Mariage : au-delà du symbole

« Devrions-nous nous marier ? » Voilà une question qui m’est régulièrement posée. Et pas seulement par des jeunes. Beaucoup de couples restent concubins pendant des années, qu’ils aient des enfants ou non. Au-delà du symbole, le mariage entraîne des effets civils, juridiques et fiscaux à ne pas négliger. Si vous souhaitez protéger au mieux votre famille, cet article devrait vous intéresser.

Je vous propose de jeter un œil sur les avantages et les inconvénients du mariage (et, par analogie, du partenariat enregistré) par rapport au concubinage dans les cas de la retraite et du décès d’un conjoint.

À ce stade, retenez que le système de prévoyance des trois piliers peut servir des rentes et/ou des capitaux aux survivants (conjoint, enfant, parent, frère, sœur…).

À la retraite

Si je commence par cet exemple, c’est que l’effet « négatif » du mariage à la retraite est relativement anecdotique. Non pas que je nie les impacts financiers pour les couples, mais qu’en comparaison aux effets bénéfiques du mariage, il reste mineur.

C’est cependant le cas que la presse évoque le plus fréquemment car, à la retraite, un couple marié verra sa rente AVS (premier pilier) plafonnée à 3’585.- francs par mois (dès 2021), tandis que des concubins au bénéfice de rentes maximales AVS, pourront toucher jusqu’à 4’780.- (2’390.- par personne).

De quoi donner des envies de divorce la soixantaine approchante. 

Pour ce qui est des pensions provenant du deuxième pilier ou des capitaux versés par le troisième pilier, le mariage ou le concubinage n’offrent pas d’avantages l’un sur l’autre. Les montants perçus individuellement resteront inchangés. Seule la fiscalité du couple marié pourrait être différente, selon les cantons.

En cas de décès

C’est dans le cas d’un décès que la balance penche fortement en faveur du mariage. Sans mariage, pas d’union scellée entre deux personnes devant la société civile. La cellule familiale n’est ainsi pas reconnue et ne peut se protéger efficacement contre les coups (et les coûts ! ) du sort.

Deux cas de figure sont à évoquer : les rentes perçues par les survivants (veuf/veuve et orphelin) et la transmission du patrimoine aux héritiers.

Quelles rentes pour les survivants ?

Imaginons que le conjoint d’un couple de concubins décède. Les enfants aux études jusqu’à leur vingt-cinquième anniversaire, percevront des rentes d’orphelins du premier pilier et du deuxième pilier, et ce, indépendamment que leurs parents soient mariés ou non. Le troisième pilier pourrait quant à lui verser un capital aux enfants. Dans un concubinage, le concubin survivant n’a le droit à rien puisqu’il n’est civilement pas lié au défunt.

En résulte ici une perte conséquente de rentrées financières pour la famille. Même si le concubin survivant a généralement la possibilité d’administrer les rentes d’orphelin perçues, il manquera un revenu substantiel à la fin du mois, pouvant aller jusqu’à plus de 80% du dernier salaire (cas où la rente d’orphelin correspondrait à 20% du salaire du défunt).

La veuve ou le veuf d’un mariage avec des enfants aurait le droit à des rentes du premier et du deuxième pilier. L’éventuel capital de troisième pilier lui reviendrait aussi de droit.

Enfin et ceci concerne tant les couples mariés que concubins, si le conjoint décédé s’occupait des enfants à la maison (majoritairement les femmes), et ne percevait pas de salaire à proprement parler, la perte financière relative serait aussi considérable. Ce travail coûte cher en réalité dès lors que le survivant doit engager du personnel pour pallier l’absence d’un parent (aménagement du temps de travail du survivant, crèche, garde parascolaire, temps de transport, repas, aide extérieure…).

Quelle fortune en cas de décès ?

Si notre famille de concubins disposait d’une certaine fortune, nous pourrions imaginer combler les lacunes de rentes par un transfert de richesse du défunt au conjoint survivant, via la succession.

Le problème ici est fiscal. L’absence de reconnaissance du concubinat entraîne une taxation lourde. Sur le canton de Vaud, des époux ou des partenaires enregistrés n’auraient pas à payer d’impôt de succession tandis que l’impôt frapperait à hauteur de 50% le montant transféré entre deux concubins « sans lien de parenté ».

