Quel niveau de dette hypothécaire à la retraite ?

A la retraite, le niveau de dette communément admis pour sa résidence principale est de 65%. Que signifie ce pourcentage et quels sont les pièges à éviter ?

Vous le savez sans doute, le niveau de dette hypothécaire accordé par les établissements financiers pour acheter sa résidence principale se situe à 80%. À la retraite, le niveau de dette exigé est au maximum de 65%.

Les 80% se découpent en deux rangs distincts. Un premier rang à hauteur de 65% et un second rang de 15%.

Historiquement, et lorsque les taux étaient plus élevés, ces deux rangs n’étaient pas facturés au même prix. Par exemple, le premier rang était facturé à un taux de 2% annuel et le second à 2.5%.

La raison en est que les banques et les assurances considèrent que le niveau de risque n’est pas le même sur toute la dette. Les éléments pris en compte pour mesurer le risque se basent sur l’emprunteur et sur le marché.

Le taux d’emprunt, une histoire de risque et de rangs

Le risque emprunteur prend en compte votre situation personnelle. Les critères différent d’un établissement à un autre, mais l’on retrouve généralement : le type d’emploi, le niveau de revenu, le taux d’activité, le nombre d’enfants, l’âge, la nationalité, la capacité d’épargne, le niveau de fortune et de dette aussi bien avant qu’après l’achat…

Le risque de marché, quant à lui, est lié au bien que vous achetez et au marché immobilier dans son ensemble. Pour faire simple, le prêteur considère que vous supportez les vingt premiers pourcents de risque du marché : ce sont vos fonds propres. Cela signifie que si le marché baisse de 20%, vous devrez rembourser jusqu’à 20% de la nouvelle valeur de votre bien.

Un exemple :

Vous achetez un bien un million de francs. Vous investissez CHF 200’000.- et l’établissement financier vous prête 800’000.-. Dix ans passent, le marché baisse de 20% et la valeur de votre résidence principale tombe à 800’000.-. Le prêteur vous demandera de rembourser 160’000.- correspondant au 20% de la nouvelle valeur du bien, et ce afin de maintenir le ratio de 80% de dette pour 20% de fonds propres.

Pour conclure sur le risque de marché : les prêteurs considèrent qu’il existe (l’histoire et notamment les années 1990 le prouvent) un risque potentiel de perte sur le 2e rang de 15%. Ce qui explique en partie le taux plus élevé. Enfin le risque que les prix chutent de plus de 35% étant historiquement faible, les banques et les assurances sont assez confiantes sur la probabilité de récupérer le premier rang de 65% en cas de vente forcée du bien (saisie).

Depuis l’apparition des taux négatifs, ayant entrainé des taux hypothécaires extrêmement bas, les taux pratiqués sur la dette ne distinguent généralement plus les rangs.

65% de dette à la retraite !

Le niveau de 65% est intéressant car c’est le niveau de dette communément admis pour conserver sa résidence principale à la retraite.

Il faut toutefois faire attention : ce n’est pas parce que la règle générale accorde au maximum 65% de dette qu’il faut viser absolument ce chiffre.

Un exemple concret pour illustrer mon propos :

Jean et Jeannette ont deux enfants. Ils ont 40 ans.

Leur revenu de 220’000.- leur permet d’acquérir la maison de leur rêve pour 1.3 million de francs. 180m2 habitable sur 1’000m2 de terrain, à moins de quinze minutes de Lausanne.

Le couple injecte 260’000.- de fonds propres plus les taxes (frais de notaire) et l’établissement financier leur prête 1’040’000.-.

Le prêteur fait le calcul suivant : le coût théorique du bien ne doit pas excéder le tiers du revenu du couple. Ici nous obtenons : 13’000.- annuels de charges d’entretien, 13’000.- annuels pour le remboursement de la dette (amortissement) et 46’800.- d’intérêts hypothécaires (4.5% annuels de 1’040’000.-) soit un total de 72’800.-. Ce montant est inférieur aux 33% de 220’000.-.

25 ans plus tard, au moment de la retraite, le couple avait prévu de rembourser le second rang à hauteur de 15%, soit 195’000.-. Ils croyaient de bonne foi que ce montant serait demandé par leur prêteur pour atteindre les 65% de dette maximum à la retraite.

Les charges du bien ne peuvent excéder le tiers du revenu. Aussi à la retraite.

