Inflation : quels actifs pour votre patrimoine 2/2

L’inflation est sans aucun doute le sujet économique de 2022. Afin de la contenir, les banques centrales occidentales ont fortement augmenté leurs taux directeurs courant juin. Ces instituts marquent donc la rupture avec le monde post-2008. Depuis 14 ans et quasiment sans interruption, elles se sont efforcées de baisser le prix de l’argent jusqu’à atteindre les fameux taux négatifs en 2015. La lutte contre l’effondrement des « subprimes » aura été à ce prix.

La crise du covid en 2020 n’aura que prolongé cette tendance. Seule la Réserve fédérale (FED, USA) avait amorcé une hausse de son taux de base en 2016, pour dépasser les 2% en 2019, puis finalement le fixer à 0% au début de l’année 2020.

Le 16 juin dernier, la Banque Nationale Suisse a remonté son taux de -0.75% à -0.25% et la probabilité qu’elle passe la barre du 0% d’ici la fin de l’année 2022 est élevée. Bye bye la crainte de la parité avec l’euro, ce n’est plus le sujet, l’équilibre monétaire est de retour selon la BNS.

Inflation aux USA et en Europe : même combat !

Le nouveau défi de la BNS est donc de juguler la hausse des prix qui s’affiche à près de 3% en rythme annuel (chiffre de mai).

Et si ces 3% « officiel » vous paraissent élevé, sachez que les inflations aux États-Unis et dans la zone euro grimpent respectivement à 8.6% et 8.1% en rythme annuel (au mois de mai également) ! Si vous avez lu cet article, vous connaissez mon point de vue sur les chiffres publics…

Du côté de l’Asie : la Chine et le Japon gardent des taux beaucoup plus attractifs. L’empire du Milieu cherche à relancer, ou du moins à maintenir sa croissance économique tandis que la Banque du Japon estime que l’inflation reste dans son objectif des 2%. La cause de cette inflation nouvelle, dans un pays déflationniste, est la même que chez nous : l’énergie importée.

Sous le soleil, la Suisse…

Alors même si l’inflation est élevée, elle ne fait pas sens à être considérée sans les autres données telles que le chômage et la croissance. Avec un chômage à 2.1% et une augmentation du PIB attendue par le SECO de 2.8% sur l’année, la Suisse se place en bonne position pour limiter les effets de la hausse des prix. Au premier trimestre, la croissance en rythme annuel atteignait 4.4%.

Si nous faisons abstraction des années « yoyo » 2020 et 2021, nous devons nous souvenir des croissances économiques précovid pour comprendre d’où nous venons. Sur les cinq années 2015-2019, la progression du PIB figuré à seulement 1.36% en moyenne. Si l’attente de 2.8% pour 2022 se concrétise, ce sera 100% de mieux que ces cinq années.

Vous pourriez donc demander une augmentation de salaire si votre domaine d’activité demeure prospère et que la main-d’œuvre s’y trouve limitée.

Fin de l’inflation ?

Les banques centrales peuvent elles, à elles seules, endiguer l’inflation ? Certainement pas. Et l’actualité géopolitique ne permet pas d’établir des pronostics. D’ailleurs, combien de prévisions sont justes ? Personne n’avait vu venir une hausse aussi importante du taux suisse en juin.

Si l’augmentation des prix ne peut être totalement contenue par les banquiers centraux, la question de la protection de votre patrimoine se pose. Quels actifs semblent-être les plus intéressants ? Nous avons commencé à y répondre ici et je vous propose la suite ci-dessous.

Bis repetita ?

Dans l’article précédent, j’ai conclu que la seule possibilité de combattre l’inflation consistait à investir son argent. Nous avions vu que détenir des matières premières s’était révélé payant durant la décennie 1970-1979. Dans le détail, le pétrole et l’or ont offert de bonnes protections contre l’inflation.

