Retraite suisse : histoire et but du deuxième pilier – Épisode 3

Histoire et but du deuxième pilier : salariés et chefs d’entreprises, nous parlons de votre patrimoine

Dans les deux derniers épisodes sur la prévoyance retraite suisse et les trois piliers, nous avons abordé principalement le premier pilier à travers l’AVS.

Vous pouvez consulter l’article sur le mode de financement de l’AVS et le mur du papy boom ici et celui sur l’aspect pratique de votre AVS ici.

Pour rappel, à travers le système de répartition de l’AVS conçu en 1948, les travailleurs actifs financent les rentes des retraités actuels. Nous constations que dans les prochaines années, au fur et à mesure que la génération du baby boom passera à la retraite, nous rencontrerons un déficit important des cotisations et donc une impossibilité de verser les rentes de retraites correspondantes.

Nous allons discuter dans les prochains épisodes du deuxième pilier, de son histoire, de son utilité, de son financement, des problèmes qu’il rencontre et surtout de comment vous pouvez vous en servir pour améliorer votre retraite ou le financement de votre résidence principale.

Avant de continuer, il est très important à mon sens de se souvenir que votre deuxième pilier fait partie de votre patrimoine et que pour la majorité des Suisses, il en constitue la plus grande partie.

Une brève histoire du deuxième pilier

En rédigeant cette partie sur l’histoire du deuxième pilier, je fus très surpris de constater que les premières caisses de pension ont été fondées – dès le 19e siècle – pour les policiers, le personnel enseignant ainsi que pour les employés communaux et cantonaux. C’est à dire les fonctionnaires.

En toute franchise, et au vu des débats politiques sur les réformes de retraite, je m’attendais à une création d’origine privée. J’avais bien en mémoire qu’avec l’explosion du chemin de fer et du travail hallucinant de Alfred Escher, les employés et les ouvriers du rail bénéficiaient des caisses de pension parmi les plus importantes du pays, mais je croyais que les premières caisses de pensions venaient majoritairement des entreprises privées. Ce n’est donc pas le cas.

C’est au cours de la Première Guerre mondiale que le nombre de caisses de pensions va croître considérablement. Ce développement fait suite à une exonération sur l’impôt fédéral sur les bénéfices de guerre (ancêtre de l’impôt fédéral direct) pour l’ensemble des versements réalisés par les entreprises dans leurs institutions de prévoyance.

Dès la fin de la Première Guerre mondiale, les employés de la Confédération, les entreprises de transport, les banques, les assurances et les grandes entreprises de l’industrie des machines feront bénéficier leurs employés d’une prévoyance vieillesse complémentaire à l’AVS.

Instaurer une caisse de pension sert aussi un but politique

Il existe une utilité politique à « offrir » une caisse de pension à son personnel. Dans le monde privé, les caisses de pensions permettent aux entreprises de stabiliser et de fidéliser leur main d’œuvre alors que dans le secteur public, elles permettent de s’assurer la loyauté des fonctionnaires et limitent les tentatives de corruption.

A partir des années 1920, le nombre de caisses ne va cesser de croître jusqu’à la mise en place de la Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) en 1985. Dès cette période, le nombre de caisses décroit drastiquement et se rationalise, passant de 17’000 institutions en 1978 à 2’191 en 2011.

Dans le même temps, le nombre de salariés au bénéfice d’une caisse de pension passe de 15% en 1941 à plus de 45% au début des années 1970, pour s’établir actuellement à près de 80% de la population active des secteurs secondaire et tertiaire.

1972 : les trois piliers dans la Constitution

C’est en 1972 que le peuple choisi à 75% (encore un score présidentiel algérien 🙂 ) d’inscrire dans la Constitution fédérale le principe des « trois piliers » avec l’instauration de la prévoyance professionnelle obligatoire (2e pilier) et de l’épargne individuelle (3e pilier).

Ce système de retraite est né sous la forme d’un contre-projet à l’initiative populaire « Pour une véritable retraite populaire » du Parti suisse du travail qui souhaitait que l’État, à travers l’AVS, couvre 60% du revenu des salariés. Les caisses de pensions auraient alors été dissoutes et intégrées au nouveau système de prévoyance étatique.

