Rééquilibrer votre patrimoine après votre achat immobilier

Vous venez d’acheter votre résidence principale et votre patrimoine ressemble plus à un champ de bataille qu’à un serviteur en ordre de marche ?

C’est le moment parfait pour « penser long terme ». Dans 10 ans, 15 ans ou 20 ans, vous devrez faire face à l’échéance de votre dette. Deux inconnues se présenteront à vous : l’évolution du niveau des taux d’emprunt et des prix du marché immobilier.

Ces deux facteurs pourront influencer positivement ou négativement votre rythme de vie (budget mensuel) et votre patrimoine.

L’avenir, cet inconnu

Prenons un coût d’emprunt hypothécaire qui reviendrait à sa moyenne historique des 170 dernières années, soit 4.5% au terme de votre contrat. Dans ce cas, votre charge d’intérêts serait multipliée par trois ou quatre en comparaison du niveau actuel. Si dans le même temps vous faites « face » aux études de vos enfants ou au début de votre retraite (probablement 50% de revenu en mois), ce serait vite la galère. Vous devriez rogner sur votre épargne ou sur l’un ou l’autre poste de votre budget (vacances, voiture, sorties, habillement, etc.).

Une solution pour conserver un train de vie stable consisterait à rembourser les trois quarts de votre emprunt. Dans la réalité, vous arbitreriez certainement entre un remboursement anticipé et une hausse des coûts hypothécaires. Je vous laisse effectuer le calcul pour votre situation. Avec un facteur 4 et une dette de 800’000.-, vous devriez amortir 600’000.- pour maintenir inchangé votre rythme de vie.

L’effet ciseau : taux d’emprunt / prix de marché immobilier

Voyons maintenant l’effet de l’autre inconnue, à savoir l’évolution des cours de l’immobilier. Si les prix montent : pas de problème, vous pourriez même emprunter plus ! C’est notamment la réalité pour ceux qui ont acheté il y a dix à vingt ans. Dans le cas contraire, si les prix affichent -30% ou -40% (scénario extrême, il faut bien le préciser) à l’expiration de votre crédit, vous pourriez vous retrouver handicapé. Ce phénomène n’a rien de grave à long terme, mais si l’année 1992 se pointe pile au renouvellement de votre dette, votre créancier vous demandera de diminuer votre prêt avant de discuter d’une possible prolongation hypothécaire du montant restant.

Un exemple simple : mettons que vous avez acquis récemment votre maison 1 million de francs grâce à un emprunt de 800’000.-, soit le maximum généralement admis de 80%. L’effet de levier fonctionne ici en sens inverse. Avec un marché inférieur de 30%, vous devriez rembourser 240’000.- pour revenir dans « les clous » des 80% avant de pouvoir espérer proroger le crédit restant de 560’000.-. Votre prêteur pourrait vous demander de rembourser cette différence, et ce, même avant l’échéance de votre contrat. C’est ce qui s’est produit aux États-Unis pendant la crise des subprimes et en Suisse dans les années 1990. C’est d’ailleurs inscrit dans les petites lignes des crédits hypothécaires.

Notez que ces deux phénomènes peuvent avoir lieu en même temps puisque les hausses de taux ont comme effet de mettre sous pression les emprunteurs hypothécaires et donc par effet domino les prix de l’immobilier. Au vu du niveau actuel des taux, ce scénario n’a rien d’hypothétique.

L’importance des réserves de liquidités

Maintenant que vous savez quoi anticiper à long terme, il convient d’auditer votre patrimoine après l’achat et les derniers travaux. Vous devez remettre de l’ordre.

Le plus urgent consiste à reconstruire vos réserves de liquidités. Vous trouvez un article sur le sujet ici. Retenez qu’une réserve équivalente à quatre mois de dépenses hors impôts et charges sociales suffit à faire face aux pépins courants. Je vous recommande d’y ajouter les frais probables des deux ou trois prochaines années (chaudière, voiture…).

Une fois votre épargne de sécurité reconstituée, vous redevenez libre de vous orienter vers le moyen et le long terme.

Disponibilité versus immobilier

En injectant tout ou partie de votre patrimoine dans votre résidence principale, vous avez transformé certains avoirs très liquides (cash, portefeuille d’investissement…) en actif immobilisé (c’est-à-dire votre résidence ou votre appartement). Vous ne pourrez pas vendre quelques pierres de la maison pour récupérer des francs suisses en cas de besoin.

C’est le moment pour recommencer (ou commencer) un plan d’épargne. Ce dernier aura le mérite d’être rentable et mobilisable rapidement. Des fonds de placements, des actions, des obligations, des métaux précieux ou des matières premières peuvent le constituer.

Outre la disponibilité et le rendement, vous aurez l’avantage de diversifier votre fortune.

Ray Dalio, le fondateur de Bridgewater Associates, fonctionne avec des principes clairs de diversification. A son image, une de mes règles en investissement consiste à limiter le poids d’un secteur (immobilier ici) à 75% au maximum de tout mon patrimoine. À vous de fixer votre propre norme « sécuritaire ». Dans ce cadre 75/25, je serai théoriquement en mesure de résister à une baisse des prix immobiliers de l’ordre de 30%.

Retenez ici que si une grosse partie de votre patrimoine manque de liquidité, vous devriez prioritairement le diversifier avec des actifs non corrélés, rentables à long terme et disponibles en tout temps.

Le systématisme et la vision à long terme

Rome ne s’est pas construite en un jour… et l’épargne que vous avez accumulée pendant de nombreuses années avec comme objectif de devenir propriétaire est, en quelque sorte, à recommencer. Réjouissez-vous : tout continue maintenant. Acheter son habitation est le palier le plus difficile, car le « ticket d’entrée » est élevé en Suisse. Grâce à la « baisse de loyer » que vous avez normalement réalisée en devenant propriétaire, vous devriez directement passer à la deuxième étape de votre plan « liberté » : vous émanciper rapidement de votre prêteur.

