Patrimoine : penser global

Construire votre patrimoine du seul point de vue fiscal, en considérant seulement les rabais d’impôts obtenus, n’est de loin pas la meilleure approche.

Dans un article précédent, j’évoquais des solutions pour compléter votre retraite. Nous avions rappelé que l’épargne en 3e pilier, le rachat du 2e pilier et l’acquisition d’une résidence principale constituaient de bonnes réponses, mais restaient partiels. En effet, et bien que ces trois outils diminuent les impôts et les dépenses liées au logement, ils ne suffiront plus à l’avenir à combler 100% des lacunes de pension.

Au-delà de la retraite, ces instruments ne vous permettront pas de financer vos projets de moyen terme. L’utilisation des piliers est réglementée tandis que l’immobilier voit sa liquidité quasi nulle. Vous ne pourrez vendre des briques pour retirer quelques milliers de francs…

Penser global plutôt que fiscal

Je ne saurais que trop vous recommander de construire votre patrimoine d’un point de vue global et non fiscal (considérer l’épargne seulement en fonction des rabais d’impôts obtenus). C’est cet aspect de globalité que nous allons aborder aujourd’hui.

Beaucoup de personnes se contentent d’inscrire leur épargne dans le régime social des piliers et se retrouvent démunies face à des dépenses de moyen terme. Investir ainsi est certainement un bon point de départ pour le très long terme, mais le financement du cœur de la vie n’est pas assuré. Vos projets et ambitions de moyen terme peuvent coûter chers et ils habitent votre quotidien. Il n’y a pas que la retraite…

et éviter les dettes de consommation

Les principaux points à anticiper sont les études supérieures de vos enfants, le rachat de vos véhicules, et d’une façon générale tous vos projets personnels. Inscrivez-y ce que vous voulez ! Vos rêves, vos investissements à venir, vos grandes expériences, vos loisirs, vos mois ou vos années sabbatiques… Vous éviterez ainsi – du moins en partie – de recourir aux crédits à la consommation et aux leasings.

Notez que la scolarité supérieure d’un enfant en Suisse coûte en moyenne une centaine de milliers de francs sur 5 ans (toutes dépenses confondues). Bien développé aux États-Unis, le crédit étudiant prend de l’ampleur en Europe. En économisant suffisamment tôt, vous ne transmettrez pas cette dette à votre fils ou à votre fille.

Je vais aujourd’hui et dans les prochains articles m’attacher à discuter investissement et épargne liquide. Bien que notre point de départ soit « comment compléter votre retraite », vous verrez que ce sont également vos projets et vos objectifs personnels que vous pourrez sponsoriser au long des années grâce à cette épargne.

Se faire accompagner pour vos placements par un conseiller financier est vivement indiqué ici afin d’établir une planification la plus robuste possible en tenant compte de vos contraintes particulières.

La vision globale de votre patrimoine

Revenons à cette « vision globale ». La première étape que je recommande consiste à établir un bilan de votre patrimoine. Et comme « une image vaut mille mots », le dessin suivant pourrait être un bon commencement.

Simplifiez-vous la vie ! Vous ne vous appelez pas Coca-Cola ou Nestlé et n’avez pas besoin de tenir une comptabilité en partie double pour avancer.

L’illiquidité des outils de long terme

La partie de droite, non liquide, est constituée de vos 2e et 3e piliers ainsi que de l’immobilier. Ce dernier peut prendre la forme d’investissements locatifs ou des résidences principales et secondaires. C’est aussi l’endroit où l’on trouve la dette hypothécaire.

Outre le manque de disponibilité, il est généralement difficile de générer une rentabilité supérieure à 3% ou 5% par an sur le long terme. Votre 2e pilier par exemple, est astreint à une série de réglementations sur lesquelles votre employeur et les caisses de pensions ajoutent encore d’autres contraintes. Retenons que depuis 2017, et malgré un rendement honorable de 5,25% annuel, le Conseil fédéral maintient la rémunération minimale à 1%. La pression des lobbies est-elle devenue plus forte que celle du peuple ?

Pour ce qui est de l’immobilier, son manque de liquidité tient plus à sa nature qu’à sa réglementation. Vous pourriez cependant obtenir de l’argent supplémentaire en augmentant votre dette hypothécaire comme je l’explique ici.

La partie liquide du patrimoine

Nous en arrivons au thème majeur de l’article : l’investissement. La partie gauche du dessin représente vos réserves de liquidités à proprement parler ainsi que votre ou vos portefeuilles d’investissements.

Ces derniers sont principalement constitués de fonds de placements, d’actions, d’obligations, de métaux précieux, de fonds immobilier, de hedge funds ou de matières premières (particulièrement utile en ce moment pour compenser l’inflation). Nous approfondirons ce point dans les prochains articles.