Hormis l’inflation, nous ne pouvons pas totalement comparer les années 70 à notre situation actuelle. En effet, l’occident était en stagflation. L’inflation était élevée, la croissance économique tournait au ralenti, le chômage était important et le taux de la FED venait de passer de 10.50% en 1969 à 4% au début 1970. Le franc suisse a perdu durant cette décennie 50% de son pouvoir d’achat.

La guerre du Kippour et les réactions politiques qui en découlèrent aggravèrent ces facteurs.

Regardons aujourd’hui le comportement des actions et des obligations durant cette période.

Les actions US

Notre analyse commence avec l’indice phare des actions américaines : le S&P 500. Les 500 plus grandes capitalisations de l’époque avec General Motors, Exxon Mobil, Ford Motor et General Electric en tête, affichaient 97.77 points en 1970 et 103 points en 1979.

Les grandes entreprises ont offert une performance en dollars de 5.35%. Corrigé du taux de change en franc suisse, la perte sur 10 ans affichait -60% ! Comme quoi se couvrir des fluctuations monétaires ou investir dans sa propre devise peut faire sens.

Focus sur les actions pétrolières

L’autre point de convergence, entre aujourd’hui et les années 70, trouve place dans la santé financière des grandes compagnies pétrolières. Le prix de l’or noir a été multiplié par 10 entre 1970 et 1980 et par 2.5 sur les 24 derniers mois. Qui peut en tirer avantage à votre avis ?

Je vous invite à regarder les bénéfices 2021 des majors pétrolières ainsi que les prévisions de l’année en cours. Les analystes tablent globalement sur une centaine de pour cent de mieux en 2022 par rapport à l’année précédente, qui dépassait déjà un record vieux de 15 ans. Tout comme en 1973 où Exxon Mobil affichait un profit 80% supérieur à 1972.

Attardons-nous une minute sur cette compagnie qui représente mieux que tout autre l’exploration et l’extraction pétrolière. Comme vous pouvez vous en rendre compte sur le graphique ci-dessous, le titre a progressé de quasiment 80% entre 1970 et 1979. Et ce malgré des pics fortement baissiers en 1974 (-45%) et en 1978 (-20%). C’est 15 fois plus que le S&P 500 pendant la même période.

Cours de l’action Exxon entre 1970 et 1979

Aujourd’hui, Exxon Mobil a profité de la reprise post-covid puisque le titre s’est apprécié en 2021 et au début de l’année 2022 de respectivement 48% et 43% (à fin juin 2022). À une autre échelle, Valero, le plus grand distributeur américain de pétrole raffiné, a progressé de 33% et 39%.

Détenir des majors pétrolières apparaît donc comme un choix gagnant en période d’inflation, surtout avec un fond de crise énergétique. Ceci est du moins vrai pour l’investisseur en USD. Pas très « eco-friendly » comme constat même si l’on doit admettre que la réalité de notre dépendance aux hydrocarbures nous rattrape.

Inflation et actions suisses ?

Retour chez nous avec un placement suisse, en franc suisse. À en croire Pictet, placer son argent dans les principales actions du pays, aura permis de limiter en partie l’inflation. Avec un gain légèrement supérieur à 26%, l’érosion du pouvoir d’achat aura été divisée par deux. C’est mieux que d’avoir conservé ses actifs en liquide, mais ce n’est pas vraiment réjouissant.

L’arbre qui cache la forêt ?

En lisant trop rapidement ces données, l’on pourrait penser qu’investir directement dans le pétrole brut et l’or était préférable. C’est trop se concentrer sur le court terme.

L’investisseur intelligent aura travaillé sur deux axes.

Il aura d’abord épargné et rebalancé son portefeuille tout au long de la décennie, et notamment dans les creux de marché, afin de réduire son coût d’achat moyen. En procédant ainsi, notre épargnant aura dégagé un rendement supérieur : investir pendant les soldes du S&P 500 de septembre 1974 (baisse supérieure à 46% par rapport à décembre 1972), lui aura permis de réaliser un gain supérieur lors de la remontée des bourses. Un simple plan d’épargne mensuel aura suffi à concrétiser cet effet.

