Dans les articles précédents concernant l’indépendance financière, nous avons vu les bases « psychologiques » à adopter pour se construire un patrimoine sur du long terme afin de gagner de la liberté et du temps. Passons aujourd’hui de la théorie à la pratique en répertoriant les actifs dans lesquels vous pourriez investir : qu’allez-vous mettre dans votre patrimoine ?
Avant de commencer, comprenons ce qu’est un actif et opposons-le au passif.
Actif versus Passif
Inutile de complexifier la chose, un actif est un élément qui conserve une certaine valeur et qui peut apporter un revenu. Ce n’est pas forcément la définition comptable ou académique pure, mais c’est sans doute celle qui s’en approche le plus tout en restant simple 😉
Un actif peut être un bien immobilier, une action, un fonds de placement, une obligation, des liquidités comme le franc suisse, l’or ou encore, pour les entreprises, une usine, une machine-outil ou encore un stock de marchandises…
Les actifs peuvent être liquides, c’est à dire facilement et rapidement transformables en liquidités (les liquidités ou les actions par exemple) ou à l’inverse illiquides, c’est à dire difficilement convertibles en « cash », comme l’immobilier.
A titre individuel, une formation pourrait aussi être assimilée à un actif sur le principe que le meilleur investissement est en nous…
A contrario, un passif est une dette. Ces dernières peuvent avoir des échéances plus ou moins longues et sont en général liées au financement d’un actif.
Pour illustrer ces deux concepts, prenez l’exemple le plus simple du bien immobilier, qui est un actif financé par une dette hypothécaire (un passif).
Pour qui veut construire son patrimoine, ces termes, actif et passif, sont essentiels à comprendre et forment un jeu à somme nulle ou positive. C’est à dire que lorsque vous soustrayez la somme des dettes à l’ensemble des actifs, vous obtenez votre fortune nette qui au pire est de 0.- franc et au mieux positive (bah oui, avec un résultat négatif, c’est la banqueroute 😉 ).
Père riche, père pauvre pour aller plus loin…
La particularité de la propriété familiale.
Profitons de ces définitions pour faire un aparté sur la résidence principale.
Contrairement à un immeuble de rendement qui vous apportera un loyer, votre résidence familiale en propriété ne vous apportera aucun revenu. Au contraire, vous devrez payer des intérêts sur la dette et les charges du bien. C’est ce qui en fait un actif un peu particulier qui conservera toutefois une certaine valeur dans le temps et qui pourrait même s’apprécier.
Cela dit, et en ce moment grâce au taux bas, vous pourriez économiser une grosse somme d’argent chaque mois en devenant propriétaire plutôt qu’en restant locataire. Afin de limiter votre risque dans la durée et de ne devoir rien à personne au plus tard à la retraite, vous devriez planifier le remboursement de votre dette grâce à l’économie de loyer réalisée, au plus tard d’ici à votre retraite. Vous trouvez un article ici sur le sujet.
Fortune brute et fortune nette
Pour connaître la valeur brute de votre fortune (ou de votre patrimoine), additionnez simplement les actifs entre eux et pour connaître votre fortune nette (comprendre nette de dette), déduisez-en l’ensemble des dettes de votre foyer (leasing et crédits privés compris).
Un exemple très simple
Vous possédez 20’000.- de liquidités, un appartement de rendement acheté 500’000.- et votre résidence principale achetée 1 million de francs.
Votre fortune brute s’élève donc à 1’520’000.-
Pour financer votre bien de rendement, vous avez contracté une dette hypothécaire de 350’000.- tandis que pour acheter votre logement vous avez contracté une dette de 800’000.-. Ici vos dettes se montent à 1’150’000.-.
Votre fortune nette se monte donc à 370’000.-.
Il faudrait encore déduire les éventuels leasings ou crédits.
Maintenant que nous avons établis dans les grandes lignes ce qui forme un patrimoine, voyons quel rendement vous pouvez attendre des actifs que vous mettrez dedans.
Quels actifs pour quels rendements et pour quelle durée ?
Dans l’optique de se construire un patrimoine sûr et rentable ou de « bon père de famille », il est préférable de respecter quelques règles quant à la période de détention optimum des actifs. Nous verrons aussi quel rendement vous pouvez en attendre.
Les liquidités
Les liquidités sont très utiles pour les réserves de court terme. Je recommande de conserver 2 à 4 mois de dépenses nettes de charges sociales et d’impôts, en liquide, auxquelles il faudrait ajouter les dépenses connues et planifiées des 3 prochaines années (remplacement de la chaudière ou de la voiture par exemple).
