elle a cotisé pendant sa vie de travail. Le deuxième pilier semble accentuer cet effet puisque, selon la commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle, les actifs paient pour les rentiers. Le deuxième pilier a pourtant été conçu pour être une épargne individuelle.

Vous pouvez lire ici un article sur l’intérêt du rachat du deuxième pilier.

La retraite par répartition est financée par les générations nouvelles. Si l’on veut conserver ce premier pilier social tel qu’il a été conçu, il me semble évident qu’il faut prendre le « problème » à la source en concrétisant une politique familiale extrêmement forte.

Une vraie politique familiale ?

Aider les familles à s’installer et à trouver des places de garde flexibles, permettre aux mamans (et aux papas) de concilier travail et famille, flexibiliser les temps de travail des parents, fournir des allocations familiales hyper incitatives dès les deuxièmes et troisièmes enfants, créer des comptes d’épargne fiscalement déductibles pour financer les études supérieures… les possibilités sont nombreuses.

Je n’ai malheureusement jamais entendu de telles propositions, la classe politique étant sans doute plus occupée à satisfaire son électorat baby-boomer et à éteindre les feux courants qu’à préparer l’avenir.

L’on pourrait me rétorquer ici qu’il est trop tard pour financer la retraite des baby-boomers puisqu’il faut vingt ans au moins pour qu’un bébé arrive sur le « marché » du travail. Toutefois, il n’est pas trop tard pour financer les vieux jours d’une génération entière. Il reste peut-être difficile pour l’homme de se projeter dans le futur…

Nier la réalité et rester sur nos acquis ne fera qu’accentuer le déficit tant pour les générations X (pré 1980), Y (post 1980) et Z (post 2000, les millenials) que pour la génération du baby boom. Nous avons tous beaucoup à perdre à ne pas regarder la réalité en face. Même si une politique familiale forte se mettait maintenant en place, il semble inéluctable à court terme de devoir baisser les rentes, augmenter l’âge de départ en retraite ou encore augmenter les cotisations.

La suite au prochain épisode

Nous verrons dans les prochains articles les aspects pratiques de l’AVS (le montant que vous pouvez espérer, la flexibilisation de votre retraite et le cas du décès, notamment) ainsi que les autres éléments composant la prévoyance retraite suisse que sont le deuxième et le troisième pilier.

Racheter ma caisse de pension. Utile ou pas ?

Découvrez les cas où il est utile de racheter votre caisse de pension et les éléments auxquels prêter attention !

Alors, même si je défends vigoureusement l’idée que l’on ne peut construire son patrimoine uniquement d’un point de vue fiscal, il n’en reste pas moins que la caisse de pension est un outil massue pour défiscaliser du revenu, notamment grâce au rachat de votre caisse de pension.

Quels outils pour réduire vos impôts ?

La Suisse est assez pauvre en instruments permettant de réduire ses impôts sur le revenu.

Vous trouvez principalement le 3e pilier (dont il serait enfin temps que l’état augmente le montant maximal déductible – si le Conseil fédéral lit ce papier…) et le rachat du 2e pilier.

Si vous êtes propriétaire, vous pouvez également déduire vos travaux d’entretien courant.

Enfin, si vous détenez votre entreprise, vos dividendes peuvent être partiellement exonérés en vue d’éviter une double imposition.

