Immobilier : faut-il rembourser votre dette hypothécaire ?

Avez-vous un intérêt à rembourser votre dette hypothécaire d’ici à la retraite et quels risques courez-vous à ne pas le faire ? Si vous aimez l’article, partagez-le !

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Une maison sur le lac léman avec une dette hypothécaire à rembourser

En Suisse, nous sommes habitués à ne rembourser que partiellement nos dettes immobilières, et vous, remboursez-vous votre dette hypothécaire ? Que se passerait-il si nous assistions à une hausse des taux d’intérêts ou à une baisse des prix de l’immobilier ? La question est moins de savoir si l’un de ces événements se produira que de décider si vous êtes capable d’affronter une telle situation.

Les études montrent que plus de 80% des prévisions économiques s’avèrent a posteriori erronées. Dès lors, il ne s’agit pas à mon sens d’anticiper (intellectuellement) si les taux vont monter ou si les prix vont baisser, mais de savoir comment se protéger de tels événements.

Éteindre sa dette hypothécaire pour se protéger du prêteur

Avant tout, vouloir éteindre sa dette est une bonne chose, permettant de dormir tranquille et de transmettre plus que la partie d’une maison à ses enfants.

Si vous éteignez votre dette, de facto vous réalisez deux choses : 1. vous augmentez votre patrimoine et 2. vous vous protégez de la hausse des taux ou d’une baisse des prix de l’immobilier. En bref, vous gagnez en liberté financière. Et quelque part, vous gagnez aussi du temps de vie, que ce soit en années de retraite anticipée (plus de loyer à payer), en années sabbatiques ou en temps de travail partiel ou « à la carte ».

Prix et taux : l’effet ciseau

Historiquement, les prix de l’immobilier sont inversement corrélés aux taux d’emprunts. En effet, quand les taux sont hauts, les prix sont bas (cf. la crise de 1990) et lorsque les taux sont bas, les prix sont hauts (cf. la situation actuelle). Il existe donc un effet de « ciseau » entre les taux et les prix.

Depuis près de vingt ans, je construis mon patrimoine avec conservatisme et pragmatisme. Je conseille mes clients sur le même modèle. Mes sources sont principalement l’histoire et certainement pas les prévisions globales (macroéconomie) qui – exception faite des discussions de café – ne sont pas utiles. Elles ne sont pas non plus autoréalisatrices : y croire ou se persuader d’y croire avec les autres (via les médias) ne les fera pas pour autant arriver.

Cela ne m’interdit pas d’avoir un avis. Mais pourquoi mes prévisions seraient-elles plus probables que celles des « grands » économistes et analystes ?

À ce propos, je vous livre mon sentiment. En Suisse, les taux resteront probablement bas encore quelques années. Cela dit, le monde est majoritairement endetté en dollars américains et l’économie fonctionne très bien aux États-Unis. Il n’y a pas d’avantage, lorsqu’une économie fonctionne correctement, à garder des taux bas afin de ne pas entraîner d’inflation. Aujourd’hui, ces problèmes ne sont pas d’actualité mais si nous regardons la dernière crise immobilière des années 1990, nous constatons qu’elle est venue des États-Unis.

A l’époque, la FED a multiplié ses taux par 4 (!) en l’espace de deux ans. Il en a résulté une raréfaction de l’argent qui s’est traduite en Suisse par une hausse des taux d’intérêts hypothécaires atteignant 8%  à court terme et des baisses de prix immobiliers compris entre -20% et -40%. Les propriétaires de l’époque s’en souviennent encore.

Ici s’était déroulé l’effet ciseau mentionné plus haut.

L’exception ? Le Japon.

Cependant, être focalisé sur les taux ne vous donnera pas nécessairement la bonne réponse. Voyez le cas du Japon : au pays du soleil levant, vous pouvez emprunter à des taux inférieurs à 1% sur 30 ans. Depuis une trentaine d’années, les taux sont bas. Malgré cette baisse, il n’existe pas d’effet ciseau. Effectivement, dans certains quartiers de Tokyo, les prix de l’immobilier ont reculé de 30% à 50% sur la même période. Ceci contredit totalement le paradigme historique existant jusqu’à maintenant chez nous. Si nous entrions en stagnation persistante (ou en déflation), nous pourrions obtenir le même type de résultat.