En réalité, et même à la retraite, les charges liées au bien ne peuvent pas excéder le tiers du revenu de retraite. Notre couple doit donc être en mesure de payer les charges d’entretien ainsi que les intérêts hypothécaires sur le montant de la dette. S’ils peuvent le faire dans la limite du premier rang de 65%, alors tant mieux. Sinon, ils devront diminuer leur dette pour « rentrer dans les clous » i.e. respecter la faisabilité d’emprunt.

Mettons que Jean et Jeannette n’ont rien planifié pour leur retraite – malheureusement comme la moitié des suisses – c’est à dire qu’ils se retrouvent avec un peu moins de 60% de leur revenu soit 130’000.- entre l’AVS et leurs deuxièmes piliers et n’ont pas d’autre épargne / patrimoine.

Leur revenu permet tout au plus de payer un loyer fictif de 43’000.- annuel (un tiers de 130’000.-). Sur cette base, ils doivent déduire les charges d’entretien de 13’000.-, ce qui laisse la place à 30’000.- d’intérêts hypothécaires. Et 30’000.- correspondent à une dette de 667’000.- (à 4.5% d’intérêts) soit 51.3% de dette.

Notre couple devra donc rembourser la somme de 373’000.- le jour de la retraite soit près de deux fois plus que les 195’000.- prévus.

Une bonne planification de votre dette à la retraite est la clef du succès

Quel est le risque pour ce couple ? S’ils n’ont pas constitué d’autre épargne, la seule marge de manœuvre pour rembourser leur dette à la retraite est de ponctionner leurs deuxièmes piliers. Le hic est qu’en procédant de la sorte, ils la diminueront d’environ 10’000.- par an passant leur revenu annuel de 130’000.- à 120’000.- baissant encore leur faisabilité bancaire et augmentant le montant de capital à rembourser. C’est le serpent qui se mord la queue. Plus je rembourse, plus je diminue mon revenu de retraite, plus je dois rembourser…

Vous pouvez lire ici un article sur le retrait de la caisse de pension à la retraite.

Pour peu que l’on s’y prenne quelques années en avance, il est pourtant simple de planifier sa liberté vis à vis de la dette.

Les taux hypothécaires n’ont jamais été aussi bas. Il est sans aucun doute intéressant d’épargner la différence entre les taux moyens historiques (4.5%) et les taux réellement payés.

Une telle méthode, appliquée systématiquement, a l’avantage d’être simple. De plus, elle permet de vivre sereinement des années difficiles (chômage, par exemple) et des années plus joyeuses (années sabbatiques par exemple).

Si l’un de vos amis, collègues ou parents part à la retraite, je suis sûr qu’il appréciera de recevoir ce message de votre part 😉

2e pilier : faut-il prendre la rente ou le capital ?

A l’arrivée de la retraite, choisir entre la rente et le capital du deuxième pilier n’est pas un choix évident. Essayons d’y voir plus clair.

Jeunes et moins jeunes, vous être nombreux à me poser cette question. Il existe autant de réponses que d’individus et il n’y a pas de réponse standard. C’est votre situation personnelle qui détermine s’il faut dans le 2e pilier privilégier la rente ou le capital. Il convient donc de se poser les bonnes questions.

Avant de poser ces questions, je vous propose un rappel général sur le fonctionnement du 2e pilier :

L’âge légal de la retraite est fixé à 64 ans pour les femmes et à 65 ans pour les hommes.

Une retraite anticipée est possible cinq ans avant l’âge légal. Ces cinq années permettent de prendre son 2e pilier sous forme de rente ou de capital. Les montants versés seront évidemment plus faibles. Si vous souhaitez planifier une retraite anticipée, il faut s’y prendre tôt.

Un choix mixte incluant capital et rente est aussi possible.

Une fois le choix fait, il est impossible de revenir en arrière.

Si vous optez pour le capital, il vous sera définitivement acquis et fera partie de votre fortune personnelle.

Il faudra gérer votre capital en « bon père de famille » sur les nombreuses années de retraite afin de compléter vos autres revenus (AVS, revenus du patrimoine, revenus immobiliers etc.).

Les deux avantages sont qu’en plaçant votre capital, vous pourrez vous protéger de l’inflation et qu’en cas de décès, vos héritiers pourront en bénéficier.

Si vous souhaitez aller plus loin, vous trouvez ici un article sur le but et l’histoire du deuxième pilier.

