Lors du dernier article sur la retraite suisse, nous avons vu que choisir un poste de travail moins rémunérateur mais avec une meilleure caisse de pension peut être le bon choix. Voyons aujourd’hui comment vous pouvez utiliser votre deuxième pilier pour baisser vos impôts 🙂 grâce aux rachats et pour financer votre résidence principale.
L’article peut vous paraître long… j’espère ici vous apporter un maximum de valeur. Vous serez alors incollable sur l’utilisation du deuxième pilier. 😉 Bonne lecture !
Je rachète ma caisse de pension et je baisse mes impôts
Un
montant de « rachat » correspond à la différence entre le capital que
vous avez accumulé aujourd’hui et ce qu’il y aurait dans votre caisse si vous
aviez toujours eu les conditions d’épargne et de salaire que vous avez actuellement,
et ce depuis vos 25 ans. C’est à cet âge que l’on commence à épargner dans le
deuxième pilier.
Pour
étayer mes propos, imaginez que vous avez 40 ans et que vous rejoignez une
nouvelle entreprise avec un salaire de CHF 150’000.- annuel. Votre capital de
deuxième pilier transféré depuis votre ancienne caisse se monte à 86’000.-.
Votre ancien employeur vous permettait de cotiser au minimum légal alors que
votre nouvel employeur fait tout le contraire : pas de plancher et de
plafond sur le salaire assuré et des bonifications de vieillesse largement
supérieure à la loi.
Vous
découvrez sur votre relevé de caisse de pension que le montant de rachat
possible est de 243’500.-. Cela signifie que si vous aviez travaillé à salaire
égal et à caisse de pension égale dans cette entreprise depuis vos 25 ans, vous
auriez dans votre caisse 329’500.- (la somme de votre apport de 86’000.- et du
rachat possible de 243’500.-).
Vous pouvez donc ajouter (racheter) ce montant de votre poche dans votre caisse puis le déduire entièrement de votre revenu imposable.
Certaines
caisses (généralement dans les grandes entreprises) permettent également de
financer une retraite anticipée allant jusqu’à 5 ans avant l’âge légal (donc 59
ans pour les femmes et 60 ans pour les hommes). Le but ici est de maintenir le
niveau de la rente entre ces 5 ans anticipés et la retraite
« normale ». Pour avoir droit à ce rachat, il faut avoir complété les
lacunes du rachat correspondant à l’âge légal. Ensuite, vous aurez le droit de
financer / racheter les années de retraite anticipée et de déduire les montants
de votre revenu imposable.
Quelle économie d’impôt pour un rachat ?
Alors
vous allez sans doute me demander combien d’impôts vous pouvez
économiser ? Et je n’ai pas de réponse toute faite car cela dépend de
votre situation fiscale.
Cette
dernière est influencée par plusieurs facteurs et notamment votre canton et
votre commune de résidence, l’ensemble de vos revenus (revenus du travail et du
patrimoine) et encore de votre situation familiale (marié, célibataire, nombre
d’enfants).
Les
notions à comprendre lorsque l’on parle d’économie d’impôt et que vous devriez
connaître – si vous souhaitez réduire vos impôts – sont le taux moyen et le
taux marginal d’imposition. En Suisse, l’impôt est progressif et fonction du
revenu.
Un exemple d’économie d’impôts
Imaginons
que notre quadra, cité plus haut, forme un couple marié et vit à Lausanne, avec
deux enfants. Le couple gagne 180’000.- brut annuel et paye 25’811.- d’impôt à
l’année. Ces 25’811.- représentent le
taux moyen d’impôt de 14.4% des revenus (25’811/180’000).
Imaginons
maintenant que notre couple augmente ses revenus de 1’000.- par an. Leurs
impôts augmenteront à 26’057.-. Cette hausse de 245.- appliquée sur les 1’000.-
de revenu nouveau revient à 24.5%. Ce taux est le taux marginal d’imposition. Il fonctionne dans les deux
sens : si notre couple réduit son revenu de 1’000.- en rachetant sa caisse
de pension, il économisera 245.- d’impôts ou 24.5% du montant racheté.
Retenez
que plus le montant racheté sera petit
et plus votre économie d’impôt sera proche de votre taux marginal. A
l’inverse plus le montant sera élevé et proche de votre revenu annuel et plus
vous économiserez votre taux moyen.
(Vous souhaitez connaître votre taux marginal ? Rencontrons-nous : raphael.battu@maretraite.ch).
L’erreur à ne pas commettre !
Une
erreur à faire serait de racheter sur une seule année sa caisse de pension. Si
je reprends l’exemple de notre salarié de 40 ans qui peut racheter 243’500.-, en
le faisant sur une seule année, il économisera 25’811.-. Cela n’est pas
judicieux car il économisera « seulement » ce montant de 25’811.-
correspondant à 10.6% du rachat (25’811/243’500).