La quasi seule façon de vous construire un patrimoine en recommençant à « zéro » est d’épargner systématiquement, mois après mois. Le principal avantage de cette stratégie est de faire fi des aléas émotionnels liés à notre propre nature ou à des facteurs externes tels que la volatilité des marchés financiers.

Pour conclure, je vous invite évidemment à vous faire coacher par un planificateur financier neutre et indépendant. Faire appel à un conseiller financier n’est pas une question de taille de patrimoine, mais plutôt une « envie d’éviter certaines erreurs ». Votre coach pourra vous accompagner pour trouver votre hypothèque, mettre en place le plan d’amortissement exigé par le prêteur et vous aider à construire de manière optimale votre patrimoine sur le long terme.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur la finance, l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.

Les dix prochaines années selon Pictet

Les gestionnaires de fortune de la banque privée Pictet ont publié une étude portant sur les rentabilités qu’ils attendent pour la décennie à venir.

En début d’année, les gestionnaires de fortune de la banque privée Pictet ont publié une étude nommée Horizon, portant sur les rentabilités qu’ils attendent pour la décennie à venir.

Je vous propose ici d’en extraire les idées fortes, et d’inclure par petites touches mes commentaires.

Je ne suis habituellement pas fan des prévisions, préférant lire le passé pour pouvoir estimer le futur. Mais accepter d’autres regards est toujours source d’élargissement de la pensée. Évidemment, Pictet se base aussi sur les rendements et les événements passés pour étayer ses prévisions.

Les gestionnaires articulent leur travail autour des quatre facteurs suivants : innovation, populisme, données démographiques et changement climatique.

L’innovation sera source de croissance

Ils sont convaincus que l’innovation sera source de croissance pour l’avenir et sera diffusée à tous les secteurs de l’économie. Ils estiment aussi que la croissance pourrait se voir limiter par le populisme.

L’inflation (baisse du pouvoir d’achat / hausse des prix) future est estimée inférieure à 2%, comme pour les quinze dernières années. Un chiffre plus élevé pourrait également être une conséquence du protectionnisme.

Les deux conclusions majeures de l’étude sont que le rendement moyen de toutes les classes d’actifs (immobilier, actions, obligations, immobilier, métaux précieux…) sera probablement inférieur à ce qu’il a été depuis 1950 et que Pictet ne croit pas à une stagnation séculaire mais plutôt à une croissance tirée par les innovations.

Les classes d’actifs traditionnelles, que sont les emprunts d’États (obligations) américains et d’Europe de l’Ouest (y compris la Suisse), réputés sûrs par le passé, verront probablement leurs rendements rester proche des 0%, voire devenir des intérêts négatifs (en Suisse, ils se situent actuellement à -0.9% par année).

Cela ne semble pas être le cas pour les emprunts des pays émergents ou des entreprises, attendus dans une fourchette de 3% à 5%.

Les actions devraient rester les actifs les plus rentables

Les actions devraient rester les actifs les plus rentables avec une moyenne annuelle proche des 6%. Il existe une grande hétérogénéité des actions selon la taille des entreprises ou leur emplacement géographique. Ainsi, les rendements attendus pour les pays émergents asiatiques devraient être supérieures à 7%, les petites & moyennes entreprises en Europe et aux USA devraient tourner aux environs de 6% et les grandes compagnies autour de 5%. Le private equity, malgré son inconvénient de manque de liquidité, pourrait aller chercher dans les 9% de moyenne.

Les actions restent donc, comme par le passé, la classe d’actif à privilégier.

Les portefeuilles que je recommande sont généralement composés de 40% de petites et moyennes entreprises en Europe, en Suisse et en Asie émergente et un autre 40% est dédié aux grandes entreprises en Europe et aux USA. Le solde étant composé d’actions d’entreprises actives dans les domaines de l’innovation et des énergies alternatives, d’or physique en couverture de crise ou de récession, d’un peu de liquidités et d’obligations.

Ce mix reste, il me semble, pertinent pour dégager un rendement suffisant tout en se protégeant d’un événement extérieur, qu’il soit politique (protectionnisme, conflit) ou économique (remontée des taux et récession par exemple), les deux étant intimement liés.

Un autre avantage que je vois à détenir des petites et des grandes entreprises et qu’elles ne réagissent pas de manière identique en cas de hausse ou de baisse des marchés. Ainsi, nous pouvons profiter des cycles haussiers et baissiers en allégeant la part des grandes entreprises pour racheter les petites et inversement.

Quid du cash et de l’or ?

Les rentabilités des liquidités (USD, EUR et CHF) sont attendues comme maigres ou nulles. Pictet ne les recommande que comme « instrument temporaire ». J’en profite pour rappeler la pertinence de détenir deux à quatre salaires de réserve en francs par mesure de sécurité sur vos comptes courants et/ou d’épargne.

L’or, éternelle valeur refuge, verrait son rendement moyen proche de 0%. Pictet souligne toutefois que si le populisme entrainait une baisse de la croissance, une augmentation de l’inflation et une dépréciation des monnaies, alors la demande en métal jaune serait plus forte et entrainerait son prix à la hausse. La protection est la raison pour laquelle vos portefeuilles contiennent de l’or.

J’espère ici vous apporter des éléments rarement diffusés et suffisamment accessibles pour votre portefeuille.

Si vous souhaitez approfondir ce sujet passionnant, vous trouvez ici la version abrégée de l’étude.

Si vous aimez cet article, je vous invite vivement à le partager avec vos amis, votre famille et vos collègues 😉

Raphaël