« Vous réalisez le meilleur investissement de votre vie en achetant votre résidence principale ». Cette phrase, vous l’avez sans doute entendue de la part de votre famille, de vos amis, de votre banquier et bien sûr du courtier immobilier. Elle me semble pourtant partiellement fausse. Je ne me ferai probablement pas beaucoup d’amis avec cet article, et je vais tenter de vous démontrer les raisons de cette affirmation en vous exposant quelques arguments.
J’avoue que ce raisonnement m’est apparu il y a quelques années en lisant « Père riche, père pauvre » de Robert Kiyosaki. J’étais resté dubitatif sur le moment, mais force est de reconnaître que l’auteur propose une réflexion pertinente, qui va à l’encontre de la doxa y compris dans le milieu financier. Je vais tenter de vous la retranscrire partiellement ici.
Le cas Peter Lynch et la pensée commune
Prenez par exemple un grand investisseur tel que Peter Lynch. Dans son livre « One Up on Wall Street », l’auteur considère l’achat d’une maison comme « un bon investissement […] qui vous fait gagner de l’argent dans 99 pour cent des cas ». Je lui accorde qu’une maison reste « un parfait remède contre l’inflation et un endroit idéal où s’abriter durant une récession ».
Peter Lynch poursuit son raisonnement de manière intéressante – surtout si l’on fait le lien avec une planification financière personnelle – en expliquant que les gens achètent une petite maison au début de leur vie, puis une plus grande à la naissance des enfants, pour enfin retourner dans une plus petite lorsque les enfants quittent le foyer. Ce schéma permet de réaliser une plus-value conséquente et nette d’impôts (ou quasi nette en Suisse) lors de la vente de la grande maison, puisqu’il y a arbitrage entre la grande et la petite.
En ce qui concerne les maisons, Lynch renie ainsi l’adage de Wall Street « n’investissez jamais dans quelque chose qui se nourrit ou se répare ».
Enfin, il admet que les raisons principales permettant de réaliser des gains grâce à sa résidence principale sont d’ordres psychologiques. Notamment le peu de chance que vous auriez de vendre votre maison dans la panique si les prix immobiliers venaient à s’effondrer. C’est, reconnaissez-le, ce que vous risqueriez de faire avec une action pendant un krach boursier massif. Il faut dire qu’un coup de téléphone ou un ordre sur internet suffiront pour vous séparer d’un titre en bourse tandis qu’il vous faudra planifier toute une série d’événements pour vous débarrasser de votre maison.
À en croire Lynch, qui recommande d’acheter une maison avant d’acheter une action, l’achat d’une résidence principale est donc un investissement gagnant sur le long terme.
Continuons la discussion.
Qu’est-ce qu’un investissement ?
Avant de poursuivre, nous devrions définir le terme « investissement » et le verbe « investir ».
Selon le dictionnaire le « Trésor de la langue française », un investissement peut se définir par l’application d’une certaine quantité de monnaie à la création de biens de production, d’équipement, de produits de consommation ou de services.
Nous pourrions ici soutenir que l’achat d’un bien immobilier ancien n’a rien d’un investissement tandis que construire ou rénover une maison crée une demande en produits de consommation et en services via les entreprises et les artisans employés.
Quant au verbe investir, et toujours selon le même dictionnaire, cela consiste à placer de l’argent dans un secteur de l’économie ou dans une entreprise, pour en tirer des revenus.
Or, et c’est bien le sujet, vous ne tirez aucun revenu de votre résidence principale. Hormis dépenser un certain flux d’argent, il ne me semble pas pouvoir obtenir un retour pécuniaire et pérenne des acteurs qui travaillent sur le chantier.
Avec l’apparition des taux nuls et négatifs, nous pourrions toutefois voir dans cette dépense une façon de geler ses avoirs à condition de n’assister à aucune baisse du marché immobilier. Et toujours aucun revenu en vue…
Des coûts, des coûts et encore des coûts
Donc, sauf à louer une partie de votre logement ou à pratiquer la colocation, vous ne pouvez espérer aucun fruit de votre résidence principale.
Au contraire, vous accumulerez une quantité de frais tels que les coûts d’entretien et de rénovation (généralement 1% de la valeur d’achat et pouvant monter jusqu’à 2,5% dans des bâtiments anciens), les intérêts de l’emprunt, l’impôt issu de la valeur locative, la taxe immobilière locale, etc.
Que pense Robert Kiyosaki ?
Kiyosaki emploie dans ses livres le langage de la comptabilité d’entreprise. Son but est de transmettre au plus grand nombre un schéma et des méthodes pour se construire un patrimoine.