« The best chance to deploy capital is when things are going down. »

Warren Buffett

Il se sera ensuite focalisé sur la durée d’investissement. Avec un horizon de temps long, l’investisseur intelligent aura conservé son portefeuille bien au-delà de 1979. Âgé de 30 ans en 1970, il aura eu 60 ans en 2000. À cette date, l’indice de Pictet cotait à 53’797 points soit 1’648% de mieux qu’en 1970 (facteur 17 à comparer au multiple 2.5 de l’inflation).

Bien sûr, notre épargnant aura pioché une année ou l’autre dans ses avoirs afin d’acheter sa maison, rembourser ses dettes ou s’offrir des envies… mais l’inflation aurait été largement compensée.

Inflation et obligations suisses

Pour ce qui est des obligations suisses, et toujours sur la base de l’étude Pictet, le rendement obligataire a surperformé les actions de 3.5 fois au cours de la période 1970-1979. Sur cette courte période c’est excellent puisque l’inflation est éliminée et le gain réel (corrigé de l’inflation) s’affiche à presque 30%.

Le résultat est toutefois bien décevant sur la période 1970-2000 avec « seulement » 429% que nous pouvons comparer à la performance des actions de 1’648% ou à l’inflation de 378%.

Vous trouvez un résumé des indices, de l’inflation et des taux de change ici.

Bref aparté sur l’immobilier

Je ne peux conclure cet article sans évoquer l’immobilier. Un investissement dans la pierre peut offrir une certaine protection contre l’inflation, car les loyers y sont généralement indexés. Une hausse des loyers a théoriquement pour effet de valoriser le foncier.

Vous devriez cependant prêter attention à la vitesse à laquelle les taux d’emprunt hypothécaires se renchérissent. Une augmentation rapide de ces coûts ne peut pas être répercutée immédiatement sur le locataire.

Lors de la dernière grande crise immobilière en Suisse, les taux hypothécaires ont été multipliés par quatre en l’espace de deux ans. Au moment où j’écris ce texte (juin 2022), le tarif des dettes de long terme (10 à 15 ans) a déjà été multiplié par trois en une année et demie.

Pour ce qui est du taux favori des investisseurs, le SARON (ex-Libor), il pourrait bientôt prendre l’ascenseur, dès que le taux directeur de la BNS passera au-dessus de 0%, ce qui est attendu pour la fin 2022.

In fine, et même avec des augmentations de loyer, les valeurs des biens peuvent chuter (-20% à -40% dans les années 1990) et nécessiter des appels de marge (remboursements anticipés) de la part des prêteurs.

Je traiterai dans un autre article, les stratégies et les réflexions à mettre en place pour se protéger de la hausse des hypothèques et de la baisse des prix du foncier.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur la finance, l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.

Inflation : quels actifs pour votre patrimoine 1/2

Depuis plus d’une année, l’inflation est de retour et vous vous demandez quels actifs pourraient protéger votre patrimoine ?

Dans un article précédent, j’affirmais que vos avoirs devaient croître d’au moins 2% par année pour conserver leur pouvoir d’achat. En bref : vous gagnez réellement de l’argent au-delà de 2% de rendement annuel. Avec un gain égal à 2% vous maintenez votre pouvoir d’achat et en dessous, vous perdez de la valeur. Ceci semble se confirmer depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Tentons de voir dans le présent article comment les actifs qui composent votre patrimoine se sont comportés face à l’inflation dans le passé.

Les économies sous l’oreiller

Beaucoup de personnes adhèrent à cette solution. Éprouvant généralement une aversion aux banques, ces personnes pensent que c’est la réponse la plus sécuritaire pour leur pécule. C’est mignon, mais c’est faux.

Cette stratégie de sauvegarde fonctionne dans un système monétaire « métal » (or ou argent par exemple), puisque la quantité de monnaie est par essence finie. C’est-à-dire que la qualité d’or ou d’argent en votre possession ne peut être diluée.