Un cas pratique

Il est peut être utile de rappeler à travers un exemple concret ce qu’il se passe si les taux grimpent ou que les prix baissent vis à vis du prêteur (i.e. la banque ou l’assurance). Laissons l’exemple englober les deux événements en même temps :

Une famille suisse a deux enfants en bas âge, disons d’environ 5 ans. Après quelques recherches, les parents jettent leur dévolu sur une jolie maison de 1.2 million de francs. Pour ce faire, ils dépensent 20% de fonds propres plus les taxes. Le prêteur leur prête 80% du prix d’achat soit 960’000 francs à 1.5 % sur 12 ans. Une fois dans leurs murs, les Suisses payeront 1’200.- par mois pour les intérêts hypothécaires. Si l’on ajoute les charges du bien (charges quotidiennes et entretien à long terme) et la hausse d’impôt (due à la valeur locative), la maison leur revient à environ 2’500.- par mois.

A ce prix là et comparativement à un bien immobilier en location, cela peut valoir la peine. Sauf que le temps file et que rien n’est figé : le prêt a une échéance, l’économie change, l’humanité change, les technologies changent, la démographie change… bref, nous vieillissons. 🙂

Douze années ont passé. Les enfants de cette famille suisse ont 17 ans. Dans un an ou deux, ils vont probablement faire leur entrée dans une école supérieure ou à l’université. Comprenez : ils vont encore coûter plus cher. La prime d’assurance santé augmentera à leurs 18 ans, de même que les frais de logement, auxquels s’ajoutent un abonnement de téléphone, des frais d’écolage, etc.

Aussi les taux ont changé et les prix ont baissé (c’est le pire scénario – il a déjà existé par le passé). Supposons à présent que le prix de la maison a baissé de 15% et que les taux à court terme sont passés à 4.5% (moyenne historique).

Quelle incidence à la retraite et sur le budget ?

Que se passe-t-il vis à vis de l’établissement prêteur ? Ce dernier est toujours d’accord de prêter à la famille Suisse 80% de la valeur de la maison, car ils sont loin de la retraite, mais selon de nouvelles conditions ! La maison achetée 1.2 million de francs vaut désormais 1 million. Le créancier prêtera donc 800’000 francs et demandera de rembourser les 160’000.- de différence.

Sans avoir planifié correctement le remboursement de leur dette hypothécaire, la famille Suisse est bonne pour retirer son deuxième pilier… en pure perte (entraînant de facto une baisse de la retraite future de 1’000 francs par mois !).

Retirer son 2e pilier à 35-40 ans n’a que peu d’incidence si c’est calculé correctement. Par contre, vers 50 ans et sans planification, ce n’est pas la même histoire. Je vous invite à lire l’article sur le niveau de dette hypothécaire à la retraite ici.

Ensuite, ces 800’000 francs seront facturés à la famille Suisse à 4.5%, soit 3’600.- par mois. En ajoutant à cela les frais d’entretien de la maison, notre famille modèle payera un loyer mensuel de 4’800.- au moment même où les enfants n’auront jamais coûté aussi cher !

Pour ceux qui n’envisagent pas que les prêteurs pourraient demander des remboursements, regardez ce qui s’est passé en Suisse dans les années 1990 et plus récemment aux USA, en Espagne, au Portugal ou encore en Grèce… en 2008. 

À noter que la durée de votre hypothèque vous « protège » sur le taux mais aucunement sur la valeur du bien. Le créancier peut effectivement vous demander un remboursement exceptionnel et anticipé avant l’échéance. Le prêteur peut également revoir une situation personnelle (suite à un décès, un changement de revenu etc.)

Pour conclure :

Rembourser sa dette hypothécaire au plus tard d’ici à la retraite relève simplement du bon sens. Nos voisins européens le font. Le système libéral suisse de l’hypothèque – que je trouve excellent – laisse paraître l’illusion qu’il n’est pas utile de rembourser sa dette. C’est ridicule.

Si vous voulez vivre et non survivre à la retraite, vous devez rembourser votre dette immobilière et vous protéger de la dette hypothécaire. Ceci est également vrai pour les locataires : les fruits de votre patrimoine devraient idéalement payer votre loyer à la retraite.

Pourquoi écrire que je trouve le système excellent ? Parce que vous pouvez amortir indirectement votre dette, c’est à dire épargner à rendement plus élevé que le taux d’emprunt. Tout est là ! Amortir indirectement en profitant de rabais fiscaux et de rendements intéressants. C’est un autre sujet… que vous trouvez ici.