Si la seule fortune de la famille est la résidence principale, l’absence de liquidités pour payer l’impôt est un problème à ne pas négliger.

Avec des parents concubins, les enfants récupéreraient légalement 100% du patrimoine du défunt. Cela peut s’avérer très vite handicapant, surtout lorsque la justice nomme un administrateur pour régler la succession dans le but de protéger les intérêts des enfants.

Le mariage échappe à cette situation en instituant le partenaire bénéficiaire à 50% des avoirs du conjoint décédé.

Vous pouvez même aller plus loin en aménageant votre contrat de mariage et en rédigeant un testament. La part légale des enfants peut être réduite au strict minimum appelé « part réservataire ». Ainsi, la succession pour les enfants peut être diminuée de 1/2 à 3/8e, au profit des autres héritiers et notamment le mari ou la femme de la personne décédée.

Concubins : quelles solutions pour protéger sa famille ?

Vous pouvez vous rendre compte que le mariage règle de façon simple la protection financière de la famille en cas de disparition d’un parent. Nous observons également que le concubinage peut être un piège pour le conjoint restant avec des enfants.

Si vous êtes concubins, vous pouvez cependant améliorer partiellement la situation sans recourir à une union civile (mariage ou partenariat).

Si le premier pilier ne verse pas de rente de survivant à des concubins, ce n’est pas obligatoirement le cas des caisses de pension (deuxième pilier) qui, et bien qu’elles n’en aient pas l’obligation, peuvent reconnaître le concubinage sous certaines conditions. Ces dernières sont notamment le fait de vivre ensemble depuis plus de cinq ans ou d’avoir des enfants en commun. Dans ce cas, la caisse fait mieux que la loi en versant des rentes ou des capitaux. Astuce : renseignez-vous auprès de votre caisse et annoncez votre conjoint. Si vous souhaitez approfondir ce sujet, cliquez-ici.

Le troisième pilier peut également pallier ces lacunes. En l’absence de descendant, vous pouvez instituer comme bénéficiaire du capital décès qui bon vous semble. D’ailleurs, l’impôt sera identique, indépendamment de l’ayant droit : entre 7% et 12% selon la situation. Mais attention, dès la naissance des enfants, ceux-ci deviendront automatiquement les héritiers.

Le décès à la retraite ?

Pour conclure sur ce thème, relevons le cas particulier du décès d’un conjoint marié à la retraite.

Lorsqu’un homme à la retraite laisse sa femme veuve, cette dernière touchera sa propre allocation AVS ou le 80% de la rente AVS de son compagnon disparu. Pas de cumul ici.

Petit exemple : Monsieur marié a le droit à une rente AVS de 2’350.- par mois et son épouse à 1’700.- mensuel. Leur pension de couple est cependant plafonnée à 3’585.-. En cas de décès de Monsieur : Madame percevrait les 80% de la rente de Monsieur soit 1’880.-, supérieurs à sa propre rente de 1’700.-.

Dans le cas contraire : si la femme est la première à partir et que les enfants adultes travaillent, l’homme n’a le droit à rien. Le principe d’égalité absent ici est de plus en plus contesté.

Un mot sur le partenariat enregistré : Le Pacs à la française qui permet l’union des couples hétérosexuels et homosexuels n’existe pas et n’est pas reconnu en Suisse. Les couples de même sexe devront y annoncer un partenariat enregistré. Ce dernier reprend les caractérisques du mariage sous le régime de la séparation des biens. Particularité des cantons de Neuchâtel et de Genève qui reconnaissent l’union hors mariage des couples hétérosexuels. L’AVS assimile les personnes au bénéfice d’un partenariat enregistré à des veufs. Ils ne peuvent pas bénéficier de rente de survivant.

Le deuxième pilier, quant à lui, verserait au conjoint restant 60% de la rente de retraite précédemment touchée. Sous certaines conditions, le cumul de rentes du deuxième pilier est donc possible.

En discussion au parlement

Enfin, une discussion aux deux Conseils a actuellement lieu pour modifier le droit des successions. Certains parlementaires souhaitent diminuer la part d’héritage légal pour les enfants et mieux prendre en considération le divorce dans la transmission du patrimoine. Affaires à suivre.

Pour aller plus loin, je vous invite à lire ces deux articles : comment faire face au décès du conjoint et éviter l’expulsion de la maison familiale lors d’un décès.

Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.

Éviter l’expulsion de la maison familiale lors d’un décès

Nous aimerions ne pas y penser ! Il est pourtant assez simple de protéger sa famille et son conjoint d’une expulsion après un décès.

Dans un couple marié et en cas de décès d’un conjoint, la continuité de la tenue des charges de la maison familiale est posée. En effet, avec la disparition d’un revenu, le fameux ratio des charges immobilières, qui ne doit excéder le tiers du revenu, est souvent dépassé et une expulsion n’est pas à exclure.

Et bien que le premier et le deuxième pilier servent des rentes de veuf ou de veuve, ces dernières peuvent se révéler insuffisantes au maintien de ce ratio.

Notez que les couvertures du système social suisse sont différentes dans le cas d’une maladie et d’un accident. Comment peut-on se protéger d’un tel événement ? Je vous propose un bref rappel théorique suivi d’un cas pratique pour illustrer mes propos.

Les rentes de veuve et de veuf en cas de décès du conjoint à la suite d’une maladie

En comparaison avec l’accident, décéder à la suite d’une maladie est le cas statistique le plus fréquent. Que prévoient les assurances sociales dans le cas du décès par maladie d’une personne salariée ?

Les deux premiers piliers (AI et LPP) peuvent fournir, sous certaines conditions, des revenus de substitution au partenaire survivant. Vous trouvez un article qui en parle ici.

Le prêteur hypothécaire exige en tout temps que le revenu de la famille soit au moins trois supérieurs à l’ensemble des charges théoriques du bien. Y compris après un tel drame.

Ces charges sont formées de l’entretien du bâtiment, du remboursement de la dette et des charges d’intérêts hypothécaires.

Le premier pilier verse au conjoint et, sous certaines conditions, jusqu’à 80% de l’ancien salaire avec un plafond situé à 22’752.- francs par an. En cas de lacunes de cotisation ou de revenu faible les premières années de l’activité lucrative, cela peut aussi être beaucoup moins.

La rente de conjoint du deuxième pilier quant à elle varie grandement selon la caisse de pension du défunt. Un employeur qui offre des prestations sociales intéressantes peut servir jusqu’à l’intégralité du revenu sous forme de rente ou de capital. À l’inverse, un patron radin pourrait servir le minimum selon la Loi sur la Prévoyance Professionnelle (LPP).

Si vous êtes employé dans une entreprise de taille relativement importante, vos chances d’influer sur ces rentes seront limitées. Cela vaut toutefois la peine de vous rapprocher de votre représentant salarial pour le deuxième pilier afin d’obtenir de bonnes couvertures.

Les rentes de veuve et de veuf en cas de décès à la suite d’un accident

Dans le cas d’un accident, c’est la Loi sur l’Assurance Accident (LAA) qui servirait une rente au conjoint survivant.

La LAA assure les salariés qui travaillent plus de huit heures par semaine avec un revenu inférieur à 148’200.- par an. La rente de conjoint est limitée à 40% de l’ancien revenu. Ici aussi, un employeur généreux peut faire mieux que la loi. Renseignez-vous.

La rente de conjoint selon la LAA est également servie sous certaines conditions (mariage, enfant en commun, etc.).

Le premier pilier apporterait parallèlement une rente au conjoint survivant, dans les mêmes conditions que pour la maladie.

Enfin, la caisse de pension peut fournir si son règlement le permet, un complément de revenus sous forme de rente ou de capital.

Le cas de l’indépendant

Une personne qui travaille à son propre compte n’a pas l’obligation de s’affilier à un deuxième pilier, à un troisième pilier ou à la LAA. Elle est donc libre de composer sa prévoyance sur mesure. La liberté qui en découle est intéressante pour construire une prévoyance avantageuse, mais cela peut aussi se révéler être à double tranchant.

En effet, par manque de temps et d’intérêt, trop d’indépendants repoussent à « plus tard » l’étude complète de leur situation. Tant que tout va bien…

De mauvais conseils peuvent aussi conduire à une situation bancale. En quelques heures, et avec l’aide d’un conseiller expérimenté, vous pourriez combler l’ensemble des lacunes de retraite, d’invalidité et de décès.

En l’absence de couverture complémentaire, seules les rentes du premier pilier seraient servies. Cela peut amener la famille à une situation dangereuse autant pour éviter l’expulsion de la maison que pour continuer à vivre « normalement ».