Une société dispose d’actifs (investissements) qui lui procurent des revenus tels que des machines ou des outils… et de passifs formés par les dettes et le capital social (la part détenue par les propriétaires de la compagnie).
Les recettes de l’entreprise sont quant à elles opposées aux dépenses. Pour qu’un ménage privé s’enrichisse, il doit transformer une partie de ses revenus en actifs (épargne investie) et éviter d’en dépenser l’intégralité. Vous trouvez un article sur le sujet ici.
Actifs VS Passifs
Kiyosaki écrit qu’un actif met de l’argent dans votre poche contrairement aux passifs. Et il classe la résidence principale dans cette dernière colonne : un élément passif avec un lot de dépenses liées, comme je l’écris plus haut.
Je le cite : « Je voudrais faire remarquer que la plupart des gens travaillent toute leur vie pour payer une maison qu’ils ne possèdent jamais […] même si les gens reçoivent un dégrèvement d’impôt relativement aux intérêts de leurs versements hypothécaires, ils paient tous leurs autres frais avec des dollars après impôts ». Notez qu’il vit aux États-Unis et écrit pour les Nord-Américains. Vous pouvez remarquer l’analogie entre le système des hypothèques américaines et des intérêts déductibles fiscalement avec la Suisse.
Il continue ainsi : « les maisons ne prennent pas toujours de la valeur […] Si tout votre argent est immobilisé dans votre maison, il se peut que vous soyez forcé de travailler plus dur, car votre argent continue de fondre dans la colonne des dépenses au lieu de s’additionner dans la colonne de l’actif, ce qui représente le modèle classique de la marge d’autofinancement de la classe moyenne […] Il arrive trop souvent qu’une maison serve de facteur incitatif pour que vous contractiez un emprunt et que vous ayez ensuite à en payer les dépenses qui vont toujours en augmentant ».
Avez-vous déjà lu quelque chose comme ça ?
Robert (appelons le Robert 🙂 ) conclu sa tirade sur la résidence principale de cette manière : « les gens achètent généralement une maison trop dispendieuse pour leurs moyens au lieu de commencer à investir, dès que possible, dans un portefeuille de placements. Le résultat final influe sur un individu, tout au moins, des trois façons suivantes :
- Perte de temps, pendant lequel les autres actifs auraient pu prendre de la valeur.
- Perte d’un capital additionnel, qui aurait pu être investi au lieu de servir à défrayer des dépenses élevées d’entretien, liées directement à la maison
- Perte d’un enseignement (je ne suis pas d’accord sur ce point) ».
Oui, mais !
Alors même si j’approuve Robert sur le principe, il oublie toutefois de mentionner que nous avons besoin d’un toit sur notre tête et sur celle de notre famille. Et donc que la limite de son raisonnement s’arrête à la comparaison avec la location de son logement. Le locataire paie indirectement les mêmes charges que le propriétaire.
Je ne connais pas le marché de la location aux États-Unis, mais dans grand nombre de régions de Suisse, les loyers sont exorbitants. Et pour peu que vous habitiez sur l’arc lémanique ou à Zurich, le mot « exorbitant » peut vite devenir léger.
Alors qui a raison ?
Les deux mon capitaine !
Acheter un bien immobilier, et sauf à acheter au-dessus de vos moyens, devrait limiter et même baisser sur le long terme les coûts liés à votre logement.
Les intérêts bas actuels – malgré des prix d’achat à l’apparence élevés – permettent de quasi diviser par deux l’équivalent en location. Même en ajoutant l’entretien courant et de long terme, vous devriez rester 40% bénéficiaire chaque mois.
Cet excédent devrait donc être investi sans question pour construire votre patrimoine et pour vous protéger de la dette. Pour ces raisons, vous devriez privilégier une hypothèque à long terme et à faible coût. Je vous renvoie à cet article sur le sujet.
C’est en mixant les deux réflexions évoquées ici que vous pourriez trouver le bon équilibre entre d’un côté, obtenir moins de dépenses que de revenus afin d’épargner, et de l’autre combler l’envie profonde qui vous anime d’être chez vous. Car c’est finalement cela une résidence principale, le souhait d’être chez soi.
Contactez-moi si vous souhaitez discuter l’achat de votre résidence principale, rembourser votre dette, négocier votre hypothèque ou encore la renouveler.
Cet article a été posté en tant qu’invité sur le site investir.ch dont je vous recommande vivement la lecture. Vous y trouverez de nombreuses analyses sur la finance, l’économie, l’immobilier ou encore la prévoyance dans notre pays.