Déménager dans le canton de Zoug fait bien sûr aussi partie des options intéressantes… 🙂

Quelques rappels sur le 2e pilier

Avant de répondre à la question posée, et sans entrer dans trop de « technique », il est utile de rappeler les éléments suivants :

  • Fond de pension, fond de prévoyance, caisse de retraite, caisse de pension et caisse de prévoyance désignent en général la même chose : le deuxième pilier. Une épargne que vous constituez pour votre retraite en tant que salarié. Elle fait donc partie intégrante de votre patrimoine !
  • Si vous êtes salarié, vous n’aurez que peu de chance de choisir votre caisse de pension. Elle peut donc être bonne, moyenne ou mauvaise. C’est l’employeur qui la choisit, aidé généralement par un comité d’employés.
  • L’argent que vous détenez dans votre caisse de pension n’est pas liquide, et son retrait est légalement défini : retraite légale ou cinq ans avant, achat d’une résidence principale, remboursement de dette hypothécaire, travaux dans la maison, un départ définitif à l’étranger, se mettre à son compte comme indépendant. Attention donc à ne pas faire de vos avoirs de retraite votre seule fortune, car la vie est longue avant la retraite.
  • La Loi sur la Prévoyance Professionnelle (LPP) définit un plancher et un plafond de revenus assurés. La caisse, avec l’accord de l’employeur, peut être plus généreuse que ce qui est défini dans la loi en supprimant ces barrières.
  • Lorsque vous lisez dans la presse que le taux de rémunération du capital va baisser, ou lorsque nous sommes amenés à voter sur le taux de conversion : seule la partie minimum légale dépendant de la loi LPP est concernée.
  • Il n’est « pas possible » de déduire des impôts un montant versé volontairement dans la caisse (rachat) jusqu’à trois années après la date de versement. Pour être concret, si vous retirez votre argent dans les trois ans suivant un rachat, vous devrez rembourser l’impôt économisé lors de ce rachat.

Quelques mots sur le système social

  • Il fonctionne bien (entendez « est fait ») pour un salarié gagnant jusqu’à CHF 84’600.- par an. Avec un tel salaire, vous pouvez comptez sur environ 60% de votre revenu à la retraite entre l’AVS et le deuxième pilier.
  • Si vous gagnez plus et que votre caisse de pension se contente de la loi, le 3e pilier n’est pas une option pour vous… c’est une « obligation ».
  • Tandis que si vous gagnez plus de CHF 140’000.-, courez mettre en place un plan d’épargne supplémentaire pour maintenir un niveau de vie décent et joyeux à la retraite.
  • A retenir que les rendements bas, persistants depuis des années, servis sur votre avoir de deuxième pilier, diminuent encore le capital attendu à la retraite (1% actuellement. En 2002, il était de 4%…).

Racheter sa caisse de pension, quésaco ?

Le rachat consiste à verser une partie de votre épargne dans votre 2e pilier.

Le montant de rachat possible est déterminé par votre niveau de salaire actuel.

Pour faire simple, la caisse calcule le montant d’épargne qui devrait se trouver aujourd’hui dans la caisse si vous aviez gagné votre salaire actuel depuis vos 25 ans.

Pour maximiser votre gain, il faut que l’argent que vous versez dans votre caisse y passe le moins de temps possible. Ainsi vous maximisez le rendement.

Attention : l’État – toujours soucieux de ne pas se « faire avoir » – a fixé à un minimum de trois ans la période pendant laquelle vous devez renoncer au capital racheté. Le fisc estime qu’une période inférieure s’assimile à de l’évasion fiscale (à ne pas confondre avec la fraude fiscale, pénalement répréhensible).

Pour illustrer mon propos, voyons trois exemples concrets :

Premier exemple : la retraite dans 30 ans.

Vous avez 35 ans et votre caisse offre un potentiel de rachat de CHF 270’000.-. Votre retraite est dans 30 ans, soit à 65 ans, et vous décidez en conséquence de racheter votre caisse de pension pendant les 27 prochaines années (stop à 62 ans, sinon votre capital est bloqué et vous serez obligé de prendre la rente) à raison de 10’000.- par an.

Vous générez 3’000.- d’économie fiscale par année et constituez 295’000.- de capital net à la sortie à vos 65 ans. En ce cas, votre rendement annuel net se monte à 3%.

Deuxième exemple : achat immobilier dans 10 ans.