Les rentes d’orphelin

Le premier pilier, le deuxième pilier et la LAA versent des rentes aux enfants survivants. Ces rentes d’orphelins correspondent respectivement à 40% (AI), 20% (LPP) et 15% (LAA) de la rente de conjoint.

Certains prêteurs immobiliers pourront considérer ces rentes comme faisant partie intégrante du revenu de la famille et d’autres les excluront.

Notez qu’un tuteur pourrait également en limiter l’utilisation jusqu’à la majorité des enfants. Dans tous les cas, je vous invite à protéger votre famille devant un notaire en rédigeant des testaments et un contrat de mariage. Vous trouvez plus de détails sur ce sujet ici.

Quand après un décès la faisabilité de la maison devient impossible à tenir ! Un cas pratique

Pour comprendre les conséquences d’un décès sur la faisabilité hypothécaire de la maison, prenons l’exemple d’un couple qui gagne 180’000.- par année, à parts égales soit 90’000.- chacun.

La famille est également composée de deux enfants. Les parents sont assurés dans la moyenne suisse et ils sont propriétaire de leur appartement acheté 1’070’000.- il y a quelques années.

Lors de l’achat, ils ont contracté une hypothèque de 856’000.- et leur faisabilité était au maximum possible de 33%. C’est-à-dire que l’ensemble des charges théoriques calculées par le prêteur se montait à 60’000.- par an (60’000.- fois 3 = 180’000.-).

Dans le cas où l’un des époux viendrait à disparaître, le conjoint survivant et les enfants toucheraient aux environs de 54’000.- par année. Ainsi, le nouveau revenu de la famille passerait à 144’000.-. Dans ce cas, et à condition que le prêteur prenne en compte les rentes d’orphelins, la faisabilité passerait de 33% à 42% (60’000.- divisé par 144’000.-). Notez que si le prêteur excluait de son calcul les rentes d’orphelins, la faisabilité exploserait à près de 50%.

Ici, la banque ou l’assurance qui aurait prêté l’hypothèque, serait en droit de demander des garanties supplémentaires à hauteur de 273’000.-.

Cela signifie que pour éviter une vente forcée du bien, la famille devrait apporter 273’000.- de garanties supplémentaires au prêteur. Cette somme pourrait prendre plusieurs formes : des liquidités, un portefeuille d’investissement ou, pourquoi pas, la caisse de pension du conjoint survivant.

Étant donné que la majeure partie de la fortune des Suisses est composée de la caisse de pension et des fonds propres de la maison familiale, cette somme soudainement nécessaire n’existe tout simplement pas.

Alors, comment éviter d’ajouter de la difficulté financière à de la peine ? Voyons cela.

Ajouter un capital décès grâce à un 3e pilier assurance permet de conserver la maison

Rester libre d’un système et libre de la dette contractée pour acheter sa résidence principale me semble pertinent.

Beaucoup de pays en Europe obligent les contractants d’une dette immobilière à assurer le cas du décès. La Suisse ne l’oblige pas et le prêteur l’exige rarement. Mais ce n’est pas parce qu’on ne vous le demande pas qu’il ne faut pas le faire. 🙂

Une façon assez simple pour notre couple suisse de se protéger pourrait être de contracter une assurance de 3e pilier et d’y inclure un capital décès afin d’être en mesure, en tout temps, de conserver la maison.

Avec l’aide d’un conseiller financier, notre famille pourrait calculer son besoin exact et se couvrir en conséquence tout en évitant une sous assurance ou une sur assurance.

Elle devrait idéalement ajouter à ce capital décès les nouvelles dépenses consécutives à la perte d’un conjoint.

Enfin, notre couple serait bien avisé de profiter de cette analyse pour combler ses lacunes de retraite, surtout dans un système qui part à la dérive.

Cette assurance de 3e pilier peut dans certains cas être déductible des impôts, être constitutive d’épargne et offrir une sécurité supplémentaire à la famille en cas d’invalidité.

Un conseil sur mesure s’applique ici. Pensez à revoir votre situation régulièrement !

Notez que s’assurer n’exclue pas le fait d’épargner pour rembourser sa dette.

Cet article vous a éclairé ? Un pouce bleu est bienvenu 🙂