Inflation : quels actifs pour votre patrimoine 2/2

L’inflation est sans aucun doute le sujet économique de 2022. Afin de la contenir, les banques centrales occidentales ont fortement augmenté leurs taux directeurs courant juin. Ces instituts marquent donc la rupture avec le monde post-2008. Depuis 14 ans et quasiment sans interruption, elles se sont efforcées de baisser le prix de l’argent jusqu’à atteindre les fameux taux négatifs en 2015. La lutte contre l’effondrement des « subprimes » aura été à ce prix.

La crise du covid en 2020 n’aura que prolongé cette tendance. Seule la Réserve fédérale (FED, USA) avait amorcé une hausse de son taux de base en 2016, pour dépasser les 2% en 2019, puis finalement le fixer à 0% au début de l’année 2020.

Le 16 juin dernier, la Banque Nationale Suisse a remonté son taux de -0.75% à -0.25% et la probabilité qu’elle passe la barre du 0% d’ici la fin de l’année 2022 est élevée. Bye bye la crainte de la parité avec l’euro, ce n’est plus le sujet, l’équilibre monétaire est de retour selon la BNS.

Inflation aux USA et en Europe : même combat !

Le nouveau défi de la BNS est donc de juguler la hausse des prix qui s’affiche à près de 3% en rythme annuel (chiffre de mai).

Et si ces 3% « officiel » vous paraissent élevé, sachez que les inflations aux États-Unis et dans la zone euro grimpent respectivement à 8.6% et 8.1% en rythme annuel (au mois de mai également) ! Si vous avez lu cet article, vous connaissez mon point de vue sur les chiffres publics…

Du côté de l’Asie : la Chine et le Japon gardent des taux beaucoup plus attractifs. L’empire du Milieu cherche à relancer, ou du moins à maintenir sa croissance économique tandis que la Banque du Japon estime que l’inflation reste dans son objectif des 2%. La cause de cette inflation nouvelle, dans un pays déflationniste, est la même que chez nous : l’énergie importée.

Sous le soleil, la Suisse…

Alors même si l’inflation est élevée, elle ne fait pas sens à être considérée sans les autres données telles que le chômage et la croissance. Avec un chômage à 2.1% et une augmentation du PIB attendue par le SECO de 2.8% sur l’année, la Suisse se place en bonne position pour limiter les effets de la hausse des prix. Au premier trimestre, la croissance en rythme annuel atteignait 4.4%.

Si nous faisons abstraction des années « yoyo » 2020 et 2021, nous devons nous souvenir des croissances économiques précovid pour comprendre d’où nous venons. Sur les cinq années 2015-2019, la progression du PIB figuré à seulement 1.36% en moyenne. Si l’attente de 2.8% pour 2022 se concrétise, ce sera 100% de mieux que ces cinq années.

Vous pourriez donc demander une augmentation de salaire si votre domaine d’activité demeure prospère et que la main-d’œuvre s’y trouve limitée.

Fin de l’inflation ?

Les banques centrales peuvent elles, à elles seules, endiguer l’inflation ? Certainement pas. Et l’actualité géopolitique ne permet pas d’établir des pronostics. D’ailleurs, combien de prévisions sont justes ? Personne n’avait vu venir une hausse aussi importante du taux suisse en juin.

Si l’augmentation des prix ne peut être totalement contenue par les banquiers centraux, la question de la protection de votre patrimoine se pose. Quels actifs semblent-être les plus intéressants ? Nous avons commencé à y répondre ici et je vous propose la suite ci-dessous.

Bis repetita ?

Dans l’article précédent, j’ai conclu que la seule possibilité de combattre l’inflation consistait à investir son argent. Nous avions vu que détenir des matières premières s’était révélé payant durant la décennie 1970-1979. Dans le détail, le pétrole et l’or ont offert de bonnes protections contre l’inflation.

Hormis l’inflation, nous ne pouvons pas totalement comparer les années 70 à notre situation actuelle. En effet, l’occident était en stagflation. L’inflation était élevée, la croissance économique tournait au ralenti, le chômage était important et le taux de la FED venait de passer de 10.50% en 1969 à 4% au début 1970. Le franc suisse a perdu durant cette décennie 50% de son pouvoir d’achat.

La guerre du Kippour et les réactions politiques qui en découlèrent aggravèrent ces facteurs.

Regardons aujourd’hui le comportement des actions et des obligations durant cette période.

Les actions US

Notre analyse commence avec l’indice phare des actions américaines : le S&P 500. Les 500 plus grandes capitalisations de l’époque avec General Motors, Exxon Mobil, Ford Motor et General Electric en tête, affichaient 97.77 points en 1970 et 103 points en 1979.

Les grandes entreprises ont offert une performance en dollars de 5.35%. Corrigé du taux de change en franc suisse, la perte sur 10 ans affichait -60% ! Comme quoi se couvrir des fluctuations monétaires ou investir dans sa propre devise peut faire sens.

Focus sur les actions pétrolières

L’autre point de convergence, entre aujourd’hui et les années 70, trouve place dans la santé financière des grandes compagnies pétrolières. Le prix de l’or noir a été multiplié par 10 entre 1970 et 1980 et par 2.5 sur les 24 derniers mois. Qui peut en tirer avantage à votre avis ?