Néron, le premier faux-monnayeur ?

Notons toutefois que la dilution des monnaies métalliques fut pratiquée dans l’histoire. Afin de pallier le manque de pièces et pour éviter des hausses d’impôts, l’empereur Néron a initié cette pratique qui allait perdurer près de deux siècles. Néron a transformé l’état en faux-monnayeur. Au fur et à mesure de la collecte de l’impôt, l’administration refondait les pièces d’or et d’argent pour les allier avec des métaux de moindre valeur. L’argent était notamment mélangé avec du cuivre. Cette dilution était opérée à très faible échelle sous Néron (90% d’argent pour 10% de cuivre) jusqu’à atteindre moins de 40% d’argent pur deux siècles plus tard. En multipliant les pièces, Néron marque le début de l’inflation à Rome.

Dans notre système actuel d’unités de comptes, la quantité de monnaie est en perpétuelle évolution, et il n’est plus besoin de faire fondre du métal pour pratiquer la dilution monétaire.

Cette variation continue est organisée par les banques centrales et par les banques commerciales. Les banques centrales adaptent la création de monnaie et les taux d’intérêt de l’argent en fonction de la situation économique du moment tandis que les banques commerciales émettent des crédits (des prêts hypothécaires par exemple).

Pour faire simple, et en laissant votre argent en dehors du système, vous ne pouvez profiter de ces adaptations et vous n’en subissez que les inconvénients.

Si vous craignez les banques, je vous recommande plutôt de comparer leurs niveaux de fonds propres – gage de leur stabilité financière et de leur résistance aux crises – avant de décider à laquelle confier vos sous.

Malgré cela, une solution en compte bancaire courant (« compte salaire ») ou en compte épargne n’est peut-être pas le meilleur remède…

Les comptes salaires et épargne

Depuis l’apparition des taux négatifs en 2015, ces solutions ressemblent beaucoup à celle de l’oreiller.

Un compte courant rémunère aujourd’hui vos avoirs à hauteur de 0% tandis qu’un compte épargne les rétribue par un taux compris entre 0% et 0,25%. Des plafonds sont généralement fixés à 100’000.- ou à 50’000.- maximum.

Au-delà de ces montants, attendez-vous à payer des intérêts négatifs sur votre épargne ! De nombreux établissements infligent un taux négatif de 0,75% si les plafonds sont dépassés.

Nous sommes bien loin des rémunérations pratiquées pendant la décennie 1970-1979, avec des taux ayant atteint par exemple 5,22% en 1974. Ce n’est donc pas grâce aux comptes bancaires que vous allez battre l’inflation.

Investir

Si vous souhaitez conserver la valeur de votre argent, investir votre épargne semble apparaître comme la seule solution.

Mais alors quels investissements réagissent le mieux à l’inflation ?

Tentons d’y voir plus clair en nous éclairant grâce au passé.

Dans l’article précédent, nous avons identifié une décennie de forte inflation : 1970-1979 avec les « chocs pétroliers » de 1973 et de 1979. Je vous propose d’observer l’évolution des cours des actifs pendant cette période.

Notez que chaque époque diffère l’une de l’autre. Tirer une conclusion définitive de cet article et l’appliquer à la situation présente serait inopportun. Un patrimoine nécessite une construction sur mesure et adaptée à vos besoins. Vous devriez vous faire accompagner par un conseiller financier expérimenté et effectuer vos propres recherches.

Les matières premières

Bien entendu, lorsque nous parlons d’inflation, nous pensons tout de suite aux matières premières. Pour étudier les cours de ces dernières, j’ai ressorti mon « CRB commodity yearbook » de 2006.

Nous nous intéressons ici à l’indice Reuters-CRB. Cet indice est composé de matières premières que nous consommons tous les jours. Vous y trouverez évidemment les cours de matières énergétiques telles que le pétrole brut ou le gaz, mais également le cours des métaux comme l’or, le cuivre ou le nickel ou encore des matières agricoles avec les cours du maïs, du coton ou du bétail.