Rachat en vue de rembourser votre dette immobilière dans 10 ansvous trouvez ici un article concernant le remboursement de la dette hypothécaire – ou en vue d’acheter votre résidence principale dans 10 ans.

Imaginons que vous souhaitez épargner CHF 150’000.- net d’impôt d’ici 10 ans pour l’une ou l’autre raison mentionnée ci-dessus.

Lorsque vous retirerez votre capital, vous paierez un impôt de sortie de environ 7%. Tout compte fait, le besoin de 150’000.- correspond approximativement à 161’000.- brut.

En considérant que vous n’effectuerez pas de rachat les trois dernières années il vous faudra verser dans votre caisse de pension la somme de 21’702.- par an entre l’année 1 et l’année 7.

Ce montant d’épargne vous fera économiser 6’500.- d’impôts chaque année pendant sept ans. Vous obtenez ainsi une économie d’impôt totale de 34’500.- (6’500 fois 7 ans moins 11’000.- en impôt de sortie) et vous réalisez un rendement annuel net raisonnable de 5%.

Troisième exemple : la retraite dans 5 ans.

Vous êtes à 5 ans de la retraite. Votre lacune de capital (montant du rachat disponible) est de CHF 270’000.-.

Votre revenu n’a jamais été aussi élevé et… vos impôts aussi !

Vous décidez de racheter votre caisse de pension sur les deux prochaines années à raison de 135’000.- par an puis de retirer le capital à 65 ans.

Ainsi, vous constituez 260’000.- d’épargne nette d’impôts à vos 65 ans, qui vous auront coûté environ 189’000.-. Votre rendement annuel net grimpe à 23% !

Ces trois exemples illustrent clairement que moins le temps s’est écoulé entre les rachats et le retrait, plus le rendement de l’épargne est haut.

Pour l’exemple 3, il est plus intéressant d’épargner, tout au long de sa vie, le capital de manière libre – en fonds de placement par exemple – puis de racheter sa caisse vers 60 ans.

Votre caisse de pension est à même de vous communiquer le montant de rachat disponible. Pensez à lui demander si votre rachat sera crédité dans la part obligatoire (LPP) ou sur-obligatoire (hors LPP).

En conclusion :

 Avant 50-55 ans, et sauf cas particulier, racheter sa caisse de pension est il me semble peu pertinent.

Une alternative m’apparaissant comme une meilleure solution serait de constituer un patrimoine via un plan d’épargne solide. Cela vous permettrait de toucher des rendements , tout en gardant une liberté maximale et de l’argent disponible pour d’autres projets si le besoin venait à se présenter.

Partagez l’article avec vos collègues si vous l’avez trouvé utile 😉

Raphaël

Informations sur les données utilisées : taux marginal d’impôts 30% ; taux de rendement caisse de pension 1% ; méthode de détermination du rendement TRI.

Immobilier : faut-il rembourser votre dette hypothécaire ?

Avez-vous un intérêt à rembourser votre dette hypothécaire d’ici à la retraite et quels risques courez-vous à ne pas le faire ? Si vous aimez l’article, partagez-le !

En Suisse, nous sommes habitués à ne rembourser que partiellement nos dettes immobilières, et vous, remboursez-vous votre dette hypothécaire ? Que se passerait-il si nous assistions à une hausse des taux d’intérêts ou à une baisse des prix de l’immobilier ? La question est moins de savoir si l’un de ces événements se produira que de décider si vous êtes capable d’affronter une telle situation.

Les études montrent que plus de 80% des prévisions économiques s’avèrent a posteriori erronées. Dès lors, il ne s’agit pas à mon sens d’anticiper (intellectuellement) si les taux vont monter ou si les prix vont baisser, mais de savoir comment se protéger de tels événements.

Éteindre sa dette hypothécaire pour se protéger du prêteur

Avant tout, vouloir éteindre sa dette est une bonne chose, permettant de dormir tranquille et de transmettre plus que la partie d’une maison à ses enfants.