Le contre-projet, qui fut soutenu par les partis bourgeois, les organisations de l’économie, les assureurs privés, le Parti socialiste et les syndicats, créait donc la prévoyance vieillesse telle que nous la connaissons aujourd’hui.

La prévoyance professionnelle deviendra obligatoire dès 1985.

Si une passion naît en vous et que vous souhaitez approfondir vos connaissances de la prévoyance retraite, vous pouvez consulter ici le site de l’Office fédéral des assurances sociales qui m’a beaucoup aidé.

Voyons maintenant un peu plus en détails son but et son fonctionnement.

Pourquoi le deuxième pilier ?

Avant de détailler le fonctionnement du deuxième pilier, parlons en quelques mots de son but.

Il a été conçu dans l’optique de permettre aux retraités de conserver leur « niveau de vie antérieur ». Combiné avec l’AVS – qui doit couvrir les besoins vitaux – la pension complète doit théoriquement s’élever à 60% du dernier revenu.

Notons que ceci est vrai jusqu’à un certain niveau de salaire. Au delà de CHF 90’000.- de revenu annuel brut, ce n’est plus le cas.

Par exemple, un employé dont la rémunération est de 150’000.- par an et qui est assuré au minimum légal LPP touchera à la retraite environ 30% de son dernier revenu entre l’AVS et le deuxième pilier. Il est donc très important de prendre connaissance de son niveau de couverture et ce bien des années avant de prendre sa retraite afin d’adapter sa situation en conséquence.

Précisons, à toute fin utile, que la condition d’octroi des 60% ne sera pas non plus remplie si vous avez des lacunes dans vos cotisations AVS ou dans le deuxième pilier. Enfin, cotiser dans une « mauvaise » caisse de pension réduirait aussi la qualité de vie à la retraite.

Renseignez-vous, renseignez-vous, renseignez-vous…

Ici, je vous invite à prendre connaissance des conditions d’assurance que votre employeur a mises en place pour vous et vos collègues. Si les conditions ne sont pas intéressantes, ouvrez le dialogue avec la direction. Cela peut en valoir la peine. Un salarié doit être nommé comme représentant de ses collègues pour les questions traitant du deuxième pilier. Vous pouvez vous tourner vers lui pour vous informer de vos conditions de couverture et éventuellement « faire bouger » les lignes.

Si vous êtes indépendant ou chef d’entreprise, pensez à réviser le choix que vous avez fait à la création de votre entreprise ! S’il est évident qu’une prévoyance à minima permet de limiter les coûts au début d’un projet, je rencontre trop souvent des dirigeants qui n’ont pas révisé leur plan de retraite une fois que leur société a atteint son rythme de croisière. Sans forcément changer de caisse, vous pouvez améliorer simplement vos couvertures et votre niveau d’épargne. Gardez en tête que votre caisse de pension est un outil massue pour réduire vos impôts ! Et que vous pouvez la coupler au financement de votre résidence principale.

Nous verrons dans les prochains articles comment est financé votre deuxième pilier, les défis qu’il rencontre, comment vous pouvez vous en servir pour réduire vos impôts et quel lien vous pouvez faire entre votre deuxième pilier et votre résidence principale.

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Retraite suisse : AVS, aspects pratiques – Épisode 2

Découvrez les aspects pratiques de l’AVS, les éléments auxquels penser et comment planifier correctement votre retraite !

Dans l’épisode précédent, nous avons abordé la naissance de la prévoyance retraite suisse et notamment le système de répartition de l’Assurance-vieillesse et survivants (AVS), confronté au mur du papy boom.

Je vous propose ici de nous attarder sur les aspects pratiques de l’AVS qui peuvent vous être utile.

AVS, à combien ai-je droit ?

Pour bénéficier d’une « rente pleine » de CHF 2’370.- par mois, il faut remplir deux critères principaux : avoir cotisé 43 ans pour les femmes et 44 ans pour les hommes et avoir gagné en moyenne 85’320.- par année tout au long de sa carrière.

Pour un couple marié, la rente maximum se monte à une fois et demie la rente pleine soit 3’355.- par mois.

La rente minimum s’élève à 1’185.- par mois. Ici il n’existe pas de revenu minimum moyen à atteindre pour en bénéficier. Il faut également avoir cotisé 43 à 44 ans pour en bénéficier.