La décennie qui nous intéresse a vu naître deux marchés haussiers importants. Le premier entre 1971 et 1974, avec une augmentation de 147%, et le second entre 1977 et 1980, avec une progression de 83%.

In fine, l’indice a été multiplié par 3 en 10 ans.

Détenir des matières premières à cette époque aura donc été payant.

Aparté sur la matière principale de notre économie : le pétrole

Le pétrole brut affiche évidemment la hausse la plus importante au sein des matières premières pendant la période étudiée. En dollars américains, le cours du WTI Crude Oil (West Texas Intermediate) a été décuplé (!) entre 1970 et 1980.

En 1970, le baril de brut valait environ 3.35 USD avant d’aller chercher les 32.50 dollars au début de l’année 1980. Remarquons que le cours a ensuite flotté aux environs de 20 dollars jusqu’en 2004, soit pendant 25 ans. Cette année 2004 sonnera le départ d’un rallye haussier qui aboutira en 2008 à un cours de 145 dollars par baril.

Vivant dans un monde pétrodépendant, cette commodité fait varier les prix de la plupart des autres matières premières. Le pétrole apparaît également comme un outil politique et une monnaie d’échange dont le cours peut sans doute se distinguer (à la hausse ou à la baisse) de sa valeur intrinsèque.

Avec l’électrification de nos sociétés et de la mobilité à moyenne échéance, le pétrole ne jouera peut-être plus autant son aspect refuge en cas d’inflation.

Source

Une autre matière importante : l’or

Valeur refuge par excellence, l’or mériterait un article à part entière. Avec son acolyte l’argent, ils sont attestés comme valeur de référence depuis le 3e millénaire avant Jésus-Christ.

Ce métal précieux n’est théoriquement plus une monnaie depuis que les États-Unis ont suspendu la convertibilité du dollar en or en 1971 (fin des accords de Bretton Woods) et introduit les taux de change flottants.

Dans les faits, l’or reste une monnaie d’échange à part entière qui possède un grand réservoir de confiance dans notre imaginaire collectif. J’évoque ci-dessous plusieurs éléments qui plaident dans ce sens.

D’abord, toutes les banques centrales détiennent de l’or en réserve. Par exemple, le bilan de la Banque Nationale Suisse est composé de 5% d’or à la fin 2021 (à peu près 1’000 tonnes pour 55 milliards de francs).

Ensuite, la majorité des pays sous embargo commerciaux, tels que l’Iran ou le Venezuela payent leurs importations avec de l’or (et avec du pétrole).

Durant la période qui nous intéresse (1970-1979), l’or est passé d’environ 40 USD par once (31,104 grammes) à près de 456$ en 1979 avec des pics dépassant les 660$ en 1980. Tout comme le pétrole, son prix a ensuite décliné pour flotter aux environs des 400$ jusqu’en 2004.

Source

Durant la période observée, l’or a offert une bonne protection contre l’inflation. Notons que la hausse actuelle des taux d’intérêt pratiquée par les banques centrales pourrait rendre plus attractives les obligations d’État au détriment de l’or.

Hyperinflation ? Pas pour tout le monde !

Pour rendre cette analyse complète, nous devons mettre en parallèle le cours des matières premières et le taux de change du dollar américain. En effet, les matières premières et à fortiori le pétrole WTI sont cotés en USD.

Notre pays, la Suisse, a vu le cours du dollar américain passer de 4.37 francs (pour 1 USD) en 1970 à 1.66 franc en 1980. Autant dire que cette dévalorisation du dollar de 62% a absorbé une bonne partie de la hausse des matières premières.

En comparaison, la baisse du dollar vis-à-vis du franc français a été beaucoup plus contenue. Il fallait compter 4.22 en 1980 contre 5.55 francs en 1970. Cette baisse de seulement 24% a laissé la place à une inflation beaucoup plus forte en France qu’en Suisse, tout comme en 2021 et au début de 2022.