Si vous éteignez votre dette, de facto vous réalisez deux choses : 1. vous augmentez votre patrimoine et 2. vous vous protégez de la hausse des taux ou d’une baisse des prix de l’immobilier. En bref, vous gagnez en liberté financière. Et quelque part, vous gagnez aussi du temps de vie, que ce soit en années de retraite anticipée (plus de loyer à payer), en années sabbatiques ou en temps de travail partiel ou « à la carte ».

Prix et taux : l’effet ciseau

Historiquement, les prix de l’immobilier sont inversement corrélés aux taux d’emprunts. En effet, quand les taux sont hauts, les prix sont bas (cf. la crise de 1990) et lorsque les taux sont bas, les prix sont hauts (cf. la situation actuelle). Il existe donc un effet de « ciseau » entre les taux et les prix.

Depuis près de vingt ans, je construis mon patrimoine avec conservatisme et pragmatisme. Je conseille mes clients sur le même modèle. Mes sources sont principalement l’histoire et certainement pas les prévisions globales (macroéconomie) qui – exception faite des discussions de café – ne sont pas utiles. Elles ne sont pas non plus autoréalisatrices : y croire ou se persuader d’y croire avec les autres (via les médias) ne les fera pas pour autant arriver.

Cela ne m’interdit pas d’avoir un avis. Mais pourquoi mes prévisions seraient-elles plus probables que celles des « grands » économistes et analystes ?

À ce propos, je vous livre mon sentiment. En Suisse, les taux resteront probablement bas encore quelques années. Cela dit, le monde est majoritairement endetté en dollars américains et l’économie fonctionne très bien aux États-Unis. Il n’y a pas d’avantage, lorsqu’une économie fonctionne correctement, à garder des taux bas afin de ne pas entraîner d’inflation. Aujourd’hui, ces problèmes ne sont pas d’actualité mais si nous regardons la dernière crise immobilière des années 1990, nous constatons qu’elle est venue des États-Unis.

A l’époque, la FED a multiplié ses taux par 4 (!) en l’espace de deux ans. Il en a résulté une raréfaction de l’argent qui s’est traduite en Suisse par une hausse des taux d’intérêts hypothécaires atteignant 8%  à court terme et des baisses de prix immobiliers compris entre -20% et -40%. Les propriétaires de l’époque s’en souviennent encore.

Ici s’était déroulé l’effet ciseau mentionné plus haut.

L’exception ? Le Japon.

Cependant, être focalisé sur les taux ne vous donnera pas nécessairement la bonne réponse. Voyez le cas du Japon : au pays du soleil levant, vous pouvez emprunter à des taux inférieurs à 1% sur 30 ans. Depuis une trentaine d’années, les taux sont bas. Malgré cette baisse, il n’existe pas d’effet ciseau. Effectivement, dans certains quartiers de Tokyo, les prix de l’immobilier ont reculé de 30% à 50% sur la même période. Ceci contredit totalement le paradigme historique existant jusqu’à maintenant chez nous. Si nous entrions en stagnation persistante (ou en déflation), nous pourrions obtenir le même type de résultat.

Un cas pratique

Il est peut être utile de rappeler à travers un exemple concret ce qu’il se passe si les taux grimpent ou que les prix baissent vis à vis du prêteur (i.e. la banque ou l’assurance). Laissons l’exemple englober les deux événements en même temps :

Une famille suisse a deux enfants en bas âge, disons d’environ 5 ans. Après quelques recherches, les parents jettent leur dévolu sur une jolie maison de 1.2 million de francs. Pour ce faire, ils dépensent 20% de fonds propres plus les taxes. Le prêteur leur prête 80% du prix d’achat soit 960’000 francs à 1.5 % sur 12 ans. Une fois dans leurs murs, les Suisses payeront 1’200.- par mois pour les intérêts hypothécaires. Si l’on ajoute les charges du bien (charges quotidiennes et entretien à long terme) et la hausse d’impôt (due à la valeur locative), la maison leur revient à environ 2’500.- par mois.