Si votre revenu moyen s’établit entre 14’220.- et 85’320.-, votre rentre sera comprise entre 1’185.- et 2’370.- par mois.

Pour connaître le montant auquel vous avez droit, vous pouvez demander un extrait de compte individuel auprès de l’AVS. Le document que vous recevrez chez vous, contient la somme de vos revenus gagnés depuis vos 18 ou 21 ans, ainsi que le nom de vos employeurs passés. Nostalgiques s’abstenir. 🙂 Aussi, vous verrez que, si vous êtes proche de la retraite, vous avez probablement gagné des millions de francs !

Pour déterminer votre rente, vous devez reporter la moyenne de vos revenus cotisés sur un tableau appelé « échelle 44 ».

Vous trouvez l’ensemble de ces documents sur le portail de l’AVS : https://www.ahv-iv.ch/fr/

Je veux partir en retraite anticipée

Il est possible de prendre une retraite anticipée avec une rente AVS deux ans avant l’âge légal fixé à 65 ans pour les hommes et à 64 ans pour les femmes. Ce choix n’est pas sans conséquence puisque la rente est diminuée, pour toute la durée de la retraite, de 6.8% pour une année anticipée et de 13.6% pour deux années.

En cas de décès, les rentes de veuve / veuf / orphelin sont également réduites.

Les personnes en retraite anticipée ont l’obligation de cotiser à l’AVS jusqu’à l’âge légal.

Je veux partir après l’âge légal de la retraite

Vous pouvez ajourner votre retraite jusqu’à 70 ans pour les hommes et 69 ans pour les femmes. La rente est par exemple majorée de 5.2% pour une année d’ajournement et jusqu’à 31.5% pour cinq ans.

L’augmentation reste acquise et en cas de décès, les rentes de veuve / veuf / orphelin sont également adaptées.

Quand demander l’AVS ?

La retraite légale commence le mois qui suit celui de votre anniversaire. Si vous êtes né le 1er d’un mois, vous êtes bons pour travailler jusqu’au dernier jour du mois de votre anniversaire. Moi qui suis né un 25, je devrais travailler 5 jours après mes 65 ans. Ma femme qui est né le premier devrait travailler 30 jours de plus (ah ah).

Idéalement, demandez la rente quatre mois avant le début de son versement.

Je vais statistiquement vivre jusqu’à 85 ans ! Ma prévoyance va-t-elle s’adapter au coût de la vie ?

La Suisse est sans doute l’un des pays occidentaux qui limite au mieux son inflation (évolution des prix). Sur les trente dernières années (1988 – 2018), l’indice des prix à la consommation a bondi de « seulement » 42.5% contre 67% pour la France ou près de 130% pour les États-Unis.

Il est évidemment difficile de prédire l’avenir. Mais sur cette base, votre rente AVS perd 12% de son pouvoir d’achat tous les 10 ans.

Les rentes s’adaptent à l’inflation tous les deux ans et sur décision du Conseil fédéral. Si l’inflation dépasse les 4%, les rentes s’adaptent l’année suivante.

Il est très important de planifier correctement sa retraite en projetant un minimum d’inflation. L’AVS s’adapte tout juste au coût de la vie et le second pilier ne s’y adapte pas. Perdre un à deux pourcents de revenu chaque année peut vite devenir problématique au bout de quelques années.

Youpie, je passe ma retraite à l’étranger !

Si vous êtes de nationalité suisse, vous percevrez votre rente où que vous vous rendiez.

Si vous êtes originaire de l’Union Européenne (ou d’un pays de l’AELE) et que vous souhaitez passer votre retraite en Union Européenne (ou en AELE), vous toucherez votre rente AVS. Les prestations complémentaires ne sont toutefois pas versées.

Enfin, si vous êtes ressortissant d’un autre État et que vous souhaitez y passer votre retraite, il faut vérifier si votre pays d’origine a signé une convention de sécurité sociale avec la Suisse.

Si c’est le cas (comme le Japon, les USA ou le Canada, par exemple), vous percevrez une rente de l’AVS.