Nous verrons dans un prochain article le lien entre l’inflation et d’autres actifs tels que l’immobilier, les actions et les obligations.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur la finance, l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.

Inflation : quel risque pour votre patrimoine ?

La croissance économique que nous vivons actuellement est accompagnée d’une donnée oubliée depuis presque 20 ans : l’inflation. À quels risques est exposé votre patrimoine et comment pouvez-vous l’en protéger ?

En 2021, deux écoles « s’affrontaient » quant à la durée de l’inflation que nous voyions naître. Certains analystes la considéraient comme temporaire tandis que d’autres apercevaient les prémisses d’un cycle haussier des prix des matières premières.

La première école l’expliquait par les dégâts du covid : les fermetures d’usines et les ruptures des chaînes d’approvisionnement entraînaient une inflation transitoire. Lorsque la situation reviendra à la normale, l’inflation cessera.

La seconde école voit naître depuis une année un cycle haussier des prix des matières premières. En ce début d’année 2022, nombreux sont ceux qui se rangent à l’avis d’une inflation longue qui perdurera au-delà de 2022 et de 2023. Le dernier « super cycle haussier » des matières premières a pris fin en 2008 avec la crise des subprimes, mais la croissance des prix durant cette période (1990 – 2008) était restée faible en Suisse. À la différence de cette époque, l’inflation que nous percevons aujourd’hui ressemble bien plus aux flambées des années 70.

Une (très) brève explication de l’inflation

0.6%. C’est l’inflation officielle pour le mois de mars 2022. Oui, vous avez bien lu. Votre plein d’essence vous a coûté plus de 30% plus cher qu’en février, mais l’Office fédéral de la statistique vous le dit : + 0.6% d’inflation en mars 2022. Étant donné que le prix du pétrole pèse sur toutes les autres matières premières, je doute un peu. Retenez toutefois que même si ce chiffre est juste, cela nous donne plus de 7% d’inflation en rythme annuel ! Pas observé depuis les années 70.

Évidemment, la « vraie inflation » (celle que vous subissez en faisant vos courses, en remplissant votre citerne de mazout ou le réservoir de votre voiture…) reste une donnée sensible pour les milieux économiques et politiques. Les premiers ne veulent pas augmenter les salaires tandis que les seconds ne veulent pas être accusés de l’envolée des prix.

Inflation et impression d’argent

Expliquer brièvement d’où vient l’inflation n’est pas une chose aisée, car de nombreux facteurs influent sur cette dernière. L’inflation se situe dans la différence de valeur entre la création monétaire et la croissance économique anticipée (vente des biens et services produits).

Pour illustrer mon propos, vous trouvez ci-dessus le graphique du bilan de la banque fédérale américaine. Nous pouvons observer trois grandes périodes de création monétaire : 2008-2009, 2014-2015 et enfin 2020 pour le coronavirus. Notez deux choses : l’expansion du bilan de la FED en 2020 a représenté en valeur absolue trois fois plus qu’en 2008 et la phase 2008 – 2019 n’a pas généré d’inflation démesurée.

Vous trouvez ci-dessous le bilan de la Banque Nationale suisse qui suit la même tendance.

Ces liquidités se sont en partie transformées en épargne pour les ménages, qui disposent ainsi de plus d’argent pour une quantité de biens et services restés peu ou prou la même (voir moins pendant les fermetures d’usines). Et comme le prix des biens et des services finit toujours par rattraper la monnaie créée, nous assistons à la hausse générale des prix.

Qu’en pense le gourou des matières premières Jim Rogers ?

Jim Rogers explique également l’augmentation des prix par la création monétaire de 2020 :

“I have been saying we should buy commodities for the last few months and even longer because we had seen a lot of money printing. Whenever there is money printing, prices go higher and especially if there is a war. I do not like making money from war but I would rather make money than lose it and I am going to own commodities when the war stops as well because there is going to be more inflation and more rise in commodity prices.”