Alors faut-il rembourser sa dette hypothécaire ? N’hésitez pas à me donner votre avis en commentaires !

Raphaël

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7 réflexions sur « Immobilier : faut-il rembourser votre dette hypothécaire ? »

  1. Bonjour,
    Merci pour votre article cependant je me posais deux questions :
    – vous parlez de rembourser la dette hypothécaire sur de nombreuses années (20-30ans) pour arriver à la retraite sans dette par peur d’une chute des prix. Néanmoins depuis maintenant des dizaines d’années le prix de l’immobilier ne cesse de grimper. Bien sûr il y a des hauts et des bas comme pour d’autres actifs mais les prix ont une pente ascendante depuis longtemps. Rembourser la dette signifierait ne plus utiliser l’effet de levier que la banque mais à disposition.

    – deuxièmement peut être à tord, rembourser sa dette veut dire que l’impôt sur la fortune coûtera plus cher, les impôts sur les successions seront plus chers et finalement cet argent qui nous coûte plus cher aura de moins en moins de chance de nous rapporter étant donné qu’il est simplement stocké dans les murs.
    Peut être à tord mais votre point de vue de rembourser la dette hypothécaire avant la retraite est un conseil plus que judicieux si l’on part du principe que le marché immobilier suisse sera baissier. Dans le cas d’un marché stable ou haussier le remboursement cela serait moins pertinent non ?
    Quid des taux d’intérêt ? C’est un arbitrage à faire, si les taux (Saron ou fixe) sont plus bas que ce que les marchés proposent alors emprunter pour investir sera toujours judicieux non ?

    Ravis d’avoir votre avis,
    Belle soirée,
    David

    1. Bonjour David,

      Merci pour vos commentaires.

      En fait je parle d’amortir indirectement. C’est à dire constituer une épargne et effectivement profiter de l’effet de levier. Vous trouvez plus de détails ici : https://maretraite.ch/remboursez-votre-dette-hypothecaire/
      Il faut idéalement disposer du montant de sa dette à la retraite (ou plus…) pour pouvoir faire face à la dette (taux qui montent, maison qui perd de la valeur) et obtenir de la liberté financière. Ce montant peut être investi dans un portefeuille d’investissements par exemple.

      Pour votre deuxième point, vous avez raison : en remboursant directement la dette, vous augmentez l’impôt sur la fortune et l’impôt sur le revenu à cause de la valeur locative dont vous pouvez déduire les intérêts hypothécaires.
      L’impôt sur la succession ne sera pas plus cher puisque c’est la fortune brute déduit des dettes qui le détermine.
      Et oui cet argent ferait mieux d’être investi hors de la maison grâce à l’effet de levier de la dette (cf point 1) si les taux d’emprunts sont inférieurs aux taux de rendements de votre épargne… l’arbitrage dont vous parlez. J’en parle ici : https://maretraite.ch/valeur-locative-payer-des-impots-ou-des-interets-hypothecaires/

      Bonne journée et meilleures salutations.

  2. Bonjour,

    En remboursant intégralement son hypothèque de sa maison principale, peut-on utiliser les cédules de cette maison en tant que 20% d’apports en argent pour acheter d’autres apparements qu’on pourrait mettre en location ? Par exemple, Est-ce qu’une maison d’un million totalement remboursée permetterait d’acheter 4 appartements d’un million chacun avec 250k d’apports ?

    Merci beaucoup,

    Yassine

    1. Bonjour Yassine,

      Merci pour votre message.

      Dans la pratique oui.

      Vous devez trouver une banque qui soit d’accord avec votre montage (i.e. qui valide la valeur de votre maison principale et la valeur du nouvel objet).

      Vous devrez également respecter les règles de faisabilité de l’établissement prêteur. Généralement fixées à 33% des revenus.

      C’est à dire que la somme des intérêts d’emprunts, des charges des biens et de l’amortissement ne doit pas excéder les 33% de vos revenus (revenus du travail, de la fortune, des rentes…) additionnés du loyer que vous percevez sur l’appartement de rendement.

      Au vu des prix encore élevés du marché immobilier et de sa faible rentabilité, c’est plutôt à cet endroit que vous trouverez la limite de l’opération.

      J’espère vous éclairer ici, sinon dites moi, nous pourrons parler spécifiquement de votre situation.

      Au plaisir et meilleures salutations.

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