Il vaudrait
mieux pour lui étaler son rachat sur 20 ans en épargnant 12’175.- chaque année
et ainsi économiser 2’654.- d’impôts par an. Cette économie correspond à 21.8%
de rabais fiscal et forme après 20 ans 53’080.- soit deux fois plus !
Ceci est
d’autant plus vrai que son taux d’impôt devrait grimper au fur et à mesure que
son revenu augmente dans le temps.
Avant de
procéder à un rachat, souvenez-vous qu’une fois que l’argent est
« mis » dans votre caisse de pension, son retrait sera restreint aux
cas suivants : la retraite légale (homme 65 ans,
femmes 64 ans) ou cinq ans avant, l’achat de votre résidence principale, le
remboursement de votre dette hypothécaire, des travaux dans la maison, un
départ définitif à l’étranger ou encore pour vous mettre à votre compte comme
indépendant.
Si vous souhaitez plus d’informations et une explication illustrée par trois cas pratiques, je vous renvoie ici à mon article sur le rachat de la caisse de pension.
Le
capital de 2e pilier peut donc être utilisé pour financer sa résidence principale.
Voyons cela.
Utiliser sa caisse de pension pour acheter sa résidence principale… et plus
Acheter
la maison de ses rêves est le souhait de nombreuses personnes en Suisse.
Toutefois, les prix sont très élevés et le niveau de fonds propres exigé peut
vite se révéler un handicap.
Les établissements
financiers demandent un apport minimum en fonds propres de 20% du prix
d’acquisition auquel il faudra ajouter les taxes diverses – les fameux frais de
notaire – pour environ 5% du prix d’acquisition.
Le
deuxième pilier représentant une part importante du patrimoine pour beaucoup de
Suisses, les fonds propres des nouveaux acquéreurs ont été financés pendant de
nombreuses années par un retrait total ou partiel de leurs caisses de pension.
Seuls les 5% de taxes étaient financés avec des liquidités.
La règle des 10%
Dans un
environnement de prix haussier et de taux d’emprunt bas, l’Autorité fédérale de
surveillance des marchés financiers (FINMA) a introduit à l’été 2012 une règle fixant
à 10% la part de fonds propres NE POUVANT
VENIR de la caisse de pension – que ce soit un nantissement ou une sortie
de fonds.
Pour
faire simple, vous devez financer en liquide ou/et en 3e pilier au
moins 10% de votre achat. Le reste de vos fonds propres peuvent venir de votre
caisse de pension.
Cette règle a été introduite pour limiter la faillite des acquéreurs en cas de variation des deux facteurs principaux régissant le marché immobilier : 1. les prix de l’immobilier fluctuent dans le temps et une baisse de ces derniers pourrait entraîner une perte des fonds propres (et donc des avoirs de retraite) mettant en danger financier les propriétaires tant à la retraite qu’au moment de la baisse du marché (les prêteurs pouvant exiger un remboursement pour combler la différence de prix) et 2. grâce aux taux d’emprunt bas, une part plus importante de la population a pu devenir propriétaire. Si les taux remontaient, une partie d’entre eux pourrait se trouver en difficulté pour traiter leur dette.
Attention,
il ne faut pas mal interpréter la règle : je vois trop souvent des
acheteurs qui pensent ne pas pouvoir utiliser plus de 10% de leur deuxième
pilier ou qui croient devoir limiter leur retrait à 10% du prix d’acquisition.
Si vous souhaitez par exemple investir 50% de fonds propres, vous pouvez tout à
fait mettre 10% en provenance de vos liquidités et 40% en provenance de votre
caisse de pension. Vous pouvez aussi vider totalement votre caisse de pension.
Ce dernier choix ne serait généralement pas judicieux à 45 ans, mais à l’âge de 30 ans, son impact sur la retraite future reste limité.
Et les jeunes dans tout ça ?
Les
jeunes générations pourraient légitimement critiquer cette règle dont l’absence
pendant de nombreuses années a permis aux générations précédentes de devenir
propriétaire sans épargner « plus » que le minimum légal via la
caisse de pension. Ajouté à l’explosion des prix dans l’ancien sur les deux
dernières décennies, il devient clairement très compliqué de devenir
propriétaire pour les jeunes générations, sauf à hériter d’un bien familial.
Rembourser la dette de sa résidence principale et y faire des travaux grâce au deuxième pilier
Notez que vous pouvez également utiliser votre deuxième pilier pour rembourser totalement ou partiellement la dette de votre résidence principale. Il faut bien évidemment rester dans le cadre des 10% de fonds propres en liquide et/ou en 3e pilier.