Rente ou capital : les impôts ne vous oublieront pas

N’oubliez pas de passer par la case impôt (le fisc se rappellera à votre bon souvenir dans les quelques jours suivant le retrait). Cet impôt ne dépend d’aucun autre facteur que vos lieu de résidence et situation civile au jour du retrait. Pour un couple marié retirant un capital de 1 million de francs, l’impôt de sortie se comprend entre 6% et 13% selon le canton ou le pays où vous vous trouverez. Visiter la Suisse peut devenir rentable.

La rente vous permet d’obtenir un revenu fixe qui est servi ad vitam aeternam. En cas de décès, votre veuf ou votre veuve aurait droit à 60% du montant que vous perceviez, également à vie.

La rente est taxé par le fisc comme un revenu du travail.

Le fait de n’avoir rien à gérer et de recevoir un « salaire » chaque mois peut être perçu comme un avantage confortable.

Les trois inconvénients dans le choix de la rente sont le fait que le revenu versé n’est pas indexé à l’inflation (baisse du pouvoir d’achat dans le temps) et que l’on renonce définitivement au capital. Au décès du conjoint survivant, les héritiers ne reçoivent donc rien. Enfin, l’impôt perçu sur la rente est un impôt sur le revenu (comme sur un salaire). Passé une dizaine d’année, le choix du capital aurait été plus avantageux, fiscalement parlant.

Si vous arrêtez de travailler avant l’âge légal et que l’appel de la Thaïlande, du Brésil ou de l’Afrique du Sud est fort, vous pourrez récupérer l’entier de votre capital 🙂 Si vous partez en Union Européenne, il faudra laisser en Suisse une partie de votre capital, sous forme de libre passage (la part LPP), que vous récupérerez à la retraite (ou à la pré-retraite).

A la lumière de ce rappel, nous pouvons nous poser les questions utiles pour faire le choix entre la rente et le capital :

Question 1 : Suis-je en bonne santé ?

Étonnamment, la première question à se poser n’est pas d’ordre financier mais doit porter sur la santé et l’espérance de vie. C’est une question un peu étrange mais le deuxième pilier est pensé pour être servi jusqu’à l’âge de 80 ans environ (selon le taux de conversion). Prendre la rente est le choix gagnant si vous dépassez les 80 ans, ou perdant dans le cas inverse.

Question 2 : Quel est notre train de vie ?

De combien avez-vous besoin à la retraite pour vivre confortablement et vous faire plaisir ? Il n’y aura plus de perspective d’évolution salariale après le premier jour de retraite. Établir un budget est donc important.

Question 2 bis : Ou souhaitons-nous nous établir ?

Au delà de l’impact fiscal lors du retrait du capital, vivre à Glaris, à Lausanne, à Biarritz ou à Valence n’aura pas la même incidence sur votre budget quotidien.

Question 3 : Quel revenu pouvons-nous espérer de l’AVS ?

Rente minimum, rente maximum, rente de couple, lacunes ? Tout cela se calcule de manière précise.

Question 4 : Quel est l’état du reste de notre fortune ?

3e pilier, résidence principale, immobilier, actions, obligations… Si vous disposez d’un patrimoine, le capital de votre deuxième pilier viendra s’y ajouter. Est-ce que votre fortune totale vous permet d’en vivre ? Si votre épargne est faible ou nulle, le choix de la rente sera probablement le plus judicieux.

Question 4 bis : Quel est le niveau de mes dettes, notamment immobilières ?

Est-il nécessaire ou « obligatoire » de diminuer ma dette immobilière ? Une solution mixte ou une solution capital peut être envisagée.

Question 5 : Ai-je envie de transmettre mon patrimoine à mes enfants ?

Si oui, le capital ou une solution mixte capital et rente est à privilégier. Attention, Il faut bien calculer ce qu’il est possible de transmettre à ses enfants. Votre fortune doit vous permettre de vivre pleinement votre retraite et vouloir aider les enfants pourrait mettre vos vieux jours en péril.

Voilà pour les grandes lignes. La solution est très individuelle et une bonne planification est indispensable.

Et vous, voyez-vous d’autres avantages ou inconvénients aux solutions capital et rente ? N’hésitez pas à m’en faire part dans les commentaires.

Raphaël

Les dix prochaines années selon Pictet

Les gestionnaires de fortune de la banque privée Pictet ont publié une étude portant sur les rentabilités qu’ils attendent pour la décennie à venir.

En début d’année, les gestionnaires de fortune de la banque privée Pictet ont publié une étude nommée Horizon, portant sur les rentabilités qu’ils attendent pour la décennie à venir.