Je vous invite à regarder les bénéfices 2021 des majors pétrolières ainsi que les prévisions de l’année en cours. Les analystes tablent globalement sur une centaine de pour cent de mieux en 2022 par rapport à l’année précédente, qui dépassait déjà un record vieux de 15 ans. Tout comme en 1973 où Exxon Mobil affichait un profit 80% supérieur à 1972.

Attardons-nous une minute sur cette compagnie qui représente mieux que tout autre l’exploration et l’extraction pétrolière. Comme vous pouvez vous en rendre compte sur le graphique ci-dessous, le titre a progressé de quasiment 80% entre 1970 et 1979. Et ce malgré des pics fortement baissiers en 1974 (-45%) et en 1978 (-20%). C’est 15 fois plus que le S&P 500 pendant la même période.

Cours de l’action Exxon entre 1970 et 1979

Aujourd’hui, Exxon Mobil a profité de la reprise post-covid puisque le titre s’est apprécié en 2021 et au début de l’année 2022 de respectivement 48% et 43% (à fin juin 2022). À une autre échelle, Valero, le plus grand distributeur américain de pétrole raffiné, a progressé de 33% et 39%.

Détenir des majors pétrolières apparaît donc comme un choix gagnant en période d’inflation, surtout avec un fond de crise énergétique. Ceci est du moins vrai pour l’investisseur en USD. Pas très « eco-friendly » comme constat même si l’on doit admettre que la réalité de notre dépendance aux hydrocarbures nous rattrape.

Inflation et actions suisses ?

Retour chez nous avec un placement suisse, en franc suisse. À en croire Pictet, placer son argent dans les principales actions du pays, aura permis de limiter en partie l’inflation. Avec un gain légèrement supérieur à 26%, l’érosion du pouvoir d’achat aura été divisée par deux. C’est mieux que d’avoir conservé ses actifs en liquide, mais ce n’est pas vraiment réjouissant.

L’arbre qui cache la forêt ?

En lisant trop rapidement ces données, l’on pourrait penser qu’investir directement dans le pétrole brut et l’or était préférable. C’est trop se concentrer sur le court terme.

L’investisseur intelligent aura travaillé sur deux axes.

Il aura d’abord épargné et rebalancé son portefeuille tout au long de la décennie, et notamment dans les creux de marché, afin de réduire son coût d’achat moyen. En procédant ainsi, notre épargnant aura dégagé un rendement supérieur : investir pendant les soldes du S&P 500 de septembre 1974 (baisse supérieure à 46% par rapport à décembre 1972), lui aura permis de réaliser un gain supérieur lors de la remontée des bourses. Un simple plan d’épargne mensuel aura suffi à concrétiser cet effet.

« The best chance to deploy capital is when things are going down. »

Warren Buffett

Il se sera ensuite focalisé sur la durée d’investissement. Avec un horizon de temps long, l’investisseur intelligent aura conservé son portefeuille bien au-delà de 1979. Âgé de 30 ans en 1970, il aura eu 60 ans en 2000. À cette date, l’indice de Pictet cotait à 53’797 points soit 1’648% de mieux qu’en 1970 (facteur 17 à comparer au multiple 2.5 de l’inflation).

Bien sûr, notre épargnant aura pioché une année ou l’autre dans ses avoirs afin d’acheter sa maison, rembourser ses dettes ou s’offrir des envies… mais l’inflation aurait été largement compensée.

Inflation et obligations suisses

Pour ce qui est des obligations suisses, et toujours sur la base de l’étude Pictet, le rendement obligataire a surperformé les actions de 3.5 fois au cours de la période 1970-1979. Sur cette courte période c’est excellent puisque l’inflation est éliminée et le gain réel (corrigé de l’inflation) s’affiche à presque 30%.

Le résultat est toutefois bien décevant sur la période 1970-2000 avec « seulement » 429% que nous pouvons comparer à la performance des actions de 1’648% ou à l’inflation de 378%.

Vous trouvez un résumé des indices, de l’inflation et des taux de change ici.

Bref aparté sur l’immobilier

Je ne peux conclure cet article sans évoquer l’immobilier. Un investissement dans la pierre peut offrir une certaine protection contre l’inflation, car les loyers y sont généralement indexés. Une hausse des loyers a théoriquement pour effet de valoriser le foncier.

Vous devriez cependant prêter attention à la vitesse à laquelle les taux d’emprunt hypothécaires se renchérissent. Une augmentation rapide de ces coûts ne peut pas être répercutée immédiatement sur le locataire.

Lors de la dernière grande crise immobilière en Suisse, les taux hypothécaires ont été multipliés par quatre en l’espace de deux ans. Au moment où j’écris ce texte (juin 2022), le tarif des dettes de long terme (10 à 15 ans) a déjà été multiplié par trois en une année et demie.

Pour ce qui est du taux favori des investisseurs, le SARON (ex-Libor), il pourrait bientôt prendre l’ascenseur, dès que le taux directeur de la BNS passera au-dessus de 0%, ce qui est attendu pour la fin 2022.

In fine, et même avec des augmentations de loyer, les valeurs des biens peuvent chuter (-20% à -40% dans les années 1990) et nécessiter des appels de marge (remboursements anticipés) de la part des prêteurs.

Je traiterai dans un autre article, les stratégies et les réflexions à mettre en place pour se protéger de la hausse des hypothèques et de la baisse des prix du foncier.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur la finance, l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.