S’il n’existe pas de convention entre la Suisse et votre pays (le Mexique, par exemple), vous avez théoriquement le droit de vous faire rembourser la somme de vos cotisations. Malgré la perception d’un capital qui peut sembler important, il apparaît que cette situation, contrainte, n’est pas forcément en faveur de l’assuré au regard de ce qu’il aurait perçu sous forme de rentes.

Et si je décède pendant ma retraite ?

En cas de décès, seule les veuves ont le droit a une rente de survivant. La rente de veuve se monte à 80% de la rente de vieillesse. Si l’épouse perçoit sa propre rente AVS, elle pourra conserver la rente la plus élevée entre la rente de veuve ou sa propre rente. Il n’y pas d’effet cumulatif.

Les veufs conservent leur rente acquise et n’ont pas le droit à une éventuelle rente de veuf plus élevée (que leur propre rente) sauf si des enfants de moins de 18 ans sont encore à la maison.

Les enfants de moins de 25 ans aux études ont également droit à des rentes dit d’orphelins. Si l’enfant n’est plus aux études, la rente d’orphelin s’arrête à ses 18 ans.

Conclusion sur l’AVS

Il est probable que l’AVS vive ses dernières années sous sa forme actuelle. Beaucoup de modifications sont nécessaires pour la faire perdurer et pour assurer des rentes aux retraités.

Le problème de la prévoyance par répartition intergénérationnelle touche la majorité des pays développés. Nous sommes sans doute mieux lotis que la plupart de nos voisins puisque deux autres piliers par capitalisation viennent compléter ce premier pilier. C’est ce que nous verrons dans les prochains articles sur ce thème de la prévoyance retraite suisse.

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Retraite suisse : les trois piliers, comment ça fonctionne ? AVS et baby boom – Épisode 1

Découvrez comment fonctionne la retraite suisse, les défis à venir et comment vous pouvez tirer votre épingle du jeu !

Peut-on expliquer le système de retraite suisse sans être barbant et en limitant au maximum la quantité de vocabulaire ? C’est ce que j’essaye de faire dans cette série d’articles sur la prévoyance.

Mon but est d’approcher l’histoire de la prévoyance sociale suisse, d’en schématiser les principes, et de vous apporter une plus-value dont vous pourrez tirer profit en utilisant au mieux les trois piliers dans votre situation individuelle.

Avant de commencer, je suis obligé de faire un point sur le vocabulaire. 🙂 Aussi, je prends le parti d’aborder surtout la retraite et de laisser un peu de côté ce que l’on appelle la « garantie du revenu » que sont les couvertures en cas d’invalidité et de décès.

Le premier pilier regroupe les termes : AVS (Assurance-vieillesse et survivants) et AI (Assurance invalidité).

Le deuxième pilier regroupe les termes : LPP (Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité), LAA (Loi fédérale sur l’assurance-accidents), caisse de pension, caisse de retraite, fond de pension.

Le troisième pilier regroupe les termes : troisième pilier A (lié à la retraite et fiscalement déductible) et troisième pilier B (libre et fiscalement déductible dans certains cantons).

Allez, c’est parti. Je vous souhaite une bonne lecture.

Retraite et assurances sociales, un concept récent

La prévoyance vieillesse est un concept qui date d’il y a tout juste cent ans en Suisse.

Inspiré à la fin du XIXe siècle par Otto von Bismarck qui instaura des assurances sociales (maladie, accident, invalidité et vieillesse) en Allemagne, le premier pilier est né constitutionnellement en 1925.

Rejeté par le peuple en 1931, il faudra attendre l’année 1947 pour qu’il soit accepté à 80% (avec un taux de participation de 80% !). Un score digne d’une élection présidentielle algérienne. 😉 Il faut dire qu’à l’époque, la rente maximale accordée par l’état équivalait à une dizaine de pourcent du salaire d’un ouvrier contre près de la moitié aujourd’hui.

Au cours des 70 dernières années, le concept de prévoyance social n’a cessé d’évoluer. Aujourd’hui, le système repose sur trois piliers qui ont chacun un responsable bien défini : l’État pour le premier, l’employeur pour le second et l’individu pour le troisième.