Je vous propose ici d’en extraire les idées fortes, et d’inclure par petites touches mes commentaires.

Je ne suis habituellement pas fan des prévisions, préférant lire le passé pour pouvoir estimer le futur. Mais accepter d’autres regards est toujours source d’élargissement de la pensée. Évidemment, Pictet se base aussi sur les rendements et les événements passés pour étayer ses prévisions.

Les gestionnaires articulent leur travail autour des quatre facteurs suivants : innovation, populisme, données démographiques et changement climatique.

L’innovation sera source de croissance

Ils sont convaincus que l’innovation sera source de croissance pour l’avenir et sera diffusée à tous les secteurs de l’économie. Ils estiment aussi que la croissance pourrait se voir limiter par le populisme.

L’inflation (baisse du pouvoir d’achat / hausse des prix) future est estimée inférieure à 2%, comme pour les quinze dernières années. Un chiffre plus élevé pourrait également être une conséquence du protectionnisme.

Les deux conclusions majeures de l’étude sont que le rendement moyen de toutes les classes d’actifs (immobilier, actions, obligations, immobilier, métaux précieux…) sera probablement inférieur à ce qu’il a été depuis 1950 et que Pictet ne croit pas à une stagnation séculaire mais plutôt à une croissance tirée par les innovations.

Les classes d’actifs traditionnelles, que sont les emprunts d’États (obligations) américains et d’Europe de l’Ouest (y compris la Suisse), réputés sûrs par le passé, verront probablement leurs rendements rester proche des 0%, voire devenir des intérêts négatifs (en Suisse, ils se situent actuellement à -0.9% par année).

Cela ne semble pas être le cas pour les emprunts des pays émergents ou des entreprises, attendus dans une fourchette de 3% à 5%.

Les actions devraient rester les actifs les plus rentables

Les actions devraient rester les actifs les plus rentables avec une moyenne annuelle proche des 6%. Il existe une grande hétérogénéité des actions selon la taille des entreprises ou leur emplacement géographique. Ainsi, les rendements attendus pour les pays émergents asiatiques devraient être supérieures à 7%, les petites & moyennes entreprises en Europe et aux USA devraient tourner aux environs de 6% et les grandes compagnies autour de 5%. Le private equity, malgré son inconvénient de manque de liquidité, pourrait aller chercher dans les 9% de moyenne.

Les actions restent donc, comme par le passé, la classe d’actif à privilégier.

Les portefeuilles que je recommande sont généralement composés de 40% de petites et moyennes entreprises en Europe, en Suisse et en Asie émergente et un autre 40% est dédié aux grandes entreprises en Europe et aux USA. Le solde étant composé d’actions d’entreprises actives dans les domaines de l’innovation et des énergies alternatives, d’or physique en couverture de crise ou de récession, d’un peu de liquidités et d’obligations.

Ce mix reste, il me semble, pertinent pour dégager un rendement suffisant tout en se protégeant d’un événement extérieur, qu’il soit politique (protectionnisme, conflit) ou économique (remontée des taux et récession par exemple), les deux étant intimement liés.

Un autre avantage que je vois à détenir des petites et des grandes entreprises et qu’elles ne réagissent pas de manière identique en cas de hausse ou de baisse des marchés. Ainsi, nous pouvons profiter des cycles haussiers et baissiers en allégeant la part des grandes entreprises pour racheter les petites et inversement.

Quid du cash et de l’or ?

Les rentabilités des liquidités (USD, EUR et CHF) sont attendues comme maigres ou nulles. Pictet ne les recommande que comme « instrument temporaire ». J’en profite pour rappeler la pertinence de détenir deux à quatre salaires de réserve en francs par mesure de sécurité sur vos comptes courants et/ou d’épargne.

L’or, éternelle valeur refuge, verrait son rendement moyen proche de 0%. Pictet souligne toutefois que si le populisme entrainait une baisse de la croissance, une augmentation de l’inflation et une dépréciation des monnaies, alors la demande en métal jaune serait plus forte et entrainerait son prix à la hausse. La protection est la raison pour laquelle vos portefeuilles contiennent de l’or.

J’espère ici vous apporter des éléments rarement diffusés et suffisamment accessibles pour votre portefeuille.

Si vous souhaitez approfondir ce sujet passionnant, vous trouvez ici la version abrégée de l’étude.

Si vous aimez cet article, je vous invite vivement à le partager avec vos amis, votre famille et vos collègues 😉

Raphaël