Si votre patrimoine est conséquent, conserver 5% de sa valeur en liquidités pourra être utile afin de fluidifier les transactions au sein de votre patrimoine.
Noter qu’à cause des impôts, de l’inflation, des frais bancaires et des éventuels intérêts négatifs, les liquidités forment le pire actif à posséder pour le moyen ou le long terme avec un rendement « offert » négatif de 1% à 2% par an.
“Aujourd’hui les gens qui détiennent du cash ou l’équivalent se sentent en sécurité. Ils ne devraient pas. Ils ont choisi le pire actif possible à long terme. Un qui ne paie rien et qui est certain de perdre de la valeur avec le temps.” Warren Buffett
Les métaux précieux
Les métaux précieux, notamment l’or, sont des actifs à conserver sur du long terme, bien que l’historique monétaire de l’or puisse lui donner, selon les périodes, une utilité à court terme. Cet avantage hybride par rapport au temps et son pouvoir de « conservateur des prix » (parce qu’il combat l’inflation à long terme) me fait conseiller de détenir entre 2% et 5% de son patrimoine en or (ou un mélange de métaux précieux comme l’argent-métal, le platine, le palladium et l’or).
Les métaux précieux sont suffisamment liquides mais attention, les cours peuvent être très volatils. L’argent-métal par exemple a vu sa performance devenir négative de -55% entre 01.04.2011 et 8.11.2019 tandis que l’or a fait +3% sur la même période… Faites-vous conseiller.
L’immobilier de rendement
L’immobilier d’investissement ancien a vu son rendement moyen passer de 5% brut « historique » à 3% actuellement. Cette baisse s’explique par l’arrivée des taux négatifs obligataires ayant entraîné en quelques années une forte demande pour l’immobilier. Ce dernier est un investissement de long terme et n’est pas liquide.
Cette illiquidité se traduit par la difficulté de transformer le bien en « cash » à court terme et par l’impossibilité d’en vendre une partie pour récupérer 10’000.- par exemple.
Toutefois et avec une bonne gestion de la dette, il peut être envisageable d’augmenter l’hypothèque d’un bien acheté quelques années plus tôt afin de dégager des liquidités supplémentaires. Attention, vous devriez être en mesure de faire face au coût de votre dette en tout temps pour ne pas vous mettre en danger. Plusieurs articles sur l’immobilier ici…
Vous pouvez attendre deux types de rendement de l’immobilier : le loyer que vous percevez chaque mois et la plus-value (ou moins-value) que vous percevez lors de la vente du bien.
Cela ferait l’objet d’un article séparé, mais n’oubliez pas que le rendement se calcule sur vos fonds propres. C’est tout l’intérêt de l’immobilier : acheter à crédit et faire ce qu’on appelle du « levier ». Ce type d’opération comporte deux risques majeurs : le taux de la dette peut varier et le prix du bien peut baisser. Ce dernier point, allant souvent de pair avec une hausse des taux, peut vous obliger à rembourser une partie du crédit de manière anticipée.
Les actions
Les actions peuvent être achetées pour du moyen ou du long terme même s’il est préférable de se donner un horizon de temps de 10 ans et plus. Elles ont l’avantage d’être liquides, grâce aux bourses, où vous pouvez les transformer (les vendre) en liquidités rapidement.
Le rendement moyen des actions suisses s’élève, selon la banque Pictet (https://www.group.pictet/fr/relations-medias/la-performance-des-actions-et-obligations-en-suisse), à 9.50% par an entre 1926 et 2018 tandis que celui des actions américaines (S&P500) s’élève à 7.6% par année, en dollar américain, sur les 70 dernières années (de septembre 1949 à septembre 2019, selon Yahoo finance).
Détenir une action revient à être entrepreneur. C’est un titre de copropriété d’une entreprise qui vous donne le droit de voter lors des assemblées générales et de percevoir une partie du bénéfice de l’entreprise appelé dividende.
Le rendement provient de la plus-value (appréciation du titre) et du dividende. L’avantage fiscal réside dans le fait qu’en étant résident suisse, vos plus-values ne seront pas imposables sur le revenu, contrairement aux dividendes. Voir le tableau « fiscalité » plus bas.