L’état, à travers l’AVS, doit couvrir les besoins vitaux à la retraite. L’employeur via la prévoyance professionnelle doit permettre aux assurés de pouvoir maintenir à leur retraite leur niveau de vie antérieur. Quant à l’individu, qu’il soit salarié ou indépendant, il est libre d’épargner un montant déductible de ses impôts sur le revenu au travers du 3e pilier A.

Depuis 1948, la prévoyance aura été révisée une dizaine de fois.

L’AVS entre en vigueur le 1er janvier 1948

Le 1er janvier 1948 entre en vigueur l’AVS. Jusque là, la prise en charge des personnes âgées, incapables de travailler, relevait des familles, des Églises et des organisations caritatives.

Son modèle de construction a pour base les allocations pour perte de gain (APG) attribuées aux soldats mobilisés pendant la seconde guerre mondiale et son inspiration vient de l’ensemble de l’Europe occidentale qui, après la guerre, va faire naître des régimes de retraite de base, financées par des cotisations sociales ou par des impôts.

Le but de l’AVS – inscrit dans la constitution – est de garantir un minimum vital.

Tous les travailleurs ont l’obligation de cotiser. Les étudiants ou les personnes sans emploi ont également la possibilité de cotiser dès l’âge de 18 ans et l’obligation de cotiser dès l’âge de 20 ans.

A l’origine, l’âge de départ en retraite était fixé à 65 ans, tant pour les hommes que pour les femmes. Depuis 2005, la retraite des femmes a été fixée à 64 ans. Il est intéressant de noter que l’âge de départ à la retraite a été fixé à 65 ans il y a… 60 ans et n’a depuis plus bougé. En 1948, l’espérance de vie moyenne en Suisse était de 65 ans pour les hommes et de 67.5 ans pour les femmes. Aujourd’hui elle est de 83.5 ans pour la moyenne homme/femme !

Ce qui était donc un système de justice sociale, permettant de vivre les quelques dernières années de vie (survivre vu le niveau des rentes…) s’est peu à peu transformé en revenu sans travail pour de longues années de retraites avec, dans la grande majorité des cas, toutes les capacités physiques et mentales.

Le financement de la retraite par répartition

L’AVS est un système de répartition. C’est à dire que les travailleurs financent directement les retraités. Pour faire simple, les salariés versent dans un « pot commun » – AVS – une cotisation qui est immédiatement consommée par les retraités.

Le premier pilier est principalement financé par les cotisations des actifs qui payent pendant 44 ans (43 ans pour les femmes) et à parts égales avec l’employeur 8.4% du salaire brut. Les indépendants cotisent jusqu’à 7.8% de leur revenu.

Les personnes sans activité lucrative (dont les personnes en retraites anticipées ou les étudiants) ont également l’obligation de cotiser dès leurs 20 ans révolus et jusqu’à leurs 65 ans (64 ans pour les femmes). Il est possible de cotiser dès ses 18 ans, ce qui permet d’ajouter trois années supplémentaires afin d’éviter des trous de cotisations pour l’avenir (année sabbatiques, par exemple).

Dans un couple, si l’un des conjoints ne travaillent pas, il n’a pas l’obligation de cotiser si son partenaire cotise au moins le double de la cotisation minimale soit 964.- par année.

Quant à la majorité des autres personnes, leur cotisation est basée sur leur niveau de fortune et de rentes imposées par leur canton de domicile.

Le « manque à gagner » de l’AVS est complété par la Confédération à hauteur de 19.55% des dépenses. C’est donc l’impôt fédéral qui complète la prévoyance. Comme nous le verrons par la suite, c’est une première anomalie.

 » nous ne préparons pas nos retraites par nos cotisations, mais par nos enfants « 

Alfred Sauvy

Le mur du papy boom

Selon Wikipédia « le papy boom désigne le grand nombre de départs à la retraite qui doivent avoir lieu entre 2006 et 2025 dans les pays développés. Le papy boom est une conséquence prévisible du baby boom de l’après-guerre (génération née entre 1945 et 1964), de l’allongement de l’espérance de vie et de la baisse de natalité qui provoque un vieillissement démographique. Ce phénomène a une influence importante sur l’ensemble de la société, en particulier dans le domaine de l’économie : il participe à la hausse générale des dépenses de santé, il remet en question l’équilibre du financement des retraites et la stabilisation de la population active. »

Ce qu’il faut comprendre avec le système de répartition, c’est qu’il faut un nombre de travailleurs actifs supérieur au nombre de retraités. Or ce n’est absolument plus le cas. Si en 1948, environ 10 travailleurs finançaient un retraité, nous sommes en train de glisser vers 2 travailleurs par retraité !