Nous payons le prix de la sauvegarde de l’économie en 2020. Additionnée d’une croissance hors norme, que même la crise en Ukraine ne paraît pas éroder, l’inflation semble s’installer pour durer.

Comment prendre en compte l’inflation dans votre patrimoine ?

Vous ne souhaitez pas investir ? Et vous privilégiez votre compte bancaire ou votre compte épargne ? Sachez qu’entre l’an 2000 et jusqu’à la fin 2020, vous perdiez « officiellement » 0,4% par année. En ajoutant à cela les frais de tenue de compte, les intérêts négatifs et les impôts… vous perdiez 2% l’an !

Sur une année ou deux, renoncer à 2% l’an est peut-être acceptable, mais sur 20 ans, cela représente 40% de pouvoir d’achat envolé. Entre l’an 2000 et l’an 2022, un billet de 100.- francs s’est transformé en un billet de 60.- francs !

Le cas d’une personne âgée de 65 ans

Prenons une vision un peu plus longue. Si vous avez 65 ans aujourd’hui, vous avez subi dans la période qui vous sépare de votre premier travail dans les années 1980, une hausse des prix de 100%. Votre épargne « cash » vaut donc la moitié de ce qu’elle valait en 1980, 40 ans plus tôt. Et encore une fois, nous parlons de l’inflation officielle…

Vous devez ajouter à l’inflation les impôts et, depuis six ou sept ans, les intérêts négatifs éventuels. Ces éléments ont encore aggravé le maintien du pouvoir d’achat dans le temps.

Cela me permet d’affirmer qu’une épargne ou un patrimoine qui ne croit pas d’environ 2% par an perd irrémédiablement de la valeur à long terme.

Croissance économique et inflation au XXe siècle ?

Je l’écrivais précédemment, nous vivons une croissance économique forte. La première période qui me vient en tête lorsque l’on évoque croissance plus inflation est « les trente glorieuses ». Cette période s’est étendue de 1945 à 1975. Durant ces 30 années, l’inflation a quasiment atteint les 150% soit environ 1.20% l’an en Suisse (officiellement s’entend).

L’inflation observée comme la plus forte au XXe siècle (en dehors des deux guerres mondiales) se trouve dans la décennie qui s’étend de 1970 à 1979. Avec les ruptures d’approvisionnement en pétrole (ça vous rappelle quelque chose ?), le franc suisse a perdu en 10 ans 50% de son pouvoir d’achat. Cela revient à réaliser un rendement négatif de 4% l’an pendant 10 ans. Vous trouverez même des pics à 8.8% en 1973 ou à 9.9% en 1974.

Si l’on en croit la Banque Nationale, les banques rémunéraient, ce qui pourrait paraître comme généreux aujourd’hui, l’épargne de ses clients jusqu’à 5.22% pour l’année 1974. Cet intérêt compensait 50% à 80% de l’inflation selon l’année. Sur 10 ans, la part non couverte par le rendement de l’épargne revenait toutefois au même que pour la période des trente glorieuses soit un peu plus de 1% l’an.

Rendement annuel minimum de votre patrimoine : 2% !

En y ajoutant les impôts et les frais divers, nous revenons toujours à ces 2% perdus chaque année. La différence majeure avec les années 1970 vient des intérêts négatifs qui alourdissent la facture.

Nous vivons pourtant dans l’un des pays qui conservent le mieux sa monnaie. En comparaison, l’inflation française s’est élevée à 169% sur la période 1970-1980.

Nous l’avons vu, une épargne non rémunérée, c’est-à-dire dormant sur un compte simple ou sous l’oreiller, perd en moyenne 2% par année avec des pics pouvant atteindre les 10%. Placer la majeure partie de ses avoirs consiste au moins à contrer cette baisse de pouvoir d’achat à long terme.

Nous aborderons dans un prochain article les solutions qui existent pour se protéger de l’inflation.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur la finance, l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.