A ce prix là et comparativement à un bien immobilier en location, cela peut valoir la peine. Sauf que le temps file et que rien n’est figé : le prêt a une échéance, l’économie change, l’humanité change, les technologies changent, la démographie change… bref, nous vieillissons. 🙂

Douze années ont passé. Les enfants de cette famille suisse ont 17 ans. Dans un an ou deux, ils vont probablement faire leur entrée dans une école supérieure ou à l’université. Comprenez : ils vont encore coûter plus cher. La prime d’assurance santé augmentera à leurs 18 ans, de même que les frais de logement, auxquels s’ajoutent un abonnement de téléphone, des frais d’écolage, etc.

Aussi les taux ont changé et les prix ont baissé (c’est le pire scénario – il a déjà existé par le passé). Supposons à présent que le prix de la maison a baissé de 15% et que les taux à court terme sont passés à 4.5% (moyenne historique).

Quelle incidence à la retraite et sur le budget ?

Que se passe-t-il vis à vis de l’établissement prêteur ? Ce dernier est toujours d’accord de prêter à la famille Suisse 80% de la valeur de la maison, car ils sont loin de la retraite, mais selon de nouvelles conditions ! La maison achetée 1.2 million de francs vaut désormais 1 million. Le créancier prêtera donc 800’000 francs et demandera de rembourser les 160’000.- de différence.

Sans avoir planifié correctement le remboursement de leur dette hypothécaire, la famille Suisse est bonne pour retirer son deuxième pilier… en pure perte (entraînant de facto une baisse de la retraite future de 1’000 francs par mois !).

Retirer son 2e pilier à 35-40 ans n’a que peu d’incidence si c’est calculé correctement. Par contre, vers 50 ans et sans planification, ce n’est pas la même histoire. Je vous invite à lire l’article sur le niveau de dette hypothécaire à la retraite ici.

Ensuite, ces 800’000 francs seront facturés à la famille Suisse à 4.5%, soit 3’600.- par mois. En ajoutant à cela les frais d’entretien de la maison, notre famille modèle payera un loyer mensuel de 4’800.- au moment même où les enfants n’auront jamais coûté aussi cher !

Pour ceux qui n’envisagent pas que les prêteurs pourraient demander des remboursements, regardez ce qui s’est passé en Suisse dans les années 1990 et plus récemment aux USA, en Espagne, au Portugal ou encore en Grèce… en 2008. 

À noter que la durée de votre hypothèque vous « protège » sur le taux mais aucunement sur la valeur du bien. Le créancier peut effectivement vous demander un remboursement exceptionnel et anticipé avant l’échéance. Le prêteur peut également revoir une situation personnelle (suite à un décès, un changement de revenu etc.)

Pour conclure :

Rembourser sa dette hypothécaire au plus tard d’ici à la retraite relève simplement du bon sens. Nos voisins européens le font. Le système libéral suisse de l’hypothèque – que je trouve excellent – laisse paraître l’illusion qu’il n’est pas utile de rembourser sa dette. C’est ridicule.

Si vous voulez vivre et non survivre à la retraite, vous devez rembourser votre dette immobilière et vous protéger de la dette hypothécaire. Ceci est également vrai pour les locataires : les fruits de votre patrimoine devraient idéalement payer votre loyer à la retraite.

Pourquoi écrire que je trouve le système excellent ? Parce que vous pouvez amortir indirectement votre dette, c’est à dire épargner à rendement plus élevé que le taux d’emprunt. Tout est là ! Amortir indirectement en profitant de rabais fiscaux et de rendements intéressants. C’est un autre sujet… que vous trouvez ici.

Alors faut-il rembourser sa dette hypothécaire ? N’hésitez pas à me donner votre avis en commentaires !

Raphaël