Acheter des actions à travers des fonds de placement offre l’opportunité de se fabriquer un portefeuille sur mesure en permettant de sélectionner un type d’entreprise particulier ou une zone géographique donnée.
Les obligations
Les obligations sont des emprunts que les états ou les entreprises contractent pour une durée généralement limitée et qui sont rémunérés à un taux d’intérêt appelé coupon ; ce dernier peut être fixe ou variable.
Ces dettes peuvent être contractées pour du court, du moyen, du long ou du très long terme… Certains états, dont l’Autriche, ont émis cette année (2019) des dettes à 100 ans ! La question est : serez-vous encore vivant au moment du remboursement ? J
Contrairement à une idée reçue, les plus gros marchés boursiers ne sont pas ceux des actions (8’000 milliards de dollars), mais ceux des obligations (100’000 milliards de dollars en 2017) Les plus grosses dettes étant celles des pays industrialisés.
Lorsque vous entendez parler de taux négatifs, ce sont les emprunts d’états et notamment ceux de la Suisse qui n’offrent plus de rendement positif. Le rendement annuel étant tombé récemment (en été 2019) à -1% sur la dette suisse à 10 ans.
Deux sources de rentabilité sont à attendre d’une obligation : le coupon, qui représente l’intérêt payé chaque année et la plus-value (ou la moins-value) qui est le simple fait de vendre plus cher que le prix d’achat.
Historiquement, les obligations sont l’un des placements les plus conservateurs et les moins volatils. Sa liquidité relative et les volumes à engager pour y avoir accès en font un marché d’expert. Pour un particulier, le plus simple reste de les acheter à travers un fonds de placement.
Les matières premières
Les matières premières représentent les produits bruts ou semi-transformés qui entourent notre vie de tous les jours. Trois grandes catégories les composent : les matières énergétiques (comme le pétrole brut ou l’essence), les métaux (comme l’aluminium ou le plomb) et les produits agricoles (comme le cacao, le café ou encore le maïs).
Genève est bien connue pour être l’une des plus grosses places de marché pour le pétrole. Ici aussi, ce sont des marchés de connaisseurs et bien qu’elles soient liquides, il faut un minimum d’expérience pour pouvoir en tirer profit sur le moyen et le long terme.
Un fonds de placement peut avoir l’avantage de supprimer la barrière à l’entrée de l’achat et permet une diversification des matières et des échéances tout en offrant une liquidité quotidienne. Elles sont un bon rempart contre l’inflation, mais subiront aussi une baisse violente des prix.
Les fonds de placement
Tous les actifs mentionnés précédemment peuvent être acquis à travers des fonds de placement.
Un fond de placement est un portefeuille commun, géré par des analystes financiers, dans lequel plusieurs investisseurs peuvent investir en même temps. Les fonds disponibles en Suisse sont strictement réglementés par l’autorité des marchés financiers (FINMA) et offrent une liquidité quotidienne. Cela signifie que vous pouvez les acheter et les vendre chaque jour. C’est un super avantage dans des marchés peu liquides ou difficilement accessibles comme l’immobilier, les obligations ou les matières premières.
Pour l’immobilier toutefois, notamment en cas de crise sur les prix, certains fonds peuvent être fermés à la vente afin de laisser le temps au gestionnaire de vendre les immeubles sans subir (et ajouter) de pression supplémentaire sur les prix.
Les fonds de placement offrent l’avantage de pouvoir se positionner sur des marchés particuliers ou sur des techniques d’investissement éprouvées. Ainsi, vous pourriez vouloir investir dans les petites et moyennes entreprises suisses, dans des entreprises respectant des critères de durabilité stricte, dans des sociétés actives dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficience énergétique ou encore dans une approche dite « value », réputée comme plus conservatrice.
Les fonds dits Exchange Traded Fund permettent de répliquer un indice donné (le SMI ou le S&P 500 par exemple) à moindre coût. Pour des stratégies très simple de réplique de grands indices, ils sont intéressants. Avant de procéder à l’achat, pensez à vérifier la structure du fonds. Par exemple : le fonds détient-il réellement les actions qu’il est censé représenter ?
Vos deuxièmes et vos troisièmes piliers
Je parle plus en détail du deuxième pilier ici et du troisième pilier ici.
Ils sont généralement composés d’un panier d’investissement en obligations, en actions, en immobilier et en liquidités.