Une
seconde règle édictée en 2014, toujours par la FINMA, impose de diminuer la
dette aux 2/3 du prix d’acquisition 15 ans après l’achat et au plus tard à la
retraite.
Vous
pouvez aussi financer des travaux avec votre caisse de pension. Seuls des
travaux à plus-value seront acceptés par votre caisse. Un conseil ici – à
condition que vous ayez suffisamment de temps d’ici à la retraite et que votre
dette reste raisonnable au regard de votre situation globale – pourrait être de
combiner un emprunt bancaire (en augmentant votre dette globale) à un retrait
ou à un nantissement de votre caisse de pension.
Une
plus-value est l’ajout d’un élément par rapport à l’existant. Par
exemple : vous avez du simple vitrage et vous souhaitez financer du double
ou triple vitrage. Le montant équivalent au remplacement du simple vitrage
devra être pris en charge par des liquidités (éventuellement la banque, si elle
est d’accord) puis le surcoût lié à la pose du double ou triple vitrage
pourrait venir de votre deuxième pilier. A savoir que la règle sur la
plus-value vaut aussi pour le troisième pilier.
Une mise en garde
Si vous prévoyez de grands travaux afin d’avoir une maison « comme neuve » et sans souci en vue de votre retraite, planifiez cette dernière correctement et suffisamment tôt avant de ponctionner votre caisse de pension. En effet, moins vous aurez de capital à la retraite dans votre deuxième pilier, moins vous aurez de rente et votre faisabilité bancaire pourrait en pâtir drastiquement. Ainsi et afin de maintenir votre dette à la retraite, vous pourriez être obligé de rembourser plus de dette que ce que vous aviez imaginé. En l’absence de réserves de liquidités suffisantes, vous pourriez dire au revoir à votre résidence principale.
Il peut être utile de se faire conseiller !
Un cas pratique pour combiner rabais d’impôts et achat de sa résidence principale
Prenons
le cas de notre famille cité plus haut. Ils ont 40 ans, deux enfants et vivent
à Lausanne. Mettons qu’ils souhaitent acheter leur résidence principale d’ici à
dix ans.
Ils
imaginent financer leur maison par un mix regroupant des liquidités, du 3e pilier et du 2e pilier.
Notre
salarié dispose d’un rachat maximum possible de 243’500.- au sein de sa caisse
de pension et il souhaite s’en servir en partie afin de construire ses fonds
propres et pour réaliser un gain fiscal sur les prochaines années.
Notre
famille est prête à épargner 20’000.- par année. Ce montant leur procurera
environ 5’460.- d’économie d’impôt annuelle, augmentant d’autant leur capacité
d’épargne !
Ils se
limiteront à un rachat annuel pendant les sept prochaines années. En effet, une règle fiscale ne permet pas de racheter
les trois dernières années précédant un retrait. Cela est assimilé par le fisc à
une évasion fiscale.
Au bout
des 10 ans, ils auront accumulé 167’459.- de capital (intérêts moyen de 3%
annuel compris) dans le deuxième pilier et auront économisé 38’220.- d’impôts.
Ils
payeront un impôt de sortie sur le capital d’environ 12’900.- leur laissant un
montant net de 154’559.-.
Vous
pouvez suivre le même type de schéma avec la planification de vos travaux ou le
remboursement de votre dette hypothécaire. En bonus, vous pourrez déduire
fiscalement le montant des travaux d’entretien de votre revenu. Les plus-values
sont quant à elles déduites de votre gain immobilier lors de la vente de
l’immeuble.
En conclusion
Bien que
le but principal du deuxième pilier soit de financer la retraite, vous pouvez,
selon vos objectifs et la phase de vie que vous traversez, vous en servir aussi
bien pour économiser des impôts que pour construire votre patrimoine immobilier
ou financier. In fine, vous récupérerez votre capital ou votre rente au plus
tard à la retraite.
Il
serait dommage d’oublier votre deuxième pilier, comme beaucoup de gens, et de
ne pas s’en servir avant vos 64/65 ans !
La
semaine prochaine, nous verrons que le baby boom et les taux négatifs pèsent
sur le deuxième pilier. Nous aborderons les probables limites que subira la
prévoyance professionnelle à l’avenir. Cela nous permettra de discuter du troisième
pilier.
Si l’un de vos collègues, amis ou membre de votre famille vous bassine avec l’achat de sa résidence principale ou vous questionne sans cesse sur comment économiser des impôts grâce au rachat du deuxième pilier, partagez lui cet article ! Vous gagnerez du temps et lui rendrez un chouette service 😉