Vous pouvez ajouter une troisième catégorie à votre capital (« + » dans le dessin) en intégrant des voitures anciennes, des œuvres d’art, des livres d’exception, une cave bien fournie ou encore une collection d’armes. Ces biens répondent à des marchés propres et sont divisibles, ce qui en fait à mon sens des actifs plus ou moins liquides.

Petit aparté sur les dettes

Les dettes levées sur le patrimoine forment un outil intéressant et mériteraient un article distinct. L’idée de base revient à emprunter de l’argent que l’on va rembourser dans le futur. C’est le cas typique de la résidence principale où vous donnez en garantie votre propriété en échange de la dette. Le second aspect d’ordre financier permet de faire levier sur un actif. C’est-à-dire, et pour faire simple, emprunter de l’argent à un taux inférieur à ce que l’actif va rapporter.

Ce dernier peut être un bien de rendement, un titre (action, obligation…) ou un portefeuille d’investissements. Vous payerez ces crédits dits « lombards » plus chers que votre prêt hypothécaire et moins chers que des crédits à la consommation. Hormis l’aspect gain, vous avez la possibilité de dégager des liquidités supplémentaires pour réaliser un projet annexe sans avoir à vendre votre actif.

La prudence demeure lorsque l’on parle de dette. Outre l’attention à prêter au levier de votre portefeuille et de votre patrimoine, vous devriez vous méfier des taux d’emprunt. Le niveau de levier pourrait devenir problématique si la volatilité de votre portefeuille devenait trop forte. Par exemple, votre portefeuille perd 20% de sa valeur et le créancier vous demande de réduire l’endettement de 20%, ce sont les fameux « appels de marge ». Dans le cas d’une hausse des taux, vous pourriez devoir réduire votre train de vie pour payer les intérêts élevés ou vendre vos actifs. Vous avez sans doute remarqué que les taux d’emprunt grimpent depuis le début de l’année…

Utilité de la vision globale

Une fois vos chiffres posés, vous pouvez commencer à tirer des observations. Vous pouvez maintenant définir le montant de votre fortune brute (montant total de votre patrimoine), puis de votre fortune nette en retranchant les dettes à la fortune totale.

Si votre fortune brute vaut 1 million de francs, et que votre dette hypothécaire se monte à 800’000.-, vous disposez d’une fortune nette de 200’000.-. Ce dernier chiffre correspond – à condition de marché stable – à ce que vous obtiendriez en « cash » si vous vendiez tous vos avoirs.

Vous vous attacherez à noter le niveau de rendement moyen (passé ou attendu) de vos actifs et de votre patrimoine, que vous pourrez comparer aux coûts d’emprunt.

Vous pouvez aller plus loin en définissant le ratio de dette globale (dette / fortune brute) ou le ratio d’endettement (fortune nette / fortune brute). Ce sont de bons indicateurs. Ils vous aideront à établir le degré de dépendance de votre patrimoine aux prêteurs. Autant il est normal d’avoir un pourcentage de dette globale de 80% lors de l’achat de sa résidence principale vers 35-45 ans. Autant conserver ce ratio à long terme – sans épargner – peut se révéler dangereux pour les raisons évoquées plus haut. Ceci est encore plus vrai à l’aune de la retraite lorsque vos revenus baisseront.

Même si je ne peux généraliser, mon conseil pour « Madame et Monsieur tout le monde » serait d’atteindre rapidement un ratio de dette sur fortune brute de moins de 50%, avec comme objectif la capacité d’effacer une très grosse partie de l’emprunt hypothécaire à la retraite. Ceci sera possible soit en remboursant directement la dette, soit en épargnant d’ici là. Notez que le niveau d’emprunt sur la résidence principale ne pourra excéder les 2/3 de son évaluation (66,6%) à la retraite.

Illustrons brièvement le risque du levier :

Si l’ensemble de votre fortune est nantie (donnée en garantie au prêteur) et endettée à hauteur de 80%, vous seriez ruiné avec une perte de 20%. À une échelle plus petite, si votre maison est endettée à 80% et que son prix de marché baisse de 20%, vous devrez piocher dans le reste de votre patrimoine (liquidités, investissements, 3e piliers, 2e piliers, etc.) afin d’amener le crédit dans les clous des 80% de la nouvelle valeur du bien.

Arrivé à ce stade, vous profitez d’une photo globale de votre patrimoine. Vous en connaissez les revenus et les charges. Vous vous serez probablement renseigné sur la valeur de marché de votre maison, et vous savez si vos emprunts méritent d’être diminués ou augmentés. Nous verrons dans le prochain article comment introduire vos objectifs de vie tout en considérant les notions d’horizon de temps.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur la finance, l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.

De l’importance des réserves de liquidités

Beaucoup d’entreprises, qui possèdent de belles perspectives à moyen et à long terme, s’écroulent parce qu’elles n’ont pas constitué suffisamment de réserves de liquidités pour faire face aux défis de court terme.

Tout comme les entreprises, un ménage doit idéalement conserver sur ses comptes courants et en cash (non investi), deux à quatre mois de réserves auxquels il faut ajouter les dépenses certaines des trois prochaines années.

Un célibataire ou un jeune couple pourra se contenter de deux mois de réserves tandis qu’une famille ou un propriétaire privilégiera les quatre mois.

facile et rapide

Une méthode simple pour estimer le montant de vos réserves de liquidités peut être de prendre votre salaire net (versé sur le compte), puis d’en déduire le montant des impôts et de l’épargne avant de multiplier le résultat obtenu par deux ou par quatre.

Pour ce qui est des dépenses certaines des trois prochaines années, vous pouvez par exemple inclure le rachat d’une voiture ou d’un nouveau logement, le remplacement de la chaudière ou les frais médicaux non remboursables par les assurances.

L’intérêt de constituer des réserves est de vous apporter de la sérénité et de vous permettre de dormir tranquillement. En effet le reste de votre patrimoine est investi et est donc soumis à fluctuation.

juste ce qu’il faut

Veillez à ne pas tomber dans le piège inverse en gardant plus de liquidités que nécessaire.

Non seulement, ces dernières ne pourront travailler sur le moyen et le long terme, mais pire, elles perdront la valeur de l’inflation additionnée des frais de la banque et de l’impôt.

Si vous détenez actuellement un portefeuille d’investissement, pensez à vérifier l’état de vos réserves de liquidités et à les compléter en sortant le montant nécessaire depuis vos placements. Les marchés financiers ont bien récupéré depuis le mois de mars et le moment s’y prête bien.

Pour aller plus loin, vous pourriez avoir envie de lire « Que mettre dans votre patrimoine« 

Coronavirus : indépendants face au manque de liquidités

L’arrêt de l’activité empêche un grand nombre d’indépendants de percevoir ses revenus. La gestion de la trésorerie à court terme est un problème récurrent qui doit être anticipé.

Aujourd’hui, le coronavirus limite nos activités. Une grande partie des indépendants ont réduit leur temps de travail ou ont tout « simplement » tiré le rideau pour une période indéterminée. J’aimerai leur apporter une aide à mon niveau pour la gestion de leurs liquidités.

Dans une phase de stress aussi élevé, détenir suffisamment de liquidités est primordial.

Constituez deux à quatre mois de réserve

Qu’ils soient indépendants ou non, mes clients ont droit à ma litanie sur les réserves de cash qu’ils devraient se constituer pour les coups durs. Je leur recommande de détenir, sur leurs comptes courants ou épargne, deux à quatre mois de dépenses, nets de charges sociales et d’impôts.

Une personne seule ou un jeune couple sans enfant pourra se contenter de deux mois de réserves tandis qu’une famille ou un propriétaire devrait disposer de quatre mois de liquidités. Il faudrait également ajouter les dépenses certaines des prochains 36 mois, comme le remplacement d’une chaudière ou l’achat d’une nouvelle voiture.

Vous devriez appliquer cette règle en tant qu’indépendant, mais également en tant que salarié. En effet, si la crise devait se prolonger, tous seraient concernés par des baisses de revenus, du chômage partiel, voir par la perte d’activité.

En « temps normal », ces liquidités peuvent servir à payer des franchises élevées de caisse maladie, des dégâts dans la maison ou sur la voiture ou encore un mois de chômage sans salaire.

Bref, c’est un matelas de sécurité.

Depuis la fin février, les émotions se succèdent et s’amplifient au fur et à mesure des nouvelles peu rassurantes. L’une des inconnues est la durée de la crise.

À l’heure où j’écris ces lignes, la Suisse restreint nos libertés pour un mois. Mais le Conseil fédéral, de son propre aveu, apprend tous les jours et ne peut être affirmatif sur la suite des événements.

Pour vous aider à voir plus clair dans vos dépenses, je vous propose ici de remplacer les émotions par de la rationalité.

Faire un budget

En premier lieu, réalisez un budget. C’est le seul élément tangible et logique qui va vous permettre de prioriser vos dépenses.

Deux raisons plaident à l’établissement d’un budget : déterminer la part d’épargne disponible chaque mois afin de l’investir et définir le montant des dépenses mensuelles. Ces dernières permettent de fixer le niveau des réserves nécessaires (liquidités sur les comptes).

En multipliant la somme des dépenses mensuelles par deux ou quatre, vous déterminez le montant à mettre de côté.

Aujourd’hui il est évidemment trop tard pour constituer vos réserves. Toutefois, le budget devrait vous permettre d’y voir plus clair.

Je vous fournis quelques astuces ici :

  • Prenez 15 minutes avec votre conjoint. N’y consacrez pas plus de temps. Ici, vous devez simplement obtenir une idée cohérente de vos besoins mensuels.
  • Certains postes de dépenses peuvent vous sembler difficiles à évaluer. Réfléchissez en termes de semaine (pour les courses), de saison (pour les habits) ou établissez la moyenne des trois dernières années pour les vacances. De toute façon, nous ne pouvons plus partir en vacances 
  • Mensualisez vos dépenses en les divisant par 12 mois.
  • N’oubliez pas les impôts. 🙁

Vous trouvez un modèle de budget en cliquant sur l’image.

Cliquez sur l’image pour télécharger le modèle Excel

Prioriser et éliminer les dépenses

Votre budget est fait ? Très bien. Étant donné que « nous sommes en guerre », comme dirait l’autre, il convient de hiérarchiser vos charges.

Les frais ménagers (courses) viendront évidemment avant les acomptes d’impôts, tout comme le loyer passera devant le renouvellement de l’abonnement de train.

En temps normal, le budget permet de repérer les dépenses inutiles. Profitez du temps contraint mis à disposition pour réaliser cet exercice. Et j’imagine qu’aujourd’hui beaucoup de choses vont nous sauter aux yeux comme étant superflues.

Éliminez ces dépenses superflues 😉

Reporter les dépenses

Maintenant que vous connaissez vos dépenses mensuelles, mettez-les en opposition avec vos réserves de liquidités. En vous mettant face à la réalité, vous vous trouverez rassurés ou inquiets.

Si le niveau de vos liquidités reste inférieur à deux mois, et que vous disposez de patrimoine liquide tel que des actions, des obligations ou des fonds de placement, désinvestissez-en une partie afin de les transformer en liquidités.

En priorisant des paiements, vous décidez sciemment d’ajourner certaines factures. Retenez que cela peut vous coûter de l’argent… plus tard !

Ne pas régler ses relevés de cartes de crédit ou ses acomptes d’impôts peut entraîner une majoration des intérêts.

Nous espérons tous ici une annulation totale des intérêts moratoires pour l’année fiscale 2020 ainsi que des conditions d’assouplissement exceptionnelles pour le paiement des impôts. À bon entendeur.

Pensez aussi à ne plus rien acquitter avant l’échéance. Payez vos factures à la limite des échéances !

Anticiper et demander des reports de paiements

Sollicitez également vos fournisseurs pour différer les paiements. Beaucoup vous offriront des délais supplémentaires seulement si vous les leur demandez 😉

Les gens et les entreprises se révèlent souvent pendant les périodes troubles. Par exemple, certains opérateurs téléphoniques pratiquent des gestes commerciaux suite à la propagation du virus et d’autres non… Souvenez-vous en quand tout sera revenu à la normale.

Faire un tableau des flux de liquidités

Vous pourriez également utiliser le tableau de flux de trésorerie que vous trouvez ci-dessous. Il vous permettra de mieux gérer vos disponibilités actuelles et futures.

En tant qu’indépendant, vous êtres probablement en attente de quelques créances à recevoir dans les prochains jours. Pensez à contacter vos clients afin de voir s’ils seront en mesure de vous payer. Cet argent viendra alors compléter vos liquidités.

Cliquez sur l’image pour télécharger le modèle Excel

Demandez SANS ATTENDRE de l’aide à l’état

Enfin, réclamez sans attendre les subventions auxquelles vous avez droit. Que vous deviez réduire le temps de travail de vos employés ou vous assurer un revenu, la Confédération et les cantons ont sorti l’artillerie lourde pour soutenir les indépendants et les entreprises. Il serait dommage et parfois préjudiciable de passer outre

L’Office fédéral des assurances sociales et les caisses de compensation seront vos interlocuteurs. La demande risque d’être longue et fastidieuse malgré l’allégement des démarches promis. C’est la raison pour laquelle vous devez agir maintenant !

Pour vous aider dans ce labyrinthe administratif, je joins quelques liens que j’ai glanés sur internet mais ils ne sont en aucun cas exhaustifs.

Office fédéral des assurances sociales

Secrétariat d’État à l’économie SECO

État de Vaud

Etat de Genève

Fédération des Entreprises Romandes

L’ordonnance « coronavirus »

Dans l’attente de jours meilleurs, je vous souhaite du courage et de la force pour vaincre cette période.

Prenez soin de vous et de vos proches.