Leurs échéances étant liées à votre retraite, ils ne sont pas liquides. Toutefois et bien que vous ne puissiez en disposer à votre guise, ils font partie intégrante de votre patrimoine. Ne les négligez donc pas dans vos calculs !
Il existe quelques exceptions au retrait comme l’achat immobilier (ou les travaux), le départ à l’étranger et le fait de s’établir à son compte.
Vous ne pourrez malheureusement pas choisir la stratégie d’investissement de votre deuxième pilier mais vous aurez toute liberté pour votre troisième pilier. Profitez-en !
Vous pourrez aussi économiser beaucoup d’impôts en mettant en place une stratégie efficace sur le long terme.
Quoi d’autre ?
Les éléments particuliers tels que les voitures de collection ou les œuvres d’art me feraient dire, qu’ils s’adressent à des passionnés, fins connaisseurs et à des personnes au patrimoine « important ».
Notez que la famille Colonna (Rome) a fait perdurer sa fortune, depuis le XIIIe siècle, en la basant sur un tiers d’immobilier, un tiers d’or et un tiers d’œuvres d’art. Evidemment les marchés d’actions et d’obligations efficients et modernes sont relativement récents. Jean Paul Getty quant à lui, était aussi un grand collectionneur et a consacré une part importante de sa fortune à l’achat et à la vente d’œuvres d’art, léguant une grande partie à des musées lors de sa succession.
Il me semble que les plus-values, et à moins d’en faire un commerce actif, ne sont pas imposables. Si vous en savez plus sur ce sujet, partagez vos connaissances en commentaire 😉
Disclaimer
Attention, les recommandations données ici doivent s’adapter à votre situation. Faites-vous assister par un conseiller financier pour définir une stratégie en adéquation avec votre propension au risque et avec votre situation familiale et patrimoniale avant de procéder à tout investissement.
Je vous propose brièvement ci-dessous, à travers un exemple concret, de comprendre comment distinguer un revenu brut d’un revenu net.
Revenu brut et revenu net
Comprenons la différence entre le revenu brut et le revenu net grâce à l’exemple le plus complet : celui de l’immobilier.
Qu’en est-il de la fiscalité
Tableau récapitulatif et non exhaustif sur la fiscalité des actifs. Vérifiez avec votre fiduciaire avant d’entreprendre la moindre démarche. Il existe 26 fiscalités différentes en Suisse et sans doute des particularités communales ou régionales qui ne sont pas abordées ici…
Je vous propose pour conclure quelques recommandations.
Gardez une vision globale de votre patrimoine…
Il est important de faire coïncider les échéances de votre patrimoine avec votre rythme de vie, ainsi qu’avec vos objectifs et ceux de votre famille, qui forment vos horizons de temps. Des horizons de temps facilement identifiables sont par exemple : l’entrée des enfants à l’université, l’échéance de votre hypothèque, la date de votre retraite anticipée ou encore un projet de tour du monde.
Pour ce faire, vous devez absolument garder une vue d’ensemble sur votre patrimoine. Ne prenez pas un actif séparément mais remettez-le dans son contexte et opposez l’ensemble de votre fortune à vos échéances.
… et diversifiez votre patrimoine…
Pensez aussi à diversifier votre patrimoine et les classes d’actifs au sein de votre patrimoine. Ne mettez pas tous vos œufs dans le même panier… Ne diversifiez pas non plus à outrance car vous risqueriez de tuer votre rendement. Notez qu’au-delà de 30 entreprises, vous ne diversifierez plus le risque propre aux actions (risque du marché).
Le rendement dont vous avez besoin pour vivre (budget) et le coût de vos dettes sont également des éléments à garder à l’esprit lorsque vous construisez ou vivez de votre patrimoine. Gardez en tête que votre patrimoine travaille pour vous et pas l’inverse. Alors nourrissez-le avec régularité (payez-vous en premier) et, le temps venu, servez-vous-en pour accomplir des grandes choses.
Investir avec une vision longue vous permettra d’éviter les erreurs. Ne pas changer de stratégie trop souvent et savoir persévérer dans le temps en période de baisse et quand les autres vous disent « ça ne sert à rien, c’est dangereux, tu vas tout perdre… ».
Encore une fois, il existe autant de réponses que de situations individuelles, patrimoniales et familiales. Faites-vous conseiller et assister par un conseiller financier professionnel. Vous gagnerez énormément de temps et d’argent.
Et vous, voyez-vous un autre actif qui pourrait intégrer nos patrimoines ? Partagez-le en commentaire 😉