Tant en Suisse que dans le reste de l’Europe, le développement des systèmes de retraite a accompagné la forte croissance des trente glorieuses et un taux de chômage proche du néant, malgré une main d’œuvre disponible en grand nombre. Tout ceci n’est plus d’actualité sauf, peut être pour le chômage qui – en Suisse – reste faible en comparaison européenne.

Vivre plus longtemps et en bonne santé, même si c’est très positif à l’échelle individuelle, ne fait que renforcer ce problème.

35 ans sans réforme structurelle

Depuis une dizaine d’années, plusieurs projets de modifications de la prévoyance ont émergé pour faire face aux contraintes importantes que le baby boom fait peser sur le système social qu’il a mis en place.

Aucun projet n’a abouti. Depuis 1985 et la mise en place de la Loi sur la Prévoyance Professionnelle (LPP), il n’y a eu aucune réforme majeure et structurelle. Il est vrai que voter pour un paquet de solutions (social, fiscal, intergénérationnel) n’est pas évident. Dans les nombreuses propositions, la seule adoption du relèvement de l’âge de départ à la retraite ou de l’abaissement du taux de conversion dans le 2e pilier auraient sans doute permis d’alléger la situation, sans toutefois la résoudre totalement.

En toute lucidité (toutes les études tant en Suisse qu’en Europe sont unanimes), c’est un mur qu’une génération semble avoir préparé. Un conflit de générations n’est pas à exclure si aucune d’entre elle ne fait un pas vers l’autre (cet article sur le système français fait la lumière sur le premier pilier suisse).

Une partie des baby-boomers va percevoir plus de revenus à la retraite que ce qu’elle a cotisé pendant sa vie de travail. Le deuxième pilier semble accentuer cet effet puisque, selon la commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle, les actifs paient pour les rentiers. Le deuxième pilier a pourtant été conçu pour être une épargne individuelle.

Vous pouvez lire ici un article sur l’intérêt du rachat du deuxième pilier.

La retraite par répartition est financée par les générations nouvelles. Si l’on veut conserver ce premier pilier social tel qu’il a été conçu, il me semble évident qu’il faut prendre le « problème » à la source en concrétisant une politique familiale extrêmement forte.

Une vraie politique familiale ?

Aider les familles à s’installer et à trouver des places de garde flexibles, permettre aux mamans (et aux papas) de concilier travail et famille, flexibiliser les temps de travail des parents, fournir des allocations familiales hyper incitatives dès les deuxièmes et troisièmes enfants, créer des comptes d’épargne fiscalement déductibles pour financer les études supérieures… les possibilités sont nombreuses.

Je n’ai malheureusement jamais entendu de telles propositions, la classe politique étant sans doute plus occupée à satisfaire son électorat baby-boomer et à éteindre les feux courants qu’à préparer l’avenir.

L’on pourrait me rétorquer ici qu’il est trop tard pour financer la retraite des baby-boomers puisqu’il faut vingt ans au moins pour qu’un bébé arrive sur le « marché » du travail. Toutefois, il n’est pas trop tard pour financer les vieux jours d’une génération entière. Il reste peut-être difficile pour l’homme de se projeter dans le futur…

Nier la réalité et rester sur nos acquis ne fera qu’accentuer le déficit tant pour les générations X (pré 1980), Y (post 1980) et Z (post 2000, les millenials) que pour la génération du baby boom. Nous avons tous beaucoup à perdre à ne pas regarder la réalité en face. Même si une politique familiale forte se mettait maintenant en place, il semble inéluctable à court terme de devoir baisser les rentes, augmenter l’âge de départ en retraite ou encore augmenter les cotisations.

La suite au prochain épisode

Nous verrons dans les prochains articles les aspects pratiques de l’AVS (le montant que vous pouvez espérer, la flexibilisation de votre retraite et le cas du décès, notamment) ainsi que les autres éléments composant la prévoyance retraite suisse que sont le deuxième